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Voyage au bout de l’endurance de Lizzy Hawker

Cinq victoires à l’UTMB. C’est plus qu’aucun homme. Lizzy Hawker n’a pourtant guère d’expérience quand, en 2005, elle se présente au départ de l’ultra trail le plus célèbre de la planète. Dans cette autobiographie, Lizzy Hawker raconte son extraordinaire parcours de spécialiste de l’endurance et d’amoureuse du Népal. Un choix de vie qui va bien au-delà des podiums de l’UTMB, dont elle est pourtant incontestablement la reine.

Voyage au bout de l’endurance, Lizzy Hawker, Guérin, 2018, 288p., 25€.

Chacun le sait, à moins de vivre sur une planète éloignée du système solaire. L’Ultra Trail du Mont Blanc, c’est 170 kilomètres et dix mille mètres de dénivelé. En 2005 l’UTMB en est à sa troisième « moderne » édition seulement. L’engouement est là, mais pas encore le délire médiatique, et les foules de supporters sont plus clairsemées qu’aujourd’hui. Quand Lizzy Hawker s’embarque pour son premier UTMB, son tout premier ultra, elle n’a jamais couru sur une telle distance. Ni sur une telle durée. Mais son endurance, devenue légendaire, va lui apporter sa première victoire. Elle franchit la ligne d’arrivée, hébétée, près de vingt-sept heures après son départ. Devant ses poursuivantes. « J’ai du mal à réaliser. Une question me vient à l’esprit, celle que je me pose depuis la tombée de la nuit. Y a-t-il un moyen de retourner à mon camping ? C’est bizarre d’avoir fait tout ce chemin, d’avoir couru 100 miles autour de l’immense massif du Mont-Blanc à travers trois pays et de se demander comment faire quelques kilomètres pour aller un peu plus haut dans la vallée. C’est pourtant le premier de mes soucis. Comment faire pour retrouver mon sac de couchage, qui se fait de plus en plus attirant à chaque minute qui passe ? »

 

En tant qu’océanographe
elle effectuent plusieurs missions en Antarctique

À l’époque de ses premiers cross, Lizzy Hawker a déjà ce besoin irrépressible de courir, peu importe les conditions, pourvu qu’elle soit dehors. En tant qu’océanographe elle effectuent plusieurs missions en Antarctique. Plus important pour la suite de sa vie : elle participe à une expédition sur un 6000 au Népal. « J’ai ainsi réalisé que mes capacités physiques pouvaient être difficiles à accepter pour d’autres, ce qui était à la fois déconcertant et décevant. Je commençais seulement à découvrir mon endurance hors du commun. (…) Depuis, ma capacité à courir sur des distances extrêmement longues malgré mes apparences fragiles, à porter jour après jour des charges qui représentent une part importante de mon propre poids en montagne, a suscité pas mal de réactions ».

2008, 2010, 2011 et 2012 : quatre nouvelles victoires à l’UTMB, Lizzy laisse tomber la façade d’emploi qui la tenait encore en laisse et passe coureuse professionnelle, mais n’imaginez pas la vie de luxe des tennis women. Le trail n’est pas (encore) un monde où l’on s’essuie à chaque virage avec des serviettes blanches. Lizzy retourne à de multiples reprises à Katmandou, jusqu’à y vivre une partie de l’année. Elle se lance des défis inimaginables : relier le camp de base de l’Everest à Katmandou par exemple. Comme elle n’est pas satisfaite, elle refera deux fois ce challenge. Jugez plutôt : deux jours, 23 heures et 36 minutes, pour plus de 320 kilomètres d’une traite.

Elle n’écoute guère la blessure, « maître sévère dont on n’aime pas toujours écouter les leçons. » Autre défi : le record du monde des 24 heures. Elle n’aime pas la route et encore moins faire des ronds, mais elle va quand même porter ce record à 247 kilomètres. Oui, plus de dix kilomètres par heure pendant 24 heures.

Je n’ai ni maison, ni voiture,
juste un vélo à Katmandou
et un ordinateur portable qui parcourt le monde avec moi

Lizzy Hawker mentionne la pratique de certains moines bouddhistes, au Japon, de courir, nommée sadhana, qui consiste à courir pour améliorer la concentration. Lizzy fait l’inverse : elle utilise son extraordinaire capacité de concentration pour améliorer sa course. « La compétition me permet de me focaliser, de hiérarchiser les obligations de la vie quotidienne, de m’organiser. » Et au-delà de la compétition. « Malgré l’effort physique, j’éprouve parfois pendant les courses la sensation reposante d’être immobile, comme si je cessais de faire pour me contenter d’être. C’est dans ces moments là que je me sens libre. (…) l’aboutissement, ce n’est ni le temps ni le classement, mais la connaissance de soi et les efforts qu’on déploie pour l’acquérir. »

Son autobiographie raconte aussi ses doutes, ses blessures. Son choix de vie, spartiate mais libre, passionnée mais souvent solitaire. « Je n’ai ni maison, ni voiture, juste un vélo à Katmandou et un ordinateur portable qui parcourt le monde avec moi. » Un regret cependant : aucun chapitre ne raconte ce qui est, aux yeux des amoureux de l’Himalaya, sa plus grande aventure : sa traversée du Népal d’est en ouest par le Great Himalaya Trail, soit 1600 kilomètres et une dizaine de cols à plus de cinq mille mètres : elle a mis 42 jours en 2016, et 35 jours en 2017.

On espère qu’elle garde le récit de ces aventures pour son prochain livre. Un dernier conseil de lizzy pour les candidats à l’UTMB, citant Ann Trason : « un 100 miles, c’est une vie en un jour ».