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Calanques : humilier pour mieux régner

Si vous allez grimper dans les Calanques, il y a de grandes chances pour que vous utilisiez leur topo : Escalade, Les Calanques. Le travail nécessaire pour produire cet ouvrage, de la première édition aux dernières mises à jour, ce sont des années de travail, des jours et des jours d’escalade dans tous les secteurs, d’un long et minutieux travail de recensement, de dessin, d’estimation des cotations. C’est aussi et surtout le fruit d’années à parcourir les Calanques, des Goudes au cap Canaille, à entretenir les voies, à en ouvrir lorsque c’était encore possible, à nettoyer la végétation, consolider les relais, changer les points vieillissants, connaître et faire connaître les bons chemins d’accès.

Cette connaissance, Gwen, Hervé et Pierrot l’ont acquise par passion de l’escalade, parce qu’ils en vivent en tant que moniteurs ou guides, mais aussi parce qu’ils aiment plus que quiconque le théâtre de leurs envolées verticales : un site naturel qu’ils connaissent et préservent, pour eux mais aussi pour tous les clients ou les gamins qu’ils emmènent chaque jour, pour découvrir un coin de paradis unique. Et ce depuis plus de quarante ans pour certains.

Les Goudes. ©Ulysse Lefebvre

Il y a trois ans, Gwen, Hervé et Pierrot ont été convoqués par les autorités du Parc national des Calanques. Le Parc et eux se connaissent bien. Sur le site du Parc, rubrique Escalade, « l’ouvrage de référence récent » proposé, c’est le leur ! Pourtant, les gens du Parc leur reprochent d’ouvrir là où il ne faut pas , ou encore de remplacer un relais là où il ne peuvent pas. Au lieu d’un sermon, puis d’un mea culpa, entre gens de bonne intelligence qui travaillent ensemble, ils ont été reconnus coupables de « faits d’atteinte à l’environnement », à l’aide de vidéo captée par des caméras cachées dans les arbres. Ils ne s’en sont d’ailleurs pas cachés, eux. Pourquoi diable se cacheraient-ils de vouloir sécuriser des voies d’escalade ou de trouver de nouvelles falaises écoles pour des gamins ? Ubuesque.

La seconde étape a consisté à exiger de Gwen, Hervé et Pierrot la « remise en état » des falaises. Sans que qui que ce soit au Parc ne sache vraiment ce que cela veut dire. Faut-il déséquiper ? Ou, plus étonnant, remettre en mauvais état des relais initiallement remis en bon état ? Les prévenus attendent encore. Vous avez dit Kafkaïen ?

escalade, activité parmi les plus propres
en pleine nature
(bien plus que le moto-cross, la chasse
ou le déversement de boues rouges par exemple)

La troisième et ultime étape fut de convoquer Gwen, Hervé et Pierrot, trois personnages parmi les premiers et les plus fervents amoureux des Calanques, de ses falaises et de ses sentiers, à participer à une journée de « sensibilisation à la préservation de l’environnement ». Vous avez bien lu.

Les trois bonhommes parmi les plus engagés en escalade, une activité parmi les plus propres en pleine nature (bien plus que le moto-cross, la chasse ou le déversement de boues rouges par exemple) étaient sommés de venir se faire sensibiliser. On pourrait en rire si ce n’était pas la triste réalité. Et ça l’est d’autant plus que cette journée qui résonne comme une véritable humiliation est proposée par les autorités du Parc comme « une mesure alternative aux procédures judiciaires ». Comprenez : Viens que je t’apprenne la nature, sinon je te poursuis en justice. Cerise sur le gâteau, chacun doit s’acquitter de 450€ pour le coût de ce « stage de citoyenneté ». Heureusement, le monde de la grimpe est solidaire…

Et que s’usent les chaussons ! (cap Canaille) ©Ulysse Lefebvre

Amoureux de l’escalade dans les Calanques, continuez à grimper sur le plus beau calcaire de Méditerranée ! Foncez dans les Calanques, feuilletez le topo de Gwen, Hervé et Pierrot, parcourez les sentes historiques menant aux voies, et montrez à tous ceux qui ne l’aiment pas que l’escalade c’est une haute idée de l’homme dans son environnement. Et ce depuis plus de 100 ans. Bien avant le Parc.