Animateur de Schmilblick, passeur d’émotion. Molécule Révélatrice de ce qui se passe en live. Il est La Vérité descendant par les Hertz. Ugo Ferrari, mais lequel ? Coureur ? Organisateur* ? Recordman** ? Micro. Et oui, Ugo, c’est un quadrilatère-à-forte-singularité : la course, il la connait bien. Ce Duc de Savoie sème le cinquième degré, mais dit ce qu’il pense – on peut. Du coup, le Bauju aurait réussi l’impossible : animer en parlant vrai, sans le Culte de la Caresse (dixit). Signe distinctif ? speake aussi dans la neige, et taille des costards qui passent comme des poèmes.
Ce serait une sorte de DJ’ Trail. Un MC dominical, entre buffet champêtre et course haut niveau. Commentateur UTMB ou speaker archi-local, ajoutez-y un don d’impro’ et un humour instinctif, et vous obtiendrez une figure attachante du trail. Découvrons la face bleue du polygone Ferrari, à je ne sais plus combien de côté – et c’est tant mieux.
Soyons fous, et donc fiscalement clairs : quelles sont tes activités actuelles ?
Ugo Ferrari : L’activité de speaker me prend une quarantaine de week-end par an. Certains dureront 3 jours, d’autres une journée unique mais dense. Certains avec de courtes nuits, d’autres me permettent de dormir…un peu plus. A côté de cela ? une préparation à la maison, la semaine ; quelques billes à placer régulièrement dans l’immobilier, et une dose massive d’entraînements !
Leçon N°1 (ou 3, je ne sais plus) : ne pas hurler dans le micro à outrance lorsqu’il fait frais et/ou humide.
Même parcours que pour schroumpfer : pour speaker, on passe par de grandes étapes de vie ?
UF : Absolument aucune ! Un coup de tête, donc un coup de téléphone à Ludo (Collet), des essais avec lui sur de grands événements, quelques courses locales en bénévoles pour être sûr….et Feu !!! Ensuite on apprend au fur à mesure. Par exemple, la leçon N°1 (ou 3, je ne sais plus) : ne pas hurler dans le micro à outrance lorsqu’il fait frais et/ou humide ; on peut passer une très vilaine journée derrière. Je t’expliquerai…
Animer, est-ce une reconversion quand la compétition diminue ? choix d’enfant ? Holtz à la télé ? Pire : disc-jockey raté ?
UF : Je ne sais pas, l’idée m’est venue comme ça. Je peux juste dire que j’ai toujours regardé le sport à la télé depuis tout petit. Avec de 6 à 14 ans, des journées du dimanche composées comme suit : Ski slalom 1èremanche, petit déjeuner, ski slalom 2e manche, déjeuner, Grand Prix F1. Ensuite tu atteins le Tennis, grande époque. Puis le vélo au fil de l’année…Et bis repetita. Ce n’est pas un métier qu’on fait parce qu’il faut le faire. On le pratique parce qu’on veut le faire : activité « spéciale » et plus difficilement perceptible par ton entourage cartésien…(que je suis pourtant moi-même !)
UTMB, utile pour savoir causer de ? Pas que. ©Organisation Argentrail
Le speaker et son micro ne sont qu’une paille, un petit chef (d’orchestre) autour duquel vit un monde.
Pourquoi ton rôle pourrait être indispensable ? Epargne-nous juste le « catalyseur d’émotions », sauf si c’est vrai.
UF : Achetez-moi. Et cher, si possible. (long rire…). Plus sérieusement : c’est indispensable car c’est cela qui rythme la journée. Pour ceux qui regardent le vélo à la télé, entre le punch de Jacky Durand, son espièglerie, et la mollesse de certains sur FR2 (plus maintenant car ils ont mis Alex Pasteur, un killer), il y a une différence ! Sur le trail, et encore plus l’ultra, le coureur vient en tenue de combat : c’est la guerre. La sienne. Il est là pour un défi personnel, la récolte d’une année de labeur, et la météo va sans doute corser l’affaire. Imagine, on lui dit juste « Go. C’est parti » avec un petit coup de sifflet : on détruit tout l’aspect romanesque du chevalier qui part en campagne, ne reviendra que dans 1 voire 2 jours…et en plus, injoignable pendant des heures ! Bref, choses et folklore impensables en 2020. Il a besoin qu’on le transporte, qu’on mette des mots sur la violence de ses actes, sur la passion qui le dévore et le pousse à trotter 100 miles au fond d’une montagne hostile. Mais belle. Évidement il n’y a pas que le Speaker qui contribue à la beauté de la chose. Un bon sonorisateur ajoute du cachet, un chrono sans faille, du balisage correct (ni trop ni pas assez, comme le poivre)…etc. Le speaker et son micro ne sont qu’une paille, un petit chef (d’orchestre) autour duquel vit un monde ! Sans ses musiciens, il n’est rien ; et sans lui, ses musiciens ne sont pas mis en valeur.
Speaker 4 saisons, de la bonne humeur trouver tu devras. ©Ugo Ferrari
j’ai la chance de vivre pleinement le trail, puisque les week-ends j’anime les courses ; et la semaine je m’entraîne.
Ces 5 dernières années, on t’a vu prendre une place de plus en plus nette. Le sens-tu, et l’expliques-tu ?
UF : Restons humble. Je partage ton ressenti, mais en tâchant surtout de rester lucide, le nombrilisme guette. Le chemin se fait peu à peu, naturellement : pas de gros secret, je fais toujours la même chose sans m’éparpiller. J’essaie de privilégier la constance, dans la passion. Donc je progresse sans cesse dans tous les domaines – comme tant d’autres. Physiquement, au travail, etc. Je retourne chaque année sur les mêmes organisations, et c’est un plaisir quand on me dit que ceci ou cela s’est mieux passé, etc. C’est quelque chose que l’on oublie beaucoup aujourd’hui où tout doit aller vite ; chaque fait, positif ou négatif, doit avoir une explication logique. Pour être bon, je le redis, pas de miracle : il faut faire, refaire, re-refaire…Ensuite, au-delà de ça, j’ai la chance de vivre pleinement le trail, puisque les week-ends j’anime les courses ; la semaine je m’entraîne (souvent avec des amis), je voyage beaucoup en France, où je prends toujours le temps de rester un peu avant, un peu après les dates. Il est donc rare qu’un détail m’échappe. Aussi bien sur l’élite, que pour le pote qui va finir 241ème, ce qui étonne parfois !
Beaucoup s’affichent « speakers ». Faudrait-il mieux cadrer la professionnalisation de ce rôle ?
UF : Non, je trouve que c’est très bien comme ça. Sans doute un peu de travail au noir, à droite à gauche…mais comme dans n’importe quel métier « terrain ». Parfois peut-être, certains organisateurs rechignent à payer le juste prix, on peut les comprendre, certains staffs sont un peu justes – mais mon expérience tend à me prouver que cela reste rare, malgré la croyance répandue. Mais certaines petites attentions font souvent pencher la balance, et beaucoup d’organisateurs les pratiquent tout naturellement. Le budget ou le chiffre sont faibles, ok, mais un hôtel sympa la veille, un bon restaurant, etc…Le french Savoir-Vivre, ou une sympathie d’accueil que l’on ne sent pas du tout forcée : la majorité sait vraiment recevoir. Même trop bien, peut-être ! Je ne pourrai pas ne pas évoquer Lionel Paris, organisateur de l’Event Trail Royat, fin octobre du côté de Clermont-Ferrand, qui place ses prestataires dans les suites de l’Hôtel Mercure surplombant la place de Jaude. J’ai quelques autres bonnes anecdotes comme ça…
©Samuel Lhermillier
« Jim », UTMB 2017. Il s’arrête au ravito de St Gervais avec 2’ d’avance sur Kilian pour l’attendre. Je l’interview. Irréel.
Quelles seraient les qualités requises : beaucoup de vécu ? observer et faire comme ?
UF : Je dirais qu’il faut aimer regarder, capturer les petits détails, on ne peut pas accueillir tous les coureurs de la même manière. Certains s’en fichent, d’autres veulent absolument s’exprimer, il faut être prêt à tout. Absolument tout.D’autre part, les week-ends ne sont jamais identiques. Et même d’une année sur l’autre, il faut constamment s’adapter, être une bête d’organisation. J’ai un emploi du temps interactif sur mon pc sur une année de travail : et bien pour un observateur non averti, il peut faire peur ! Et bien sûr, un trait de caractère (t’en douteras-tu ? : il faut aimer causer ! Pour l’instant, je dirais que j’ai encore un peu de mal à répéter les choses. Je passe souvent d’une action à une autre. Il y a sans cesse des petites choses à améliorer.
Tes rencontres les plus fortes, folles ou molles ? Jim Walmsley, Robert Robichoux, leurs épouses ?
UF : « Jim », UTMB 2017. Il s’arrête au ravito de St Gervais avec 2’ d’avance sur Kilian pour l’attendre. Je l’interview. Irréel. L’année d’après, je prends le départ à ses côtés et je le double pour « rigoler » quand il s’isole seul en tête. On se retrouve à Courmayeur, lui a l’article de la mort, moi euh…couci-couça. Terrassé par le froid, il stoppe à La Fouly, puis je finis 30e par là. Vivement la prochaine ! Il n’y a pas vraiment de rencontres marquantes, ou alors point trop. On prend plaisir à revoir les mêmes bénévoles, ou parfois les mêmes coureurs – même si on a oublié leurs noms, c’est fou comme l’on se souvient de leur visage.
Speaker, causeur, toujours un chanteur d’hymne qui sommeille. ©Pascal Rudel
COUREUR, je cible 3 courses par an. et le reste du temps ça ne me gêne pas le moins du monde d’être au micro !
Un Covid est passé par là récemment. Quel impact sur ton activité, penses-tu à changer ?
UF : Non, aucun changement, ça a plutôt mis ma vie entre parenthèses pendant des mois, et ça ne semble pas fini. Pas de revenus, pas de charges, une nourriture très saine du coup (rires), pas de dépenses inutiles ! Je reprends là où j’en étais – ou presque. Au niveau professionnel, j’ai pu retravailler en août 2020 mais les restrictions sont revenues ensuite, on connait la chanson. Sportivement, faute de, j’ai privilégié quelques délires personnels jusque début juillet, avant de croire à une préparation pour l’objectif de fin de saison. L’EDF Trail Cenis Tour ou L’Echappée Belle ont pu se faire, et moi m’y aligner, incroyable. Une certaine SkiRace côté Portugal devait être maintenue en décembre…feu d’artifice ? ReReReConfinés ?
Prends-tu un vrai plaisir à être en 1ère ligne lors des courses, ou est-ce frustrant ? Toi qui sais, vois, entend tout de ce qui se passe…avant le public.
UF : C’était frustrant la 1ère année. Mais étant donné que je fonctionne à l’objectif, je cible 3 courses par an. Je me réserve ces 3 week-ends, et le reste du temps ça ne me gêne pas le moins du monde d’être au micro ! En général, j’arrive sur l’événement avec une bonne charge dans les pattes, donc je suis même plutôt feignant des fois ! Et c’est très fatigant d’être speaker, donc à la fin de la journée…on a pas du tout les jambes qui démangent ! Plutôt envie de faire 1h de vélo cool au bord du lac du Bourget…
ne pas rater l’arrivée des premiers parce qu’on boit un coup avec les bénévoles.
Faire ce métier en (simple) professionnel millimétré, est-ce possible ? L’empathie, ça s’apprend ?
UF : Sans doute…On le voit surtout à la télé, où là, il faut plaire à tout le monde. Mais c’est impossible. Ce qui est bien sur les grands événements, c’est quand on est plusieurs. Là, tu peux mettre un speaker sérieux, un autre un peu dingue, comme ça les gens ne se lassent jamais. Puis les deux se chambrent, c’est plus vivant. Mais il n’y a pas de charte. Bon évidemment, il y a des bases : ne pas rater l’arrivée des premiers parce qu’on boit un coup avec les bénévoles, rappeler les heures de départ, des podiums, etc. Mais il n’y a pas un discours à réciter mot pour mot aux départs, arrivées. C’est aussi l’intérêt de ce job passion.
*Bénévole de l’organisation de la Nivolet-Revard (Voglans, Savoie – début mai – 17 éditions), Ugo a sauté le pas en 2019, pour reprendre la direction de ce trail historique, local et collectif.
**Le 28 septembre 2019, Ugo Ferrari tente et améliore le record du monde de dénivelé positif parcouru en 24h : 15450m (36x 429,64m) de + et 108 km, réalisés en 23h33 sur ses pentes Revardiennes. Record encore soumis à une rude bagarre, et passant de main en main.