Perdue parmi les « faces nord oubliées » des Alpes, la Punta Pioda a vu s’ouvrir une nouvelle voie extrême. Du 6 au 9 mars, Roger Schäli, Silvan Schüpbach et Filippo Sala ont affronté le froid et le granit capricieux pour tracer Luce e Tenebre, un itinéraire de 700 mètres en mixte, libre et artif. Une aventure engagée au cœur du massif de la Bregaglia, en Suisse.
Le groupe de Sciora est un petit chaînon du Bergell (ou de la Bregaglia, selon qu’on parle allemand ou italien dans cette partie des Alpes suisses où les deux langues s’entrecroisent). Du 6 au 9 mars, les Suisses Filippo Sala, Roger Schäli, et Silvan Schüpbach y ont ouvert une voie difficile sur la face nord de la Punta Pioda.
Le chaînon est court, mais superbe. C’est un ensemble de quatre pointes élancées situées au nord-est du Piz Cengalo, lui-même voisin du Biz Badile, connu chez nous du fait de la présence de la célèbre voie Cassin de son versant nord-est. Les quatre pointes de la Sciora sont, du nord au sud, la Sciora Dafora (ou Scinda di Fuori, 3169 m), la Punta Pioda (aussi appelée Pioda di Sciora, 3237 m), l’Ago di Sciora (3205 m), la Sciora Dadent, 3275 m).
© Roger Schäli (@rogerschaeli_alpinist), Silvan Schüpbach (@silvanschupbach) et Filippo Sala
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un rocher pas toujours à la hauteur de la réputation
du granit merveilleux de la Bregaglia
Les alpinistes français se souviennent (ou pas ?) que la face ouest de la première nommée figure au palmarès de notre héros marseillais et néanmoins national Georges Livanos. Voie ouverte en 1960.
Cette paroi faisait partie des « faces nord oubliées » que Silvan avait repérée depuis longtemps, parmi celles qu’il considère parmi les plus sauvages des Alpes. C’était la première fois que Filippo, Silvan et Roger grimpaient les trois ensemble, mais tous trois étaient motivés par cette paroi restée mystérieuse.
De fait, leur cordée a fonctionné merveilleusement bien. Et il valait mieux : l’aventure s’est montrée plutôt coriace : rocher pas toujours à la hauteur de la réputation du granit merveilleux de la Bregaglia, températures glaciales… Dame ! C’est l’hiver, et cette partie des Alpes, malgré le réchauffement général, jouit encore en hiver d’un climat continental du genre rugueux. Pour couronner le tout, les difficultés n’étaient pas anodines.
© Roger Schäli (@rogerschaeli_alpinist), Silvan Schüpbach (@silvanschupbach) et Filippo Sala
© Roger Schäli (@rogerschaeli_alpinist), Silvan Schüpbach (@silvanschupbach) et Filippo Sala
ils ont passé quatre jours en paroi,
ce qui en dit long s’agissant d’alpinistes d’un tel acabit
Au total, ils ont passé quatre jours en paroi, ce qui en dit long s’agissant d’alpinistes d’un tel acabit, engagés dans une voie de 700 mètres. « Chaque longueur devait être durement gagnée », rapporte Filippo. L’escalade présentait un cocktail complexe de mixte, de libre et d’artificielle.
Ils purent redescendre au refuge Sciora à la fin du premier jour, y passer la nuit pour repartir un peu plus frais et terminer la voie en trois jours et deux bivouacs. Au final, Luce e Tenebre ( Lumière et Ténèbres) a opposé des difficultés allant jusque’à M8, A3, avec de la glace à 70°. Et ils sont d’accord sur un point : ils s’en souviendront longtemps ! Les aiguilles granitiques du groupe de Sciora sont parmi les plus spectaculaires qui soient. Et elles peuvent se montrer farouches.