Lokalmatador

Ici, il s’appelle Henri.
Chez vous, je ne sais pas mais il y en a un, c’est certain. Ou une. Disons un Homme, qui ne quitte jamais son massif, qui l’arpente depuis et pour toujours, loyautĂ© sans faille au circuit court. Celui-ci est allĂ© vingt huit fois au Grand Mont l’annĂ©e derniĂšre, celui-lĂ  a dĂ©jĂ  quatre cent Tournette Ă  son actif. D’autres, c’est la Dent de Crolles qu’ils collectionnent, matin, jeudi et soir, posologie connue de tous.
Les Allemands ont un nom pour ce féru de la proximité répétée. Le lokalmatador.
Il connaĂźt chaque caillou du coin. Vous voulez savoir si la neige, cet hiver, recouvre ou non la troisiĂšme arcosse Ă  droite en partant du nant, c’est lui qu’il faut questionner, il sera peu gĂȘnĂ© de vous rĂ©pondre.
Quand on lui demande pourquoi jamais il ne s’exile, il dit que ça ne sert Ă  rien et qu’il n’y a rien de mieux qu’ici. On lui demande oĂč il est allĂ© voir ailleurs pour dresser ce classement sans nuance. Il rĂ©pond nulle part.
– Comment peux-tu savoir alors ?
Il dit qu’il le sait parce qu’il le sait, c’est tout, c’est comme ça et cette rĂ©ponse doit vous suffire.
Jamais l’équation de sa vie ne se frottera Ă  l’inconnue.

Il l’aime encore plus que moi la montagne
car à cet amour, il ne réclame aucune variation.

Selon l’humeur Ă  moitiĂ© vide ou Ă  moitiĂ© pleine, je regarde Henri diffĂ©remment.
Souvent je me dis que s’acharner sur un gravier de