Cette question revient souvent dans les discussions entre grimpeurs : “pourquoi acheter le topo ?” Question complexe à l’heure d’Internet, où la tentation est grande d’avoir recours à des topos en ligne, si possible gratuits. Avant de préparer votre prochain trip en falaise, voici quelques éléments de réponse, surtout si vous avez une étagère de taille réduite.
Avant de parler de topo-guide d’escalade, il faut savoir une chose : l’aménagement, l’équipement et l’accès d’une école d’escalade ou d’une grande voie d’escalade naissent la majeure partie du temps d’une volonté individuelle ou collective de pratiquants. Le mythe de la falaise entretenue par la mairie comme un terrain de basket et un terrain de foot est faux ! Ce ne sont donc pas vos impôts qui financent la plupart du temps l’accès aux falaises. Et non malheureusement
Ce sont des pratiquants : individuels, clubs d’escalade, associations, pros de l’escalade et de la montagne, qui sont la plupart du temps à l’origine du projet d’équipement d’un site naturel d’escalade. Ces pratiquants, on les appelle les “ouvreurs”. Le temps passé à rencontrer les propriétaires et gestionnaires du site et à réaliser les aménagements (sentiers d’accès, fléchage, équipement et pose des points d’assurage des voies et nettoyage des voies, réalisation d’un topo-guide, etc.) est en France en grande partie du bénévolat.
Résumé du fonctionnement des sites d’escalade
Le matériel d’équipement et les frais engagés pour un l’équipement et l’entretien d’un site d’escalade peuvent être financés par les cotisations des adhérents d’un club, des sponsors, la vente d’un topo ou des subventions de collectivités locales. En revanche, les projets entièrement financés où les ouvreurs sont rémunérés même s’ils existent sont encore rares. Dans certains départements comme l’Hérault, ce modèle tend néanmoins à se développer (lire l’article de la FFME).
L’accès à une falaise située sur un terrain privé est souvent rendu possible par une convention : on ne reviendra pas sur ce système qui a été traité de manière très complète par plusieurs articles de l’association Greenspits. Dans le Rhône, la dernière falaise en date à être conventionnée est celle du Pin Bouchain en 2017.
L’équipement en 2017 de la falaise du Pin Bouchain située sur la commune des Sauvages dans le département du Rhône a été possible grâce à une convention entre les propriétaires privés de la falaise et la communauté d’agglomération locale, la FFME réalise simplement le contrôle et l’entretien du site chaque année via une prestation de service © Éric Chaxel
Les topo-guides peuvent financer l’équipement et garantir l’accès aux falaises, mais pas tous !
Si on revient aux topo-guides d’escalade, ils ont trois objectifs majeurs pour un site naturel d’escalade :
- rappeler les consignes de sécurité en escalade et fournir les règles à respecter pour accéder au site
- décrire les itinéraires d’escalade, leurs cotations et leur accès
- développer et maintenir la pratique de l’escalade sur le site tout en finançant l’équipement
Si tous les topo-guides décrivent les itinéraires sur un site et remplissement pleinement les points 1 et 2, seuls certains topos participent au point 3. Suivant l’éditeur du topo, une partie ou la totalité du bénéfice de la vente d’un topo-guide couvrira les frais de fonctionnement du gestionnaire en charge du site et donc financera l’équipement.
Vous l’aurez compris, la vente de certains topo-guides d’escalade permet de financer de nombreuses actions d’équipement et d’entretien des falaises. Les financements tirés de la vente de ces topos permettront également aux personnes ou aux associations qui éditent le topo d’avoir les moyens pour militer pour l’accès aux falaises auprès des collectivités locales, des mairies, de l’ONF et d’entretenir de bonnes relations avec les riverains, les autres usagers du site (chasseurs, randonneurs, cyclistes, …) et avec les associations de protection de l’environnement.
Affichette d’information sur les topos vampires à Saint-Léger du Ventoux.Rockfax, Avignon Soleil, RokPunkt, Mistral, Edisud : tous ces topos ne participent pas à l’accès et à l’entretien des sites. © D.R.
En France, la vente de la majorité des topos édités par les Comités Territoriaux de la FFME, le Club Alpin Français ou des associations sportives comme Hot Roc dans le Rhône bénéficie directement à l’accès aux falaises décrites dans les topos.
En revanche, certains topos comme les topos Rockfax, pourtant vendus Au Vieux Campeur à Lyon, ne participent absolument pas au maintien d’un équipement de qualité et à l’accès aux falaises. Renseignez-vous avant d’acheter un topo en lisant la préface pour savoir comment sont réinvestis les bénéfices de la vente. Et puis ça ne vous empêche pas de l’acheter si vous achetez un topo qui participe à l’équipement.
En conclusion, si vous voulez participer à faire vivre un site d’escalade, achetez le topo et le bon ! À titre de comparaison, une entrée dans une salle d’escalade coûte en moyenne 15 €, un topo entre 10 € et 30 €. Alors pourquoi ne pas participer à l’entretien des sites naturels ?
Et les topos en ligne comme CamptoCamp et Climbingaway ?
CamptoCamp.org est une plateforme communautaire en ligne qui permet à n’importe quel internaute de rentrer un topo en ligne et de le mettre à disposition de la communauté : un site, une voie, un itinéraire en ski de randonnée ou en haute-montagne. Si CamptoCamp est un outil libre et communautaire, il ne faut pas oublier que le site ne participe pas à l’entretien des falaises en raison justement de sa gratuité. Rien ne vous empêche de l’utiliser mais gardez à l’esprit que cet outil libre ne doit pas remplacer un topo-guide payant qui vous garantit l’accès à votre site d’escalade préféré.
Avant de rentrer un itinéraire sur CamptoCamp.org, il vous faut également respecter la propriété intellectuelle de l’ouverture et ne pas réaliser de topo d’une voie sans l’accord de l’ouvreur : celui-ci veut peut-être garder secret un itinéraire pour certaines raisons qui vous échappent. Un appel a notamment été lancé en 2017 par de nombreux ouvreurs à l’initiative de l’ECI38 pour limiter l’apparition de topos exhaustifs sur CamptoCamp : l’appel des ouvreurs.
Les bénéfices du topo ROC’in BUGEY, édité par l’association HOT ROC, sont intégralement utilisés pour l’entretien des falaises du département de l’Ain : Crept, Contrevoz, Parves, etc.
Acheter un topo en ligne permet également de financer l’accès aux falaises sans encombrer vos étagères.
À la différence de CamptoCamp, ClimbingAway.fr propose des topos électroniques payants édités par certains gestionnaires de sites d’escalade. La vente en ligne des topos participe au financement de l’équipement et de l’entretien des sites. Les topos sont disponibles directement au format électronique sur smartphone grâce à l’application ClimbingAway. Fini le papier qui encombre votre toute petite étagère !
La FFME est partenaire de l’application ClimbingAway pour la diffusion de topos d’escalade au format numérique sur smartphone : une révolution ?
Se licencier, c’est avant tout militer pour le développement de l’escalade
Les cotisations des licences FFCAM et FFME participent dans une certaine mesure à l’équipement des falaises mais dans une portion bien moindre que l’achat d’un topo. À titre d’exemple, les bourses FFME pour 2017 affichaient un montant de 60 000 € alors que le budget total de la FFME est de 6,6 millions d’euros cette année-là. Les Comités Territoriaux de la FFME récupèrent également des subventions des collectivités locales et une part du budget des licences et peuvent ainsi agir en faveur de l’escalade en falaise en fonction de leur politique locale.
Ce qui est sûr, c’est que plus une fédération a de licenciés, plus elle aura du poids en face d’autres acteurs et d’autres usagers des sites naturels. Se licencier c’est tout simplement militer pour le développement de l’escalade. En prenant une licence, vous bénéficierez également d’assurances spécifiques à l’escalade et à la montagne. Citons un autre acteur récent de la grimpe en falaise : l’association Greenspits qui fait la promotion d’une escalade en falaise vertueuse.