On associe souvent le télémark aux pentes douces de Norvège. Pourtant, la pente raide est un autre terrain de jeu pour adeptes du talon libre. Décryptage et conseils d’un ancien de l’équipe de France reconverti à la haute montagne.
Dans le doux relief norvégien, là où est né le télémark vers 1868, le télémarkeur peut s’exprimer pleinement, déployant toute son élégance et sa fluidité sur de larges pentes. Cependant, tout comme leurs cousins skieurs ou snowboardeurs, les télémarkeurs peuvent aussi se tourner vers la pente raide car avec le talon détaché apparaît une nouvelle forme de liberté.
La spécificité du télémark, par rapport au ski traditionnel, est d’avoir le talon libre. Cette liberté de mouvement permet au télémarkeur de fléchir sa jambe intérieure pendant le virage – la fameuse « génuflexion » – et de réguler l’écart entre le pied avant et le pied arrière, pour épouser avec grâce les reliefs du terrain, tout en rasant la neige avec le genou intérieur.
L’absence de tenue du talon entraîne par la même occasion un équilibre assez précaire. Toute la finesse du télémark réside dans la gestion de cet équilibre, un challenge permanent ! Une pente raide facile en ski deviendra plus difficile, voire un véritable défi, si elle est parcourue en télémark. C’est là tout l’intérêt : sortir de sa zone de confort, chercher le bon placement, le dosage parfait, pour réaliser un geste juste, fluide et descendre tout en contrôle.
Antoine Bouvier au col des Cristaux. ©Laura Grenier Soliget
Le choix de la pente
Pour commencer ne soyez pas trop ambitieux dans le choix de la pente ! Vous prendrez du plaisir si vous arrivez à descendre en confiance et en contrôle, en position télémark. Si c’est pour descendre en position alpine sur les talons, alors autant y aller en ski alpin, ce sera plus confortable ! Privilégiez donc une pente où vous vous sentirez à l’aise. A l’aise dans une pente à 45° en ski ? Partez sur une pente à 40° suffisamment large pour commencer en télémark. Cela vous conférera une marge afin d’envoyer de belles fentes dans la pente. Bien entendu la qualité de la neige et l’exposition sont à prendre en compte. Seb Mayer, freerider et multiple vainqueur du Derby de la Meije en télémark, le confirme : « Quand la neige est dure, je préfère prendre les skis ». En effet, vous ne prendrez guère de plaisir sur une pente raide en neige béton armé. Attendez qu’elle décaille ou que vingt centimètres de neige poudreuse viennent la recouvrir.
Avec quel matériel ?
La paire de ski idéale n’existe pas, c’est toujours une question de compromis. Plutôt privilégier la légèreté à la montée ou le comportement du ski à la descente ? Quel que soit votre choix, il vous faut un ski renforcé au patin pour éviter tout risque d’arrachement de la fixation, très contrainte en traction sur le pied intérieur. Ne prenez pas des skis trop courts, pour avoir suffisament d’appui en talon et en spatule : une paire entre 1,75 et 1,80m est un bon compromis entre longueur portante et facilité de pivotement. De même qu’en ski alpin, la largeur au patin varie en fonction de vos préférences et de la neige rencontrée : un patin entre 85 et 100 mm fait l’affaire dans toutes les conditions et reste le bon compromis entre portance en neige profonde et accroche sur neige plus dure.
Le choix de la fixation est guidé par le poids et la rigidité latérale, pour maîtriser parfaitement ses skis dans la pente. Pour cela la fixation NTN Meidjo 2.0 est l’une des meilleures réponses actuellement : légère et surtout très précise latéralement grâce à sa butée avant Low Tech qui garantit une transmission optimisée sur la carre. Des chaussures NTN (New Telemark Norm) à inserts sont nécessaires dans ce cas. Des fixations à câble norme 75 apportent également de la légèreté à la montée, mais moins de précision et de transmission sur la carre à la descente, bien utile lorsqu’une plaque de glace imprévue apparaît sous vos pieds !
Pour commencer ne soyez pas trop ambitieux dans le choix de la pente ! Vous prendrez du plaisir si vous arrivez à descendre en confiance et en contrôle, en position télémark.
Un peu de technique
Vous voilà prêts à en découdre ! Mais avant cela, quelques conseils techniques.
Attitude
La règle d’or : soyez confiants, affrontez la pente ! Gardez les épaules face à la pente durant la totalité du virage, grâce à une belle dissociation entre le haut et le bas du corps. Cela vous permettra de garder le contrôle de votre vitesse en toute situation.
Déclenchement
Pour déclencher votre virage, aidez-vous d’un double planté de bâtons. Cela vous permettra de vous rééquilibrer et d’emmener le haut du corps face à la pente. Suivant le degré de pente, vous opterez pour un virage « glissé » ou « sauté ». Un virage sauté sera plus adapté si la pente est importante car le pivotement rapide des skis dans les airs limitera la prise de vitesse. Pour réaliser un beau virage sauté, ramenez dans un premier temps les deux pieds côte à côte puis prenez impulsion, en parfaite synchronisation avec le double planté de bâtons. N’y allez pas à moitié ! L’hésitation, que l’on a tous connu au moment d’envoyer son premier virage en haut de la face, est à éviter ! Réceptionnez également en style alpin puis réalisez votre fente dans la continuité.
En prenant de l’aisance vous réduirez petit à petit la durée de cette transition alpine, jusqu’à maîtriser le virage sauté 100% en télémark, avec changements de fente en l’air. « Cela demande une synchronication parfaite et c’est plus physique » concède Seb Mayer.
Conduite
Vous avez fait le plus dur ! Restez bien dissocié dans la phase de conduite du virage, en conservant les épaules face à la pente, pour éviter à vos skis de « survirer » en fin de virage. La position du centre de gravité et l’écart de pied avant/arrière sont à doser finement : ni trop en arrière pour ne pas perdre le contrôle de ses skis, ni trop en avant pour ne pas finir en ventriglisse jusqu’à la rimaye !
A vous de jouer, avec du style s’il vous plaît !
Antoine Bouvier à l’oeuvre. ©JYR photography