La cinquième édition du festival de bloc créé par Zofia Reych s’est tenue le week-end dernier dans la forêt de Fontainebleau. Plus d’une centaines de participantes se sont réunies pour partager des valeurs communes et le plaisir de la grimpe.
Elles étaient 120 réunies autour des blocs de Fontainebleau, un groupe restreint « pour préserver une atmosphère intimiste ». 120 grimpeuses, débutantes, amatrices ou professionnelles qui ont répondu à l’invitation de Zofia Reych, anthropologue non binaire d’origine polonaise, passionnée d’escalade, qui a récemment publié Born to Climb, une histoire culturelle de l’escalade. Pendant trois jours dans la forêt de Bleau, il a été question de bloc, mais aussi d’écologie, de lutte des classes et d’inclusivité, preuve s’il en fallait qu’escalade et politique peuvent faire bon ménage.
L’idée principale, c’était de partager une bonne journée de grimpe en forêt (Nolwen Berthier)
Pour sa cinquième édition qui s’est déroulée du vendredi 2 au lundi 5 septembre, le Women’s Bouldering Festival s’organisait autour de sessions de grimpe en petits groupes chapeautés par des mentors1. Parmi ces grimpeuses expérimentées, la pétillante Nolwen Berthier, qui a coché le 9a+ de Supercrackinette il y a quelques mois dans les pas de Julia Chanourdie, était ravie de « partager des techniques de grimpe, de parade mais aussi des bonnes pratiques liées au fait de grimper dehors, pour protéger notre environnement », raconte-t-elle à peine rentrée du festival. « Mais l’idée principale, rappelle-t-elle, c’était surtout de partager une bonne journée de grimpe en forêt ! ». Car si le festival véhicule des valeurs écologiques, féministes, sociales et solidaires, c’est avec discrétion, sans communication à outrance ni label pompeux.
Un festival intersectionnel
Le Women’s Bouldering Festival s’inscrit dans une dynamique intersectionnelle : courant majeur du féminisme, l’intersectionnalité croise et confronte les problématiques pour mieux révéler les discriminations subies par les individus, qui s’accumulent bien souvent. Au cœur des préoccupations de Zofia Reych cohabitent donc la lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre (comme les personnes non-binaires ou les personnes transgenres), contre le racisme, contre le classisme, pour l’inclusion de toutes et tous quels que soient leurs moyens, leurs origines, leur orientation sexuelle et/ou leur éventuelle situation de handicap…
J’ai voulu créer un safe space (Zofia Reych)
Son activité d’anthropologue a-t-elle quelque chose à voir avec son engagement ? « Non, je ne crois pas, répond Zofia. C’est simplement que quand j’ai emménagé à Fontainebleau, j’étais entourée de mecs blancs éduqués, issus des catégories socioprofessionnelles les plus favorisées. C’était difficile de trouver des femmes pour grimper alors j’ai voulu créer une atmosphère propice pour elles. Un safe space, comme on dit en anglais, c’est-à-dire un environnement dans lequel toutes pouvaient se sentir en confiance, à l’aise, soutenues et encouragées, quels que soient leurs traumatismes passés ».
Mot-clé : diversité
Nolwen Berthier décrit ainsi un festival « orienté autour des rencontres et du partage, qui fonctionnait vraiment bien ». Les trois conférences qui se sont tenues le samedi en fin de journée ont par exemple permis de faire entendre des histoires d’une grande diversité, du parcours de la grimpeuse membre de l’équipe d’handi-escalade britannique Leanora Volpe à celui de Jenya Kazbekova, qui a du fuir son pays en guerre, l’Ukraine, pour s’installer en Allemagne. Un partenariat avec deux associations britannique et étasunienne, soutenu financièrement par la marque Patagonia, a également permis d’offrir un ticket d’entrée, frais de transport et de logement inclus, à deux personnes dont la situation sociale rendait un tel voyage inaccessible.
Faire plutôt que parler, un bon résuméde l’esprit du Women’s Bouldering Festival
Le reste du week-end, entre les repas vegans et autres démonstrations de bolas enflammées, différents ateliers ont permis aux participantes d’apprendre à ouvrir des blocs, les sensibiliser à la lutte contre l’érosion du fragile grès bleausard (en collaboration avec l’Office National des Forêts) ou encore nettoyer les sites. « Ce que je retiens du festival, résume Nolwen Berthier, qui travaille à accompagner des entreprises dans la transition écologique en parallèle de sa carrière de grimpeuse professionnelle, c’est son pouvoir de sensibilisation par la transmission, à travers les sessions de mentoring. Être dans l’échange humain, ça passe mieux que d’écrire un manifeste qu’on met à l’entrée des festivals par exemple. La deuxième chose, c’est que le festival montre combien c’est important d’inviter les gens à l’action ». Faire plutôt que parler, voilà un bon résumé de l’esprit du Women’s Bouldering Festival.
Zofia Reych voit grand. « On veut promouvoir l’excellence dans la pratique de l’escalade et des activités de plein air pour que les femmes et minorités de genre puissent la transposer dans leur quotidien. L’an prochain, on espère apporter un peu de diversité dans la communauté des grimpeurs de la forêt de Fontainebleau en conviant des jeunes issus de région parisienne et éloignés de la pratique de l’escalade à venir grimper et profiter avec nous ».
Le rendez-vous est pris et si d’ici là, vous avez envie de grimper entre femmes et découvrir les blocs légendaires de Fontainebleau, l’association Girls in Bleau, créée par la grimpeuse Caroline Sinno, organise tous les mois une journée de grimpe en non mixité, ouverte à toutes quel que soit son niveau. « Nos valeurs sont le partage, l’apprentissage de l’autonomie en sport outdoor, le féminisme, l’écologie, et bien sûr le respect de la forêt de Fontainebleau », écrit Caroline Sinno. La prochaine session est prévue le 11 septembre 2022.
1 En anglais dans le texte, car le festival est anglophone.