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Matteo Eydallin, brut de skieur

Pierra Menta 2022, Matteo Eydallin en route pour sa 5e victoire. ©Jocelyn Chavy

Matteo Eydallin n’a pas sa langue dans sa poche. L’italien, un des tous meilleurs skieur-alpinistes de sa génération, vit dans le gapençais. L’athlète Dynastar brille autant par son talent que par sa discrétion, mais c’est un passionné qui ne mâche pas ses mots quand il s’agit d’évoquer l’évolution des formats de compétition en ski-alpinisme, « une régression » selon lui. Avec cinq Pierra Menta au compteur, un titre de champion du monde, Matteo Eydallin peut se permettre la critique tout en étant plus que jamais libre et motivé par l’essence du ski-alpinisme. Interview à la veille de la première étape de la coupe du monde de ski-alpinisme en France à Val Thorens.

Ne pas commettre d’erreur, rester concentré pendant de longues minutes sur la trajectoire, en skiant à fond, en évitant les obstacles, et le plus difficile, parfois, en étant le premier à tracer en descente, la meute sur les talonnières. Remettre les peaux sans parler, et repartir pour une nouvelle montée sur une arête effilée. Rester concentré, ne pas faire d’erreur. Et ainsi de suite pendant quatre jours : la Pierra Menta est une épreuve physique et mentale, où la technique et une dose d’engagement font la différence, comme souvent en montagne.

Pour avoir gagné cette mythique course par équipe, cinq fois, Matteo Eydallin connaît la chanson. « Je ne suis peut-être pas un athlète super fort, mais intelligent ! » dit malicieusement Matteo Eydallin. L’italien parle français couramment. Il est originaire de Sauze d’Oulx, juste de l’autre côté du col du Montgenèvre, un balcon sur le versant nord-ouest de la montagne où il a appris à skier. Aujourd’hui il vit entre un petit village près de Gap, non loin de Céüse, et l’Italie toute proche.

Matteo Eydallin sur la Pierra Menta 2009. ©Jocelyn Chavy

Arrivée de la Pierra Menta 2009 : une première victoire sur l’épreuve pour Matteo Eydallin. ©JC

Pierra Menta 2014 : une 2ème victoire sur l’épreuve pour Matteo Eydallin (en 3e et 4e position sur la photo). ©JC

« J’étais au ski-club de Sauze d’Oulx. Je n’avais pas vraiment le gabarit pour le ski alpin même si j’avais la bonne technique » se souvient-il de sa période slalom. « L’entraînement très cadré et les piquets me saoulaient un peu. Je me suis mis aux sports d’endurance, c’était plus libre, plus ouvert, et mentalement plus intéressant. J’ai découvert mes qualités en endurance avec le VTT ». Ensuite, Matteo Eydallin se tourne naturellement vers le ski-alpinisme. Dans les années 2000, point de chaussures carbone ni de règlement tatillon. « On aimait se tirer la bourre entre copains. Je n’avais pas de souci pour m’adapter à skier hors pistes, en couloirs. Je m’adaptais à des tours de plus en plus longs ».

Les premières courses ? L’occasion de découvrir que gagner fait plaisir. Et Matteo gagne souvent. « Tu te retrouves de plus en plus motivé ! » Le niveau augmente, celui de Matteo Eydallin aussi. Il intègre l’équipe nationale italienne, celle chapeautée par l’armée, en septembre 2006. Autant dire qu’il est un vieux routier, à 36 ans, des compétitions. Mais le skieur-alpiniste le plus titré de sa génération n’a pas sa langue dans sa poche, comme on va le voir.

Aujourd’hui dans les coupes du monde tu tournes autour des téléskis. Tu te focalises sur le physique. C’est un peu triste, non ? Matteo Eydallin

En 2009, Matteo Eydallin gagne sa première Pierra Menta, avec Denis Trento. Ex-aequo avec Manfred R. « Remporter la Pierra Ment’ pour ma première participation c’était hyper satisfaisant. Pour nous, participer à la Pierra Menta et à la Mezzalama, ces courses mythiques, c’était génial. Et puis le charme de ces courses, c’est le côté technique. Sur la Pierra Menta tu passes quatre journées avec le versant endurance qui est un défi, mais pas le seul : il faut être montagnard ». Depuis, Matteo Eydallin a remporté quatre autres Pierra Menta : 2014, 2015, 2017 et 2022.

Après une édition remportée avec Denis Trento en 2009, trois autres avec Damiano Lenzi, une autre avec Michele Boscacci. Mais depuis 2009, le ski-alpinisme a beaucoup changé. Le sport de montagne est devenu olympique, avec une évolution des courses sur des formats beaucoup plus courts, que ce soit en durée, ou en ambition. « Aujourd’hui dans les coupes du monde tu tournes autour des téléskis. Tu te focalises sur le physique. C’est un peu triste, non ? Cela devient des compétitions de manips ! » déplore Matteo Eydallin, qui assène : « on est en train de régresser, pas de progresser. »

Matteo Eydallin devant, sur la Pierra Ment’ 2015. ©JC

Un deuxième sacre pour Matteo Eydallin (ici en tête) sur la 30ème Pierra Menta, en 2015. ©JC

L’arête du Grand Mont, passage mythique de la Pierra Menta. Un symbole pour le ski-alpinisme. ©JC

Il est vrai que les images des dernières compétitions de ski-alpinisme format olympique, avec marches taillées et barrières façon gestion de flux aéroportuaires sont loin de celles capturées sur les arêtes et les couloirs du Beaufortain, façon Pierra Menta. « On devrait appeler ça du ski-fitness. Le ski-alpinisme en compétition devrait changer de nom ! Je suis complètement contre ce nouveau style de course » déplore Matteo Eydallin, « où tu restes sur les pistes… c’est dénaturer l’esprit de notre sport ». Et de regretter les « 50000 règlements » comme ceux qui imposent d’avoir la même butée ou talonnière sur les deux skis, « ce qui fait qu’en cas de casse entre deux épreuves ou même pendant une épreuve tu as le souci de retrouver le même matos »…

C’est une évolution où le ski-alpinisme en compétition internationale s’est développé complètement en dehors de l’esprit des compétitions historiques, avec le risque, souligne Matteo Eydallin, de « dégoûter les amateurs qui n’y retrouvent pas l’esprit montagne et n’ont pas envie de tourner sur le front de neige ».

Dans les courses par équipe, tu as la joie d’avoir un partenaire sur qui compter, et puis tu as ce que j’aime, le côté tactique de la gestion de course

Il se sent concerné par l’avenir de son sport et il a raison. Le ski-alpinisme tel qu’il est imaginé par l’ISMF pour les besoins olympiques semble parfois suivre le même chemin que l’escalade, qui pour passer sous les fourches caudines du CIO (et ses impératifs télévisuels) a été condensée à Tokyo avec l’épreuve de vitesse incluse, ce qui n’avait aucun sens : la vitesse fait désormais épreuve à part pour Paris 2024.

Pour autant, malgré les règlements qui s’accumulent, Matteo Eydallin n’a pas perdu l’attrait pour la compétition, loin de là. En 2021 il réalisait l’une de ses meilleurs saisons avec à l’arrivée le titre de champion du monde en individuel. Un paradoxe pour celui qui aime plus que tout le format des courses classiques « à l’ancienne », par équipe et sur de la longue durée. « Tu as la joie d’avoir un partenaire sur qui compter, c’est l’esprit de cordée aussi, et puis tu as ce que j’aime, le côté tactique, voire stratégique de la gestion de course » explique Matteo.

Matteo Eydallin devant, sur la Pierra Ment’ 2017. ©JC

La difficile Pierra Menta 2023, Matteo fonce dans le mauvais temps. ©JC

Old but gold

À 36 ans, après avoir tout gagné, pourquoi continuer ? La réponse est simple : « Je continue de faire des courses parce que ça me plaît d’être en montagne et de m’entraîner tous les jours » dit-il. N’imaginez pas un ascète de l’entraînement avec tableaux Excel : « je m’entraîne en fonction de mes sensations. c’est un peu à contre courant aujourd’hui, c’est vrai, mais ‘ai besoin de trouver du plaisir à m’entraîner. »

Ce qui veut dire par exemple concilier son autre passion : l’escalade, pour laquelle il a emménagé une partie de l’année non loin de Céüse. Une journée d’entraînement type en octobre ? « Je fais du vélo le matin, les cols du Guillestrois par exemple. Puis je monte à la falaise et je grimpe l’après-midi » raconte Matteo, qui s’accorde une bière pour finir la journée.

Une fois la neige présente, il va plus côté italien, dans le Val d’Argentera, ou dans le Queyras de ce côté-ci de la frontière. L’un de ses jardins secrets n’est autre que le Dévoluy. « C’est fantastique le Dévoluy, et l’un de mes endroits favoris pour aller skier. Tu as vite des bonnes conditions de neige, plutôt dure ou transformée, l’idéal pour s’entraîner. les conditions les meilleures pour moi ce n’est pas la poudreuse mais la neige de printemps. » Lui qui n’aime pas se lever tôt dit en riant qu’il a « un intérêt à rester rapide, pour pouvoir dormir un peu le matin ! »

Le Dévoluy est l’un de mes endroits préférés pour skier.

Et de 5 victoires sur la Pierre. Matteo Eydallin, Pierra Menta 2022. ©JC

Sur l’antécime du Grand Mont. ©JC

Comment voit-il l’évolution du matériel en ski-alpinisme ? « Il y a eu une grosse évolution par rapport à mes débuts. les skis sont plus légers, plus performants en descente. Ils sont plus fiables, aussi. » témoigne Matteo. La casse d’un ski est devenu rare. « Les chaussures aussi ont beaucoup évolué avec le carbone. » Côté ski, Matteo Eydallin est soutenu par Dynastar depuis plusieurs saisons. Il skie avec les Dynastar M-Pierra Menta. En réalité, il skie tous les jours avec ou presque : « j’utilise aussi des Vertical 85, s’il y a de la poudreuse. Autrement je préfère skier avec le matériel léger. Un ski vraiment léger comme le Pierra Menta avec 660 grammes sur la balance, mais qui reste pourtant maniable, avec lequel j’ai confiance. » 

Un matériel avec lequel Matteo Eydallin vise les grands rendez-vous de la saison 2024, avec la Pierra Menta et le Rutor, entre autres, et le circuit Coupe du monde. Un matériel qui permet aussi à de simples amateurs de viser des défis toujours plus ambitieux, en termes de dénivelé. D’ailleurs on ne résiste pas à lui demander quelques conseils éclairés, pour ceux qui veulent progresser en ski-alpinisme.

Il faut travailler les points faibles pour être meilleur

Côté entraînement ? Un bon conseil ? « Il faut travailler les points faibles pour être meilleur. Tous les sportifs préfèrent s’entraîner sur leurs points forts, mais c’est une erreur. Si pour gagner trente secondes à la montée vous mangez des graines mais vous perdez deux minutes à la descente, vous feriez mieux de vous entraîner en freeride pour progresser en descente et vous accorder une bière après ! »

Last but not least : « l’entraînement ne doit pas devenir une corvée. Même quand on s’impose une séance il faut y trouver du plaisir, celui d’être en montagne. » À bon entendeur.

Interview réalisée par Jocelyn Chavy.

Dynastar M-Pierra Menta : le ski de Matteo Eydallin

660 g le ski en 160 cm ! Un exploit technologique pour le Dynastar M-PIERRA MENTA, ski de randonnée alpine dédié aux compétiteurs.
La quintessence des matériaux pour un rapport imbattable entre légèreté, accroche et réactivité. Noyau ultralight en Dynacell (matériau issu de l’industrie aérospatiale) trois fois plus léger que le Paulownia. Fibre de Basalt apportant légèreté et solidité. Finition Racing pour une meilleure accroche. Prix conseillé : 955 euros.

Poids
660 à 680 g en 160cm.

Cotes
95-65-79mm.

Rayon
20-23m

Construction
Profil : Tip Rocker. Construction sandwich full sidewell. Matériau : Microcell Core. Renforts en fibre de Basalt, carbone. Fibre de verre torsion box. Système fixation OPEN.