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Le 5.6 à Kiki : la pente déjà raide se raidissait encore

C’est l’actu qui vous a remué cette semaine chers lecteurs. Dites-donc, vous étiez tout chose. L’objet de cet émoi ? La star du trail et du ski, j’ai nommé Kilian « Ultra » Jornet nous raconte ses descentes en pente raide en Norvège. La dernière en date : une ligne au Breitind, pour lequel le plus Catalan des Norvégiens ose avancer des passages à 60° de pente… et évoque par conséquent une cotation à 5.6 pour la difficulté incomparable qu’il a rencontré dans cette face de 1500m. Et la pente, déjà raide, se raidissait encore…

Dans un couloir de Combe Bronsin, en Lauzière (petit 4.2 ou gros 4.1 ?). ©UL

« Waouh ! Incroyable ! Bravo Kiki ! » Une bonne partie de la communauté alpine était enjouée et attentive à la lecture des explications de Jornet, notamment à propos de cette neige humide de l’air marin qui adhère dans des parois plus raides que dans nos Alpes. Et justifie donc les chiffres avancés.

« Scandale ! Hérésie ! Et pis quoi encore ?! » L’autre partie a rejeté ce qu’elle considère comme une course au toujours plus, notamment au toujours plus raide. Et la pomme de la discorde tient en deux chiffres : 5.6. Comment oser briser le plafond de verre de la cotation ? Comment oser dégommer ce repère du 5.5 et avec lui, des monuments comme la voie des Autrichiens aux Courtes, le Nant Blanc à la Verte ou la face Est de Peuterey ?

Maximum : 5.5.
Circulez, y’a plus de 5.6
du moins dans les Alpes

Certes, la référence des cotations de difficulté à ski inventée dans la collection des guides Toponeige a longtemps côté 5.5 au maximum les descentes les plus raides et techniques. Pourtant l’éditeur lui-même avait initialement « ouvert » cette échelle. C’est à cette occasion qu’on voit Arav’extrem dans les Aravis être proposée à 5.6. Idem pour le Nant Blanc pendant un temps. Tiens tiens. Puis à la fin des années 2000, auteurs et éditeur décident de revenir à une échelle fermée, par soucis de lisibilité et de facilité peut-être aussi. Maximum : 5.5. Circulez, y’a plus de 5.6. 

Du moins dans les Alpes. Mais ailleurs ? En Patagonie ? Dans les Andes ? En Norvège ? Plus loin que le bout de notre nez ?

Perso, j’en sais foutrement rien si les pentes raides à Kiki valent 5.6. Je peux comprendre les passages à 60° puisque ça se voit et s’explique dans d’autres régions de montagnes côtières. Mais pour le reste, non seulement je n’en sais rien mais je ne peux pas savoir : comme 99% d’entre vous, je n’ai jamais skié de 5.5, alors comment envisager le 5.6 ? Je peux juste écouter les skieurs, comparer les lignes, appeler Tardivel ou Bruchez, attendre une éventuelle répétition pour confirmation… Faire mon job. Mais on peut aussi tous faire confiance quand le CV du type le justifie. Et c’est justement parce qu’on n’est pas dans un stade, chrono en main, que les activités de montagne nécessitent une part de confiance entre ceux qui grimpent ou skient, et ceux qui regardent, admirent ou chroniquent. L’arbitre, c’est cette confiance.

il va falloir nous y faire les amis,
les temps changent
et le niveau monte

Sur les réseaux sociaux, on a parfois l’impression d’être à la foire à la saucisse du club des sports du coin, avec des gens qui contesteraient les 9’58’’ d’Usain Bolt et son record du monde sur 100m, sous prétexte qu’au patelin, on le court en 15’ au mieux. 

Mais il va falloir nous y faire les amis, les temps changent et le niveau monte encore et toujours ! Souvenez-vous du premier 9c par Adam Ondra ; du vol au dessus du Broad Peak par Antoine Girard à 8150m ou plus récemment du Chamonix-Jorasses-Courmayeur express par Benjamin Védrines et Léo Billon, à la journée. Pas croyable au départ. Bluffant ensuite.  Et plutôt stimulant non ? Du genre à vous agiter les guiboles ! À vous booster le cocotier. Ça permet aussi de garder une discipline bien vivante (et que certains annonçaient moribonde il n’y a pas si longtemps) parce que non, désolé, c’était pas mieux avant. 

Et puis finalement, y’a pas mort d’homme non plus, hein. On va tous se détendre et rester zen. Comme le rappelait justement un certain M. Dupont, par les temps qui courent on aurait peut-être intérêt à s’insurger contre le 49.3 plutôt que contre le 5.6. Il est taquin. Nous aussi. Vous reprendrez bien un peu de saucisse ?