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Escalade en Savoie : nouvelles grandes voies et classiques revisitées à Courchevel

Dans la voie Petit Appetit à Courchevel ©Gael Bouquet des Chaux

L’escalade à Courchevel, c’est une grande palette d’escalade dans des ambiances très différentes. Il existe trois grands secteurs : la vallée des Avals et ses grandes voies, le secteur de Praméruel pour sa falaise et la Croix de Verdon avec sa via ferrata. Dans la vallée des Avals, de nouvelles voies ont vu le jour : Gaël Bouquet des Chaux nous raconte ses escalades dans les pas des anciens qui ont grimpé dans ce cadre enchanteur des Dents de Portetta, et dans la bien-nommée combe des Roches : des classiques et des ouvertures, dont la plus longue grande voie de ce beau secteur méconnu de la Vanoise.

Il y a deux ans, après avoir grimpé avec ma fille Alice dans le secteur fréquenté de la Grande Val, je suis tombé sous le charme du cadre et surtout de ce rocher très varié, que me vantait Olivier Houillot depuis quinze ans. La carneule ou la dolomie ne me laisse pas indifférent : un rocher parfois orange aux préhensions surprenantes avec des trous, et des protubérances qui ressemblent à des corn flakes – ou des knobs américains.

Des trois grandes zones où grimper depuis Courchevel, la vallée des Avals est la plus remarquable pour la variété de ses secteurs. La vallée part de Courchevel 1650 et remonte en direction du col des Saulces ou vers les lacs Merlet. En remontant la vallée il y a deux parois complètement différentes qui se font face, deux ambiances : versant Est la Grande Val, au rocher orange et gris avec des petites tours géologiques, et versant Ouest, la Petite Val, au rocher gris compact et lisse.

Au pied des impressionnantes Dolomites de la Vanoise ©Gaël Bouquet des Chaux

Grande et Petite Val

La Grande Val fait 180m de haut, la voie Edelweiss a été la première voie ouverte par Jean Christophe Bérrard et Roland Georges en 1995. Elle reste la plus parcourue, elle est idéale pour l’initiation à la grande voie (5c). D’autres voies plus soutenues équipées par Olivier Houillot permettent d’évoluer dans des zones plus raides et plus compactes : Anouchka (TD, 6b, 220m ; Babouchka, TD, 6a ; etc). Le coté sympa de cette falaise c’est aussi l’accès. Faire l’approche en descente et revenir à la voiture en descente n’a pas de prix, et c’est parfait pour les fainéants de la marche d’approche.

La Petite Val, c’est de l’escalade en dalle calcaire avec des points plutôt éloignés ou il ne faut pas surestimer son niveau. La majeure partie des voies ont été ouvertes par Didier Enard  guide passionné de la vallée. En hiver, des plaquages se forment, quatre voies y sont également tracées.

Escalade de l’arête à Maurice, la Grande Casse en toile de fond. ©Gaël Bouquet des Chaux

Le massif de Portetta

Après avoir écumé la Grande Val et surtout passé du temps à regarder le versant ouest, je ne pouvais pas passer à côté de ce petit massif de Portetta (Dents de la Portetta sur IGN), suspendu entre Courchevel et Pralognan, loin des foules du col de la Vanoise. On pourra profiter de la vue incroyable sur la prestigieuse Grande Casse et les dômes de la Vanoise. Ces petites Dolomites se méritent et il faudra en moyenne 2h30 de marche pour rejoindre tous les itinéraires.

Pour une première approche de cette ambiance je vous invite sur une course d’initiation partiellement équipée La traversée des rochers de Plassa du sud au nord en parcourant l’arête de Plassa du col des Saulces au Col de Mey. En descendant du col de Mey par la via ferrata Via Cavo Del Mey vous pouvez revenir facilement au départ ou en descendant coté Pralognan elle vous donne accès aux petites Dolomites et ses tours de Portetta appelées les obélisques.

Cet itinéraire passe au sommet des deux rochers de Plassa et si vous le souhaitez après le col de Mey vous pouvez aussi enchainer sur la voie normale de l’aiguille principale, l’aiguille de Mey, qui a été réalisée e le 13 août 1898 par Jacques Mirabaud et ses guides Auguste Amiez et le chamoniard François Mugnier. Cette arête, partiellement équipée de quelques spits, se réaliser comme les anciens en aller-retour.

Pour comprendre la configuration de ce petit massif de Portetta je suis parti à la rencontre de deux guides locaux, Bernard et Jean Christophe, deux passionnés de l’histoire de ce terrain de jeux. Jean Christophe Bérrard a ouvert la première voie sportive à l’aiguille du Biol, et Bernard Vion, guide à Pralognan m’a accordé une soirée pour éplucher les vieux topos (Le topo signé d’Emile Gaillard et celui de Raymond Roux). 

Bernard Vion dévoile ses anciens topos. ©Gaël Bouquet des Chaux

Le récit d’une première au rocher de Plassa en 1973. ©Gaël Bouquet des Chaux

Dans la traversée des rochers de Plassat. ©Gaël Bouquet des Chaux

Dolomites de Savoie

Grace à son aide nous avons retrouvé les noms des tours et des sommets de ces petites Dolomites. La première aiguille ouverte, la plus esthétique d’après le topo, date de 1909 et s’appelle le doigt de Portetta. Plus bas en descendant du passage de Mey, nous avons la magnifique Tour Penchée, le Bec, le Gendarme, la Tour Carrée et la Dent Biol. Avant de parler des voies modernes, on ne peut pas ignorer l’histoire.J’aime penser aux anciens qui sont venus, comme nous, dans ces mini dolomites vivre des petites aventures à côté de la maison. Dans les vieux topos, nous avons retrouvé des récits passionnants des ouvreurs qui partaient pitons entre les dents planter des coins de bois à la conquête des lignes de faiblesse.

Plusieurs ouvertures se sont ensuite succédées, la voie Chancel (Rouyer, Gromier, Ruffier) en 1924, la voie Jean Blanc et Chavanne en 1948, la voie E. et J. Charbonnier 1953, le pilier Sud-Est de la Tour Carrée en 1967 ( Machet, Rolland, Ravoire, Favre, Savoye, Viallet).
La première ascension majeure s’est faite au Pilier Nord de l’Aiguille de Mey le 29 juillet 1971 (Viallet, Savoye, Ravoire). Ensuite, d’autres  ouvertures en face Ouest de l’Aguille de Mey avec la voie des Mille Pattes, puis sur le pilier nord de la Tour Carrée (Pettex et Mongellaz) et à la Glacière en face Nord Ouest de la Tour Carrée ( Lazaroni, Chenot) en automne 1982.

Dans la traversée de l’aiguille de Mey, aérienne. ©Gaël Bouquet des Chaux

Auguste Amiez à l’Aiguille de Mey, avant-guerre. ©Gaël Bouquet des Chaux

Deux heures d’approche, mais un cadre exceptionnel

Pour ceux qui ont envie de partir léger et de profiter de l’escalade sportive dans cette ambiance sauvage nous vous proposons plusieurs itinéraires tout équipés. Toutes ces voies sont en altitude, idéales pour les périodes de canicules. Les deux heures de marche d’approche permettront d’apprécier le cadre et de comprendre aussi pourquoi peu de grimpeurs sont venus là-haut.

Comme évoqué, la première voie moderne a été équipée par Jean Christophe Bérrard et Yann Charvin à la dent du Biol, cette voie soutenue de 230 m dans le 6b obligatoire offre même une longueur en 7a et trois 6c. Yann Charvin a continué d’équiper deux magnifiques tour le Bec et la Tour Penchée en plein milieu des tours de Portetta.

Sur le gendarme de l’arête à Maurice ©Gaël Bouquet des Chaux

L’arête à Maurice, future classique

La troisième tour Le Gendarme (appelée à tort le doigt de Portetta coté Pralognan) a été ouvert avec une longueur de 25m en 6a l’année dernière. Cette première tour marque le début d’une petite arête qui portera le nom d’Arête à Maurice (Maurice Ravoire, originaire de Maurienne était l’un des ouvreurs les plus prolifiques du secteur dans les années 70).

Elle démarre par trois longueurs en 5+ et se termine sur le sommet du doigt de Portetta en passant d’une tour à l’autre par un petit rappel pendulaire. Vous pouvez si vous le souhaitez réaliser l’intégralité des 5 petits sommets (Le Gendarme, Aiguille Crynoline, Doigt de Portetta, Aiguilles des Deux Pintades, Aiguille Fanch).

On pourrait très bien imaginer l’enchainement de cette arête avec Via Cavo Del Mey et l’arête de Plassa.
Vous pouvez aussi monter au Passage de Mey en réalisant les trois dernières tours séparément chacune présentant une longueur de 5+, ce qui permet de cumuler une belle randonnée et des petites escalades esthétiques.

Une énième session de nettoyage sur l’arête à Maurice, à l’automne. ©Gaël Bouquet des Chaux

Sur l’arête à Maurice. ©Gaël Bouquet des Chaux

Sur l’arête à Maurice, avec la Grande Casse en toile de fond. ©Gaël Bouquet des Chaux

À l’aiguille de Mey, une nouvelle grande voie en 7a démarre par un vieil itinéraire de 1924

La petite dernière, Vestige des anciens en Face sud-est de l’aiguille de Mey démarre comme évoqué par une première longueur cheminée en 6a traditionnelle cheminée Chancel. Ensuite après trois longueurs en 7a/7a+ bien verticales la voie sort par deux longueurs en 6a+ au sommet de l’aiguille de Mey (le retour peut se faire par une ligne de rappels ou par la voie normale). Pour ouvrir cette nouvelle ligne sportive soutenue dans le 7a, en face sud-est nous avons repris la première longueur de la voie Chancel, une cheminée ouverte en 1924 qui ne vous laissera pas indifférent et qui vous permettra de mesurer le niveau de l’époque dans ce style d’escalade.

Plassa

Deux nouvelles voies ont été équipées sur la Face Ouest de l’Aiguille de Plassa au nord du début de la Via ferrata. Ces deux petites peuvent upgradé la traversée des arête de Plassa. Pour la descente le plus rapide est de traversée les arêtes et de revenir par la Via Cavo del Mey

Voie Petit Appetit. ©Gaël Bouquet des Chaux

Alice à l’ouverture de « sa » voie. ©Gaël Bouquet des Chaux

La combe des Roches

Après l’exploitation de la paroi de la Grande Val , il fallait aller visiter ces murs au rocher changeant. Le gris serait il bon ? Les dalles trop raides pour permettent l’escalade ou trop couchées et inintéressantes ? Une visite s’imposait.

Nous sommes sur le secteur de la combe des Roches, une combe au-dessus de la Petite Val et au pied de l’arête de Plassa. La falaise peut faire entre 200 et 400m. En début de saison, il y a souvent les vaches qui viennent pâturer et le bruit des cloches nous bercent sur les premières longueurs. Olivier Houillot et Lise Small ont ouvert la première voie, Petit Appétit sur la droite de la paroi. Elle fait 9 longueurs sur un calcaire gris compact avec beaucoup de pas en d’adhérence et elle s’achève sur un dôme caractéristique, c’est un rocher gris a l’adhérence remarquable , un cheminement compact dans le bas de la paroi qui alterne longueur facile et pas technique.

Cette voie est un beau voyage au-dessus de la Combe des Roches, avec un ou deux passages très « années 80 » où il faut être sûr de sa technique de pieds.

Parlons de la deuxième voie, Back in black.  La première longueur démarre dans des dalles très techniques finement sculptées avant d’aborder le mur bleu qui barre la paroi en son milieu. Un échappatoire habile dans une dalle marron au rocher surprenant permet d’accéder au dernier mur raide qui défend les dalles sommitales .Le crux est bien protégé et les longueurs déroulent sans accrocs .La paroi est à l’ombre jusqu’à 13h en été , et si à l’ouverture un membre de l’équipe était arrivé en tenue d’Angus Young , une petite laine peut être utile aux premières heures de l’escalade .La qualité du rocher, l’ambiance de la paroi , la vue sur le Mont Blanc et le calme du vallon des avals sont les éléments qui feront de Back in black une futur classique de l’escalade à Courchevel .

Alice enchaîne Wattalice, une voie 5 étoiles. ©Gaël Bouquet des Chaux

Dans le même secteur, dans Back in Black. ©Gaël Bouquet des Chaux

Wattalice, la plus longue voie de Courchevel

Avec des amis j’ai ouvert une troisième voie, Wattalice, la plus longue voie de Courchevel, et ce fut un moment de partage unique, une première ouverture, sur les premières longueurs,  avec ma fille Alice qui a choisi le départ. 400 mètres d’un jet droit vers le haut ! Au pied de la face, on pourrait s’imaginer au pied du Grimsel, avec un océan de dalles à perte de vue. L’escalade est variée. Chaque longueur apporte sa touche. Dalles, fissures, friction, reta techniques, cannelures, et surplomb, tout le répertoire gestuel du grimpeur de grande voie sera utile pour parvenir au sommet.

Un équipement abondant protège l’itinéraire et le toit de sortie équipé en A0 permet d’aborder la voie avec sérénité. Équipée pour la descente en rappel, il est néanmoins préférable et plus logique de revenir par l’itinéraire de descente à pied de la brèche de la Portetta. Une belle entreprise qui démarre au plus bas de la face pour arriver au cairn sommital et offrir un des plus longs itinéraires rocheux de Vanoise à ce niveau de difficulté. Une voie 5 étoiles, sur un caillou étonnant pas loin de la perfection.

En conclusion, il ne faut pas oublier le secteur au fond de la vallée des avals l’arête du Lion, nommé ainsi en hommage à Lionel Blanc , l’emblématique gardien du refuge du Plan. La voie remonte sur cinq longueurs jusqu’à 6b le pilier nord de l’aiguille du Râteau et se poursuit par une magnifique arête de style classique. 

La fine équipe aux Dents de Portetta. ©Gaël Bouquet des Chaux

Gaël et sa fille Alice, la nouvelle génération ! ©Gaël Bouquet des Chaux

LES TOPOS DE COURCHEVEL

Remerciements à tous les ouvreurs et équipeurs, et particulièrement à Gaël Bouquet des Chaux pour la réalisation et la compilation de ces topos.