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Trois cols à ski dans le Mont-Blanc, version hiver !

Discrète classique à Chamonix

Une classique de Chamonix sans personne ni une trace, par un samedi de beau temps. Pas d’intox, mais une astuce : pensez hors du cadre, skiez en décalé ! Depuis les Grands Montets, toujours en marche malgré l’incendie de l’automne dernier, c’est l’occasion de revisiter un itinéraire de printemps en plein hiver : la traversée des 3 cols, première étape de la Haute route Chamonix-Zermatt, avec plus de poudre et moins de foule.

 

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hamonix, Mecque de l’alpiniste qu’il soit en crampons, chaussons, baskets ou skis. Qui dit lieu saint dit pèlerinage et forcément, une foule omniprésente. Passage obligé pour beaucoup dans leur carrières de montagnards, nombreux sont ceux qui fuient cette vallée des géants, préférant l’austérité flamboyante de l’Oisans ou des Hautes Alpes. Rocs reculés contre aiguilles surpeuplées. Pourtant, toujours la même impressionnante sensation d’écrasement pour l’ours des Écrins qui arrive à Cham’. Tout lieu touristique l’est pour une raison. Chamonix en impose, et mis à part le chic et le strass superflu, on se verrait bien y vivre le temps de réaliser quelques une des ascensions mythiques qui remplissent nos beaux livres rouges à la maison.
Hélas, impossible de retrouver la même exquise solitude au pays du Mont Blanc qu’ailleurs. Repousser les limites du possible, n’est-ce pas là un des moteurs de l’homme qui grimpe aux montagnes ? Les plus belles inventions sont souvent dues à ceux qui parviennent à faire un pas de côté. Ceux qui, de nos jours dit-on, « pensent en dehors du cadre ». Chez Alpine Mag, on a trouvé une solution : il suffit d’échanger les saisons !

 

Sur le glacier d’Argentière, vue sur le premier objectif de la journée : le col du Chardonnet ©Arthur Lachat

La recette ?

Un jour de grand beau temps de janvier, après une chute de neige récente, prenez une classique de ski de printemps. Ajoutez une approche en télécabine par les Grands Montets, vous trouverez un beau compromis entre montée sans efforts et fréquentation réduite. Partie en fumée en septembre dernier, la gare intermédiaire a cédé sa place aux télécabines de Plan Joran et de Bochard pour amener les skieurs au plus près du glacier d’Argentière. Il faut néanmoins compter un peu plus d’approche à ski pour prendre pied sur le glacier : un bon moyen d’éliminer la concurrence d’entrée de jeu. Secouez le tout, et bientôt vous réalisez l’impossible. La traversée des 3 Cols, première étape de la Haute route Chamonix-Zermatt, pour vous tout seul. Une course mythique en altitude, pour visiter trois cirques glaciaires reculés à cheval sur la frontière franco-suisse.

Sous le col du Chardonnet, les seules traces du jour. ©Arthur Lachat

Le glacier de Saleina, le Grand Combin au loin. ©Arthur Lachat

Jusqu’au col du Chardonnet, le glacier d’Argentière accueille encore quelques visiteurs. L’occasion de profiter encore quelques instants des traces de montée. Car une fois de l’autre côté du col, en Suisse, c’est (très) beau mais la trace reste à faire. Le rappel (facultatif selon l’enneigement) pour prendre pied sur le glacier de Saleina rajoute à l’ambiance haute montagne. Une fois sorti, c’est le silence qui surprend. La neige est vierge, le ciel est bleu, le granite orange. Au loin, les crevasses luisent comme un banc de poissons. La montagne est enfin nue, débarrassée (à part vous) de ses primates qui la parasite. La contemplation satisfait les yeux. Quant aux cuisses, elles brûleront vite de joie sous la fenêtre de Saleina, un des itinéraires obligatoire pour rebasculer côté français. Devant vous se tient l’énigme principale de la sortie : ça passe, ça passe pas ? Contrairement au printemps où on pourra espérer un regel agréable et stable, le brassage est souvent de rigueur dans cet étroit goulet. La fenêtre n’est pourtant pas loin, où l’alpiniste pourra prendre son envol pour migrer direction la France, la voiture et la bière. Une mauvaise lecture du bulletin d’estimation du risque d’avalanche, ou une plaque à vent mal placée et c’est le retour maison catégorique et sans appel, par le même itinéraire qu’à l’aller.

Cette étape franchie avec succès, le col du Tour n’est plus loin. Le plateau du Trient, flanqué de l’aiguille du Tour et des Aiguilles Dorées  accueille d’étranges traces en U. Réflexion faite, elles proviennent de petits avions de tourisme qui se posent et redécollent aussitôt. Paradoxe de Chamonix : si haut et si loin soit-on, la civilisation reste palpable, alors même que tout atteste de la solitude du moment. Après avoir enjambé la fenêtre de Saleina, le passage du col du Tour dans la lumière du soir prend des aspects de portail magique. La journée touche à sa fin, les spatules glissent sans bruit sur l’immense glacier du Tour.

Rappel côté suisse, depuis le col du Chardonnet ©Arthur Lachat

Chaos de crevasses bleutées, rose orangé du ciel sur les Aiguilles Rouges et poudreuse légère sont au rendez-vous. Les plus avertis, les locaux qui savent, ou tout simplement les détenteurs d’une carte IGN n’auront aucun mal à trouver leur chemin en rive gauche du glacier jusqu’au village du Tour. Les ours de l’Oisans peu familiers du coin, ou les jeunes écervelés transportés par cette divine descente, se retrouveront prisonniers des barres rocheuses qui surplombent le village. Qui oublie sa tête, doit compter sur ses jambes ! Les distraits devront soit retourner sur leurs pas, soit opter pour une série de rappels sur des poteaux métalliques plus ou moins branlants pour rejoindre le plancher des vaches sous la lumière de la lune. Accueillante vallée de Chamonix, toujours si proche et si loin. Arrivés en son sein, chamoniard et dauphinois se retrouveront dans la navette gratuite direction Argentière pour retrouver voiture, chaleur et bières.

Entre les crevasses du glacier du Tour ©Arthur Lachat

Dernière descente, la nuit tombe vite. ©Arthur Lachat

En pratique

  • Départ avec la première benne des Grands Montets. Deux options : montée en téléphérique à Plan Joran (14, 50 €), ou directement jusqu’à Bochard (29€). Dans le premier cas, il faut peauter depuis l’arrivée du téléphérique de Lognan, dans le deuxième cas, on se laissera glisser pour rattraper la trace de montée sur le glacier d’Argentière (mis à part une descente en bonus, on gagne peu de dénivelé).
  • Traverser le glacier d’Argentière pour gagner le col du Chardonnet.
  • Depuis le col, descendre versant suisse pour prendre pied sur le glacier de Saleina. Un rappel peut être nécessaire suivant les conditions d’enneigement et le niveau des skieurs (passage étroit pouvant être exposé).
  • Remonter à la fenêtre de Saleina, située entre la Petite Fourche et les Aiguilles Dorées. La pente, assez raide, peut être chargée en neige. On descend de la fenêtre côté Plateau du Trient par un rappel de 8 mètres. Remonter 50 mètres jusqu’au col du Tour, troisième et dernier col de la journée. Ici aussi, un rappel de 50 mètres peut être nécessaire en fonction de l’enneigement. Descendre le glacier du Tour en tirant au maximum sous la face Nord de l’Aiguille du Chardonnet. On rejoint bientôt l’itinéraire (souvent tracé) qui redescend du col des Passons. Rester en rive gauche du glacier pour s’enfiler dans le vallon du ruisseau du Plagnard, sous le Bec de la Cluy. On rejoint ainsi le village du Tour.
  • Des navettes gratuites et régulières ramènent au parking du téléphérique des Grands Montets.
  • Depuis l’arrivée du téléphérique de Plan Joran, une bonne boucle de +1800 mètres de dénivelé et une vingtaine de kilomètres dans un cadre typé haute montagne.

Jeu d’ombres matinales sur le glacier d’Argentière ©Arthur Lachat

En rouge, l’itinéraire des 3 cols. ©IGN Géoportail / Arthur Lachat