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Cordillère de Darwin, aux origines de l’aventure

Loin en Patagonie

L'équipée mer-montagne en un seul coup d'oeil. ©Julien Ravanello

Les premières pensées qui résonnent lorsque l’on entend parler de la Cordillère de Darwin, sont le vent, la pluie, la neige, la solitude, les forêts, les énormes glaciers et la mer déchaînée. En gros, ça n’inspire pas aux vacances paisibles au pied d’une falaise à bronzer… Le voyage, c’est l’incertitude. Préparation réduite au strict nécessaire, sept guides et un bateau : l’équation est posée. Reste à voir si ça passe ou ça casse.

La pièce essentielle à notre voyage est Podorange, un voilier de 20 mètres, et ses marins : Brice Monégier le skippeur, Pierre-Emmanuel, le jeune mousse, et Corrine Perron, skippeur également. Notre équipe : Antoine Cayrol, Emmanuel Chance et Laurent Bibollet, les initiateurs du projet avec Brice. Martial Dessay, Gaylord Dugué, David Vigouroux, Isabelle Berger Lisa Cerioli et moi-même Julien Ravanello. Punta Arenas sera le début de notre aventure. C’est la rencontre avec l’équipage du bateau, et la découverte d’un voilier pour certains d’entre nous, dont moi-même. Pour une partie de l’équipe, ce n’est pas la première aventure avec Coco et Brice.

Le 19 octobre 2019 en fin de journée, les voiles sont levées, c’est le départ ! Le pilote automatique du bateau ne sera pas de la partie pour ce voyage. Les quarts sont répartis et chacun d’entre nous ira prendre la barre sous les instructions des marins. C’est la découverte du monde marin, les vents, le cap, et ses expressions « so different than us ». Le cap est donc donné sur le Selknam, sommet au fin fond du Fjord Almirantazgo, notre premier objectif.

À bord du Podorange, le voilier patagon. ©Julien Ravanello

La carte marine, un des seuls fil directeur du voyage. ©Julien Ravanello

avant de prendre pied sur les glacier, les accès par les forêts sont déjà des courses en elles-mêmes : machettes, cirés et force de sanglier sont de mises !

Le Selknam, objectif principal de la cordée.  ©Julien Ravanello

La loi de Darwin

Lorsque que nous découvrons, le Selknam, nous sommes remontés comme des coucous. La montagne est magnifique, des lignes de goulottes dans tous les sens, et une arête superbement esthétique. La stratégie sera, dans un premier temps, de repérer les accès. Deux équipes pour deux objectifs. On va vite s’apercevoir qu’avant de prendre pied sur le glacier, les accès par les forêts sont déjà des courses en elles-mêmes : machettes, cirés et la force du sanglier seront nos armes principales. Sur les deux options nous retiendrons l’arête Nord-Est. Les dés sont lancés. Nous prenons de quoi bivouaquer plusieurs soirs, car pour ce qui est de la météo, c’est la grande incertitude.

Le bivouac, le fameux, celui qui nous montrera la réalité de la situation à Darwin… Le créneau n’est pas là, il pleut, il neige, il vente… Trois jours à attendre. Le deuxième soir, deux de nos trois tentes commencent à prendre sacrément l’eau. La nuit ne fût pas des plus confortables, entre brasse crawlée et apnée. Nos tentes sont devenues des piscines et nous sommes trempés jusqu’au slip ! On ajoute à cela le fait que la montagne est plâtrée, et que la météo n’est toujours pas au top. Pas vraiment engageant pour tenter cette arête mixte, qui n’est pas si anodine…

Bivouac dans des conditions darwinesques. ©Julien Ravanello

Report de visée

Le Selknam ne sera pas pour cette fois-ci. Pour ce voyage, nous étions tous d’accord sur une chose : l’objectif c’était le boat trip, la van life mais en bateau. L’idée de stagner à attendre le créneau météo n’était pas le but, même si cette montagne nous aura laissé un sentiment d’inachevé pour le reste du voyage. L’ancre est levée, et d’autres sommets nous attendent. Pour la météo, nous avions opté pour ne pas prendre de routeur et de n’utiliser que la météo marine reçue chaque jour par l’équipage. Ces indications sont une tendance, et c’est uniquement les matins en regardant le ciel que nous prenons nos décisions. 

Sur notre chemin, nous repérons les sommets depuis le bateau, en fonction de nos envies, tout en confrontant nos observations avec les photos et rares infos que nous possédons. Les conditions très enneigées en basse altitude nous ont permis de grimper quelques lignes mixtes éphémères, sur des sommets vierges dans le fjord d’Agostini mais aussi du côté de l’Almirantazgo.

Mixte au-dessus des fjords, quand le temps le permet. ©Julien Ravanello

Quelques belles longueurs. ©Julien Ravanello

Concessions de voyage

La lecture des approches en forêt restera pour nous une des complexités des journées. Des forêts denses, des distances trompeuses, des marécages créés par les castors à n’en plus finir…

 Mais quel bonheur et quelle chance d’avoir le luxe de se perdre dans ces forêts primaires. Ici, il n’y a pas de chemins, pas ou peu d’infos, et une grande partie de la cordillère reste inexplorée. Nous avons passé pas mal de temps à jouer au dernier Yamanas à la recherche des Umpaloumpa et des parois cachées !

Machette contre forêt primaire, un combat nécessaire quoique perdu d’avance. ©Julien Ravanello

trop de neige, des créneaux courts voire inexistant, une exposition importante et les aléas de la mer : les planètes sont difficilement alignées en faveur de l’alpinisme. C’est la source même de l’aventure.

Mer, forêt, montagne : des paysages toujours plus sauvages. ©Julien Ravanello

La cordillère de Darwin, entre forêt et neiges lointaines. ©Julien Ravanello

Renard dans les barrages de castor. ©Julien Ravanello

Il y a des montagnes qui nous ont laissés sans voix, des objectifs de taille notamment dans le Fjord de Pia. Bien souvent, trop de neige, des créneaux trop courts voire inexistant, et une exposition importante (en cas d’accident, il ne faut pas compter sur des secours rapides dans cette région du globe).

Il fallait aussi concilier avec la mer, car il fallait des conditions particulières pour la navigation. Globalement nous avons eu de la chance sur celle-ci. même notre passage aux abords de l’océan Pacifique après le canal de Cockburn pour rejoindre le canal de Ballenero n’aura été qu’un court instant mouvementé. Brice, Coco et Pierre Emmanuel ont vraiment été la clef de ce boat trip. De superbes moments d’échange entre mer et montagne.

Un potentiel de dingue, il faudra revenir… ©Julien Ravanello

Promesses d’au revoir

Après trois semaines de navigation, le passage à Yendegaia sera pour nous le moment de prendre quelques jours pour faire nos au revoir à la cordillère. La fin du voyage approche. D’ici, il ne nous reste qu’une journée de navigation pour rejoindre Puerto Williams par le canal du Beagle. À Yendegaia le temps s’arrête, nous profitons chacun à notre manière de cet endroit tout simplement unique. Ironie du sort, le grand créneau météo est là, mais les objectifs sont derrière nous… Ce sera l’occasion de prendre de la hauteur sur les sommets alentours, et d’admirer l’ensemble de la cordillère sans aucun nuage. 

Pêcheurs des fjords de Darwin. ©Julien Ravanello

D’alpinistes à coureurs des bois, il n’y a qu’un pas. ©Julien Ravanello