Il faut bien admettre que c’est d’abord un nom qui nous a attiré vers ce petit couloir sans prétention : le Coillu à Bordel. Tout un programme.
Coillu ça claque. On confond d’abord avec « couillu » ce qui a le don d’éveiller nos egos de skieurs de pente raide (des bacs à sable). Puis on frotte la testostérone qui nous colle les yeux et on relit « coillu », du patois savoyard « le coin ».
Quant à ce « bordel », il semblerait que ce soit bien ce qu’on croit. Enfin presque. Un coup de fil à Pierre Tardivel, Monsieur pente raide des Aravis, et l’on apprend qu’une histoire locale parle de bergers qui auraient remarqué que leurs chèvres frayaient avec des chamois, bien planquées dans cette profonde entaille dans le flanc de l’Étale. On aurait même vu naitre des animaux hybrides !
Dans le Coillu à Bordel (4.2, E2, l’Étale, Aravis). ©UL
En remontant la pente, skis sur le dos, la pointe des chaussures mordant au mieux la neige béton, quelques modestes pensées me traversent l’esprit quant au pouvoir de la seule toponymie sur notre imaginaire (et notre motivation). Voyez comme les enfants ont le sourire malicieux en revenant d’une journée de ski à Merdassier, combien la pause bière au bar de Lancebranlette est appréciée par les cyclistes de passage au col du Petit Saint Bernard. Sourire dans l’effort donne toujours du baume au coeur. Et les blagues graveleuses ont toujours la cote. Je suis sûr que vous connaissez d’autres lieux aux doux noms évocateurs !
le pouvoir de la seule toponymie
sur notre imaginaire
(et notre motivation)
A la sortie du Coillu, un autre toponyme nous surprend par la droite : le couloir Chauchefoin. En cette période de neige rare, exposé plein ouest, le haut n’est que plaques d’herbes et le bas ressemble à un grand toboggan de moquette très (trop) fine. Skié pour la première fois en 1977, son patronyme évoque une grande période du ski de pente raide, riche, engagée … et enneigée !
Une fois redescendus des 450m du Coillu, un coup d’oeil à main droite nous laisse penser que quelques lignes d’alpinisme mixte doivent se cacher dans la face nord-ouest de l’imposante Étale. Erreur : ce qui serpente entre vires à chamois et pentes effrayantes, c’est la ligne ouverte à ski par Daniel Chauchefoin et Pierre Tardivel justement, encore eux, en 1980. Niveau technique : 5.4. Exposition : 4. « C’était vraiment n’importe quoi ! J’avais fait une seule saison de ski de rando et Daniel m’emmenait là-dedans pour ma première première » nous confie Tardivel. Ces deux là l’étaient vraiment, couillus… bordel.