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Seb Bouin enchaîne DNA, possiblement le deuxième 9c de l’histoire de l’escalade !

Seb Bouin dans DNA. © Lena Drapella

Dimanche 24 avril, le français Seb Bouin a signé une performance incroyable : enchaîner son projet de longue date, DNA, dans les gorges du Verdon. Seb Bouin a passé plus de 150 jours à essayer cette voie extrême auparavant. Cette performance d’une difficulté hors normes est possiblement le deuxième enchaînement mondial d’un 9c dans l’histoire de l’escalade.

Seb Bouin, qui fait partie de l’élite très fermée du haut niveau, vient de réaliser l’exploit et performance incroyable d’enchaîner « DNA ». Une performance d’une difficulté hors normes qui est possiblement le deuxième enchaînement mondial d’un 9c dans l’histoire de l’escalade. Après de nombreuses croix majeures et à l’affût d’un nouveau challenge, Seb Bouin équipe cette voie située à la Ramirole (Verdon, France) en 2019. Rejoint-elle alors l’extrême difficulté et la cote ultime de Silence, libérée par Adam Ondra à Flatanger (Norvège) ? 

Seb Bouin dans DNA (Verdon, France). ©Lena Drapella

Cette histoire a été l’une des plus longues,
l’une des plus intenses et l’une des plus marquantes.

Il raconte son expérience sur son compte Instagram : « J’aime à penser que mon approche de l’escalade est instinctive. Je ne me pose pas beaucoup de questions, j’essaie simplement, et tant que je suis sur le rocher, je suis heureux. Cette histoire a été l’une des plus longues, l’une des plus intenses et l’une des plus marquantes. Il y a eu beaucoup d’amour, mais aussi beaucoup de peur. Beaucoup de joie, et beaucoup de frustration. Beaucoup d’espoir, et beaucoup de doutes. Je suis heureux d’avoir mené à bien ce projet. Après avoir équipé et découvert la voie en 2019, l’avoir essayée pendant 6 mois en 2020, et pendant 6 mois en 2021, j’ai enfin réussi à clipper l’assurage ce printemps lors de mon deuxième voyage. » 

Concédant avoir passé plus de 150 jours et tenté la voie plus de 250 fois, il précise que c’est le projet le plus difficile auquel il a eu à faire. « Cette voie marque une étape importante dans ma vie d’alpiniste. Cette voie vient compléter une série d’autres premières ascensions sur la falaise de la Ramirole dans le Verdon. Pour l’instant, aucune de ces voies n’a été répétée. « 

Pourquoi cette voie ? 

« J’ai équipé cette voie durant l’été 2019. Après avoir réalisé la première ascension de La rage d’Adam (9b/+), je voulais un autre challenge, quelque chose d’encore plus dur. Je me suis dit qu’il me fallait une voie vraiment au-dessus de mon niveau pour que je puisse me dépasser. Une ligne qui me motive à y retourner encore et encore, quelque chose de beau, d’impressionnant, dans un endroit somptueux.

La Ramirole était l’endroit parfait pour ça. C’est une falaise qui est en condition une grande partie de l’année, pas loin de la maison. L’endroit est magique et donne envie de se dépasser.  Je connais cette paroi par cœur, j’y grimpe depuis plus de 10 ans. S’il y avait un endroit pour se lancer un tel défi, c’était celui-là. En regardant bien le mur, j’ai vu qu’il y avait une ligne en plein milieu, dans l’immense baume, dans une partie avec très peu de prises. 

Je me suis dit que je devais tenter, au risque que ça ne passe pas. Au premier contact avec le rocher, il y avait bien des prises mais je ne savais vraiment pas quoi en penser. Le dévers est tellement gros mais il fallait essayer. Les premières montées ont été laborieuses. Je ne comprenais rien. Ça me paraissait trop loin, trop dur, trop compliqué. Lors de la fin de saison 2019, j’ai commencé à trouver des méthodes et comprendre la ligne. »

La condition physique ne permet pas de le réussir à tous les coups.

«  La voie commence avec un 8c de 5 dégaines pour arriver à un repos. Ensuite il y a quelques mouvements moins durs pour rejoindre le premier pas de bloc en 8a. C’est un pas assez spécial, il faut jeter un pied droit comme sur les compétitions de bloc actuelles. Puis il faut se propulser sur une colo très éloignée. La condition physique ne permet pas de le réussir à tous les coups. C’est vraiment aléatoire.

Suite à cela, il y a le second pas de bloc de la voie en 8a+. C’est vraiment très physique, il faut tenir une pince main gauche pour aller chercher une inversée qui zippe souvent. Pour cette section il faut que « ça colle ». Les conditions météo jouent beaucoup.
À la sortie de ce crux, il y a un repos qui permet de récupérer ses esprits avant de repartir pour une dernière bagarre dans un 8c+ final. » 

©Lena Drapella

©Lena Drapella

LE jour de l’enchaînement

«  10°, du vent, un temps sec,… Les conditions parfaites. Cependant, je n’avais pas dormi de la nuit. J’étais stressé, et du coup fatigué. Mais on était là, et les bonnes conditions faisaient oublier la fatigue. Étonnamment, je me sentais léger, je volais sur les prises dans les voies d’échauffement. Il y avait un truc. J’étais en forme, et avec les conditions incroyables, je le sentais, j’avais ma chance. Mais j’avais déjà eu tellement de fois ma chance, …
Départ dans la voie, je me sens voler, pas de fatigue, ça avance un peu tout seul sans réfléchir, comme un robot qui exécute la même tâche depuis des centaines de fois.
Arrivé au crux, ça colle, ça tient. Incroyable. Mais en même temps il faut rester lucide et ne pas tomber dans le dernier 8c+.

Lorsque je me suis retrouvé en haut de la dernière partie dure, je ne comprenais pas bien, j’ai eu tellement de doutes, j’appréhendais les derniers mouvements par peur de tomber. C’était là, c’était fait. J’ai passé énormément de temps à exécuter les mêmes mouvements, à tomber des dizaines et dizaines de fois au même endroit. C’est dur de réaliser. » 

« Je pensais que des températures très fraiches (0° à -5°) m’aideraient beaucoup à tenir cette pince main gauche dans le crux. Comme je n’ai pratiquement jamais d’onglée, je me suis dit que c’était une bonne idée d’essayer cette voie en hiver.

Cependant j’avais sous-estimé deux choses. La première était l’effet global du froid sur le corps. Je me sentais tout engourdi, je bougeais moins bien et moins vite entre les prises. Je me sentais moins à l’aise. Et puis, c’était difficile de se reposer pour un deuxième essai. Comme il faisait très froid, je n’avais pas envie d’attendre, et donc souvent je ne me reposais pas assez entre deux tentatives.

Le deuxième effet insoupçonné est le changement rapide des conditions. Un matin tout est gelé, un autre tout est mouillé, puis il y a du vent,… Je ne savais pas si la voie allait être en conditions le jour d’après. Si tout était gelé, c’était bon, car l’eau ne coulait pas sur les colonnettes dans ce cas. Si ce n’était pas gelé, mais qu’il y avait du vent, alors c’était bon aussi. Mais si ça dégelait, sans vent, alors les prises étaient mouillées. Parfois les prises clefs étaient assez sèches et je pouvais essayer, parfois non. Bref, cela jouait assez fort sur le moral, c’était difficile de rester sur place sans savoir si la voie sera essayable le lendemain.»

Et la cotation ? 

Si Seb Bouin n’a pas encore fermement statué entre 9b+ et 9c, les arguments semblent pencher en faveur d’un 9c. Cette performance d’une difficulté hors normes serait alors le deuxième enchaînement mondial d’un 9c dans l’histoire de l’escalade. Dans son post Instagram, il précise :  » La question du classement ne me semble pas si importante pour l’instant, mais elle est inévitable. J’ai passé quelques nuits à y réfléchir. Je pense que cette question nécessite un vrai billet que je ferai prochainement pour expliquer tout ce qui a pesé dans la balance. » Affaire à suivre, mais performance hors du commun !

> Seb Bouin est un athlète soutenu par Black Diamond.