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Trois coqs sur la banquise

On attendait leur retour depuis plusieurs années, obligés de se replonger dans l’éthylique ascension des Drus chaque fois qu’ils nous manquaient. Il aura fallu attendre pas moins de deux décennies avant de pouvoir retrouver Fernando, Gérard, la Serpillère et le guide-conteur, accoudés au comptoir du Port de la mer de Glace, comme de bien entendu.

Trois coqs sur la banquise, Dominique Potard. Guérin-Paulsen, 2017, 192p., 15€.

Mais accoudés, ils ne le restent pas longtemps, puisque Dominique Potard, le grand démiurge du Val-Misère, a eu tôt fait de leur faire prendre le large. Et pas qu’au figuré, la joyeuse équipe étant cette fois invitée à embarquer à bord du langoustier La Marie-Rose, depuis le port de Traou-Dienez, en Bretagne. Une odyssée qui commence dans le brouillard pour finir dans les glaces, et pas celles du célèbre port savoyard. Les 3 754 mètres des Drus laissent ici place aux platitudes gelées de la banquise arctique, La Marie-Rose dérivant vers le Grand Nord jusqu’à trouver le Groenland.

Un rendez-vous des cultures
qui n’a rien d’un choc mais tout d’une fête.

©Ulysse Lefebvre

S’il fait toujours aussi froid dans cette deuxième aventure riche en degrés (d’alcool), c’est à nouveau de la chaleur qui se dégage de sa lecture. De la chaleur humaine, bien sûr, les protagonistes ayant l’amitié chevillée au corps et ne manquant jamais de distiller les angoisses propres à leurs déboires dans une bonne dose de dérision et d’humour piquant. Mais de la chaleur méditerranéenne aussi, celle du sud de la France, de cette Provence qu’on n’image pas retrouver par – 30 °C. Car Dominique Potard réussit ici un cocktail étonnant et délirant, où les chamans inuits rencontrent les boulistes provençaux. L’occasion, notamment, d’entendre les « Nanuk toqu ! » côtoyer les « Mouart lou lour ! », dans un rendez-vous des cultures – bien antérieur à l’arrivée de nos Savoyards – qui n’a rien d’un choc mais tout d’une fête. Car l’amitié ne soude pas seulement nos héros, mais aussi les peuples. Et, au-delà des rires et des sourires que ces presque deux cents pages nous dérobent à leur lecture, c’est là tout l’intérêt de ce deuxième volume, qui s’impose comme une petite bouffée d’oxygène, agrémentée de gaz hilarant, dans une époque qui en a bien besoin.