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Escalade : Siebe Vanhee gravit la voie Petit au Grand Capucin en solitaire

La plus belle flèche de granite des contreforts du Tacul abrite un joyau : la voie Petit, ouverte en 1997, avec une longueur en 8ème degré et cinq longueurs en 7e degré et plus. Siebe Vanhee vient d’en réaliser la première ascension en solitaire, auto-assuré, en un jour et demi. Il démontre sa parfaite maîtrise du « rope-solo » dans une voie très dure, une pratique qui reste engagée. Une très belle croix pour le grimpeur belge amateur de big-walls.

 

La voie Petit n’est qu’une parmi les dizaines de grandes voies qu’a signé Arnaud Petit, du Maroc à Madagascar en passant par la Corse. Comme souvent, celle-ci est un chef d’oeuvre, adoubé par le gratin de l’escalade. Depuis son ouverture par Arnaud, Stéphanie Bodet, Pascal Gaudin et le père d’Arnaud, Jean-Paul, en 1997, la voie Petit a été courtisée par les forts grimpeurs, d’autant qu’une longueur n’avait pas été libérée par Arnaud.

En 2005 c’est Alexandre Huber qui libère la voie et annonce 8b. Ensuite c’est Caroline Ciavaldini qui fera la première féminine en libre, en 2016. La cinquième longueur de la voie, la longueur-clé, est toujours cotée 8b, mais certains, tel Max Bonniot, penchent plutôt pour 8a+.

En 2022, Léo Billon du GMHM est le premier à réussir la voie à la journée, à vue, sauf la fameuse longueur-clé qui lui coûte un (seul) essai. Fort de son expérience en granite dans le Val d’Orco et au Yosemite (où il a torché El Corazon et ses longueurs dures en 5.13b soit 8a, jugées « plus dures »), Léo Billon lâche son verdict : « la difficulté de cette longueur se situe plutôt dans le delta ayant pour limite basse le 7c+ et pour limite haute le 8a, les cotations supérieures étant clairement exclues du débat à mon sens. »

Bref, les cotations fluctuent, comme le reconnaît Siebe Vanhee : « la 5e longueur est cotée 8b, 8a+ ou 8a, selon à qui vous parlez ! » Le grimpeur belge a de l’expérience en matière de solo auto-assuré, et il vaut mieux. Une 5eme longueur qui lui a valu un gros combat de 45 minutes qui s’est terminé par une « grosse chute ». Pas gagné, donc.

Simon Gietl dans la partie inférieure de la voie Messner/Holzer, le premier jour. Neige plaquée et peu de protection.
©Coll. Gietl/Wohlleben/Hinterberger

« L’escalade en solo auto-assuré est devenue une de mes activités secondaires ces deux dernières années. J’aime le défi logistique et tactique de la gestion des systèmes de cordes, dans le but de grimper seul aussi librement et sûrement que possible, explique Siebe vanhee.

« J’ai toujours été quelqu’un qui aime partager ses expériences avec les autres. Mais ces dernières années, j’ai été intrigué par l’idée de me débrouiller seul, et me mettre au défi de résoudre des problèmes par moi-même. On doit prendre seul ses propres décisions, faire face à sa motivation, à ses peurs. L’escalade en solo-autoassuré est une autre façon de se connaître mieux soi-même ».

Le grimpeur belge a accumulé quelques belles réussites en solo auto-assuré ces dernières années : au Verdon il a réussi Une jolie fleur dans une peau de vache, 8b, 300 m, l’exigeante dalle de Take it or Leave it, 8a, 110m, ou encore Dame Cookie, 8a+, 160 m. Plus engagé, il a signé un solo auto-assuré de El Pilar del Cantábrico 8a+ – 500m, en Espagne.

la géométrie implacable du rocher au Grand Cap’ rend compliquées les manoeuvres en solo auto-assuré

L’idée lui trotte dans la tête depuis l’année dernière : tenter un solo de plus grande envergure sur une voie plus exigeante, en altitude. Son objectif, gravir la voie Petit à la journée, lui a donné du fil à retordre.

Le 24 juin Siebe Vanhee quitte sa tente et réalise rapidement que le granite délicat et les angles des surplombs vont lui rajouter des difficultés : en effet à chaque longueur il faut au solitaire auto-assuré redescendre défaire le relais du bas, puis remonter la longueur au jumar avant de hisser le sac.

Toutes sortes de manoeuvres que la géométrie implacable du rocher au Grand Cap’ rend compliquées… sur 450 mètres de haut. Ceci alors que la deuxième longueur en dalle en 7b ne lui a posé aucun problème. La cinquième longueur, on l’a dit, lui vaut un combat à l’issue duquel il chute. Tente une deuxième fois : c’est sa corde qui se coince et l’empêche de continuer. 

©Gimenez/Nadiras/Vanhee

©Gimenez/Nadiras/Vanhee

Le crux

Siebe Vanhee est de nouveau au quatrième relais, fatigué, assoiffé et brûlé par le soleil. « En plus j’étais déjà bientôt à court de magnésie !» Finalement il pique une sieste. À trois heures de l’après-midi, il est évident que sortir dans la journée est compromis. Mais l’ombre salvatrice est venue. Les dégaines sont en place sur les points fixes, qu’il complète avec des coinceurs mécaniques sur son baudrier. Et réussit la cinquième longueur ! 8a ou 8a+/8b, la question n’est plus là, il s’agit de grimper les deux longueurs suivantes pour atteindre une vire. Chose faite à 19h. 

©Gimenez/Nadiras/Vanhee

Siebe passe « une nuit étonnante avec quelques insomnies surexcitées, en regardant les étoiles et en profitant de ma première nuit
seul sur un mur.» Le lendemain matin, il se sent mieux, mais pas au top de sa forme. « J’étais déçu de m’être fait botter le cul sur presque toutes les longueurs la veille. » L’heure n’est plus au « à vue » mais à sortir, en libre.

Siebe change de stratégie, prend son temps pour la dixième longueur, en 7c+ : il fait une première montée de reconnaissance, sans pression. Et l’enchaîne au deuxième essai. La longueur suivante, en 7b+, lui demande aussi deux essais. La voie Petit est dans la poche, ou presque. Il ne lui reste plus qu’une longueur exposée, en 6b, pour sortir au sommet. C’est chose faite à onze heures du matin.

Siebe Vanhee ajoute son nom au panthéon des grimpeurs du Grand Capucin : on pense aux deux ascensions en solo intégral du Grand Cap’ par Alex Huber et Filip Babicz (par la voie des Suisses et O Sole Mio, 6b, ou encore à l’autre voie qu’ont signé Arnaud Petit et Nina Caprez en 2017, l’Or du Temps, 8a. Signalons au passage qu’Alex Huber avait réalisé la montée ET la descente en solo intégral. Tandis que Filip établissait un record de vitesse en 49 minutes !

Un film sponsorisé par Edelrid sera diffusé sur cette aventure de Siebe l’année prochaine, en 2026.