On ne présente plus l’ENAM (Equipe Nationale d’Alpinisme Masculine) de la FFME : de jeunes alpinistes à qui la fédération propose une évolution vers l’alpinisme pointu (comme aurait dit Chapoutot). Au menu, big-wall, escalade trad et glace selon les saisons. L’équipe renouvelée a besoin d’aiguiser ses talents : direction le proche Vercord nord pour le stage « artif ». Et une paroi oubliée, qui a pourtant été courtisée par les meilleurs des années 70, de Nominé à Sombardier. Bilan ? Une nouvelle voie ouverte en artif, appelée L’épreuve de l’harmonie et de l’invention. Récit par Jonathan Crison, guide et formateur FFME.
a paroi de la Sure est une paroi bien implantée dans le paysage grenoblois : le regard se pose facilement sur cette barrière nord du Vercors quand on quitte Grenoble direction Lyon. Pourtant, aussi intrigant qu’il soit, ce mur semble aujourd’hui plus souvent regardé que visité.
La paroi connaît son âge d’or post 1968, l’ouverture du tunnel du Mortier (qui traverse la falaise encore accessible côté Autrans) pour les épreuves des jeux Olympiques d’hiver – à Autrans donc- facilitant considérablement l’accès.
Face nord, austère, raide voir très raide, propice à l’escalade artificielle, autant de critères qui ont probablement séduit les grimpeurs de l’époque (entre autres les Nominé, Rémy, Rebreyend, Sombardier, Laroche Joubert, etc) … et repoussé bon nombre aujourd’hui. Pour son stage « escalade artificielle », La promotion actuelle de l’ENAM (Equipe Nationale d’Alpinisme de la FFME) semblait disposer là d’un joli terrain de jeu à (re)découvrir…
Une dizaine de voies ont été tracées sur la paroi entre 1960 et 1981, suivant les lignes de faiblesse les plus évidentes.
D’autres lignes ont été ouvertes depuis : on note deux ouvertures par Vasken Koutoudjian et Jean-Marc Clerc. Deux vois en artif très soutenu, Patience dans la Sure (A3/6c) et Sur Prises Partie (A3/6b). Et également la grande diagonale qui raye la paroi de gauche à droite, la Vire, oeuvre de Brieuc et Gaetan Raymond en 2006. La cordée Valérie Aumage et Tony Clarasso a également ouvert une voie à gauche du grand toit (voie Sombardier) à gauche du tunnel.
Après un 1er repérage au pied, il semble qu’une ligne logique, impressionnante de par son avancée, paraît ne pas avoir été visitée par nos ainés … L’ENAM choisit donc cette belle semaine de retour d’hiver de début avril pour grimper cette ligne et ouvrir en une quinzaine de longueurs « l’Epreuve de l’Harmonie et de l’invention ».
La Sure ? Un terrain de jeu à redécouvrir
L’artif, une fin en soi ?
L’escalade artificielle (« L’artif ») ne semble plus vraiment la pratique en vogue ces dernières années avec l’avènement et la promotion du libre. Pourtant comme on ferait ses gammes en musique, on fait les siennes en alpinisme en passant par cette pratique.
« L’artif » est donc souvent abordée initialement dans un but de formation. Poser correctement les protections, leur faire confiance (ou pas !), se débrouiller pour protéger quand les possibilités se réduisent ou que le terrain devient délicat, avancer de manière efficace quand le libre n’est plus possible : autant d’apprentissages qui viendront étoffer la caisse à outil de l’alpiniste-grimpeur.
autant d’apprentissages qui viendront étoffer la caisse à outils de l’alpiniste-grimpeur.
Un nouveau tempo
À s’exercer à ce jeu, on peut finalement s’y laisser prendre : l’objectif initial de formation peut devenir rapidement une nouvelle manière de jouer, lire et interpréter le rocher. Comme on changerait la clé d’une partition en musique de sol en fa, on déchiffre alors celle du rocher avec un nouveau code, de nouvelles notes et un nouveau tempo …
Le temps prend une nouvelle dimension, et on lira désormais « crochet » pour une réglette ou un trou, « plomb » pour un semblant de prise, ou encore « bon coinceur ou cornière » à la place d’un bon verrou de doigt. Pour celles et ceux qui aiment ce jeu de décryptage des hiéroglyphes du rocher, de trouver une solution à chaque passage avec les ressources à notre disposition, les jeux du libre et de l’artif ne sont finalement pas si éloignés… Harmonie des équilibres et esprit inventif seront en tous cas nécessaires !
Infos
L’Epreuve de l’Harmonie et de l’invention. 350m, A3/ A3+ et 6b
Ouverture entre le 8 et le 14 avril 2023 par l’ENAM (composée de Philippe Bruley, Hugo Meringolo, Benjamin Thomas, Baptiste Ribes, Maxime Richard, et encadrée par Jonathan Crison).
L’Epreuve de l’harmonie et de l’invention (ou du nom original en italien, Il cimento dell’armonia e dell’inventione) est le nom de 12 concertos écrits par Antonio Vivaldi, dont les 4 premiers sont connus sous le célèbre nom « des quatre saisons ». 4 saisons que nous avons bien vécues durant cette semaine d’ouverture entre soleil, tonnerre, neige et tempête !
Orientation : Nord-Est.
Approche : 30min
Depuis Autrans, prendre l’ancien tunnel du Mortier (interdit à la circulation, se garer à l’entrée ou à la sortie).
Par une piste puis une vague sente, longer la falaise vers l’est, jusqu’à dépasser l’évident pilier séparant la face nord et la face nord est.
Dépasser le pilier de 200 mètres, sans aller jusqu’à la grande ligne de dièdres et cheminées suivante.
Repérer la traversée de L4 et la fissure déversante en diagonale de droite à gauche de L7.
Une corde à nœud facilitant l’accès à la 1ère vire, puis un goujon de 12mm, 20 mètres à droite en suivant cette vire marquent le départ de la voie (R0).
Matériel. Friends : 1 à 2 jeux de #0.1 à 0.2 . 3 jeux de Friends de # 0.3 à 3 ; 2 # 4 ; # 5 utile.
Pitons en tout genre (bird beaks fortement recommandés). Ball nuts utiles. Crochets
Spits de 12 aux relais (sauf R14, facultatif, à construire).
Descente : agréable et à pied par le plateau puis par les pistes du domaine de ski alpin de la Sure.
Notes : Possibilité de fixer (ou de redescendre) avec une 100 mètres directement au sol depuis R4.
Excellent bivouac abrité et avec du bois mort à R10.
Par bonne conditions, la voie semble libérable, (départ complexe à L5)