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Trail | UT4M 2018, le dur apprentissage de l’ultra

Au départ d’une course à pied de 169 kilomètres, personne ne fait le malin. Héros d’un jour ou amateur passionné, chacun voit dans l’UT4M et le grand tour du bassin grenoblois l’occasion d’accrocher, enfin, un ultra trail à son palmarès. Récit de ce weekend du 24 et 25 août 2018 à travers trois portraits de traileurs. 

Ne pas se fier à l’antienne qui vante Grenoble comme la ville la plus plate de France. La capitale des Alpes a de la ressource en la matière. Les quatre massifs qui la ceinturent sont devenu le terrain de jeu d’un ultra trail bien particulier, l’Ultra Tour des 4 Massifs. Le menu est copieux, avec le Vercors pour commencer, le Taillefer en antipasti, Belledonne en plat de résistance, et la Chartreuse en guise de fromages-desserts, version XL.

Il y a au moins deux possibilités pour participer : le challenge UT4M, une course par jour, un massif par jour soit un total de quatre massifs en quatre jour. Pour les plus ambitieux, l’UT4M Extrême propose le même parcours, mais d’une seule traite. 169km dans les jambes sans s’arrêter. Le défi qui pousse les ressources physiques et mentales de coureurs au maximum.

L’Ultra Tour des 4 massifs, « là où la magie se produit » comme indique son slogan propose un itinéraire de 169km avec 11 000m de dénivelé positif, 11 000m de dénivelé négatif, à travers les quatre massifs suscités. Un tracé faisant boucle comme son aîné l’UTMB. Nombreux sont les coureurs qui tentent ce format de course à pied pour la première fois – l’objectif principal est de la terminer, en une cinquantaine d’heures au maximum. L’UT4M n’organise pas de sélections au moment des inscriptions ; les coureurs doivent juger par eux même de l’adéquation de leurs capacités mentales et physiques avec la difficulté des exigences du parcours proposé. Ils traversent quatre massifs, de jour et de nuit, leur détermination contre l’épuisement. Nous avons rencontré trois d’entre eux, de parcours, d’origine et de fortune différente. Ils sont partis ce vendredi 24 août à 16h de Seyssins, tout proche de Grenoble.

UT4M 2018, passage dans le massif du Taillefer. © B. Gaigé.

Nelson Raotozafy, dossard 516

Nelson est un jeune malgache qui court par plaisir depuis l’âge de 7 ans. En France, il vient chercher la visibilité et la reconnaissance en tant que sportif mais il cherche aussi à relayer une image alternative et positive de son pays. En effet, la situation politique et économique à Madagascar n’est pas favorable au développement du trail. Un jeune athlète comme Nelson participe à la reconnaissance dans le sport mais aussi à la découverte de sportifs potentiels de son pays par l’intermédiaire du trail et des évènements médiatisés comme l’UT4M. Plusieurs initiatives au cœur de l’UT4M permettent d’aider les jeunes malgaches à venir participer aux courses mais aussi à aider les jeunes coureurs sur place. Une collecte d’équipements sportifs a été mis en place deux années consécutives afin de compenser le manque de matériel technique. Le but de cette action est d’aider les jeunes de Madagascar à acquérir de la visibilité et de leur en donner les moyens.Faire valoir le potentiel jeunesse et sportif de Madagascar, voici la cause que portent les jeunes athlètes, au-delà du challenge personnel. Cependant, Nelson est un athlète très ambitieux, « il faut vraiment le canaliser, dans sa tête il est venu pour arriver premier » indique un de ses proches bénévole pour l’UT4M, « il n’a pas tout à fait conscience de la solidité des athlètes de l’UT4M ». En effet, Nelson arrive en tête aux différents points de ravitaillement du Vercors mais il est forcé d’abandonner en raison d’une blessure au soixante-dixième kilomètre. Il est susceptible de revenir l’année prochaine, plus patient et mieux préparé à la technicité des 169km de l’UT4M.

Nelson à l’échauffement avant la course. © Nina Kropotkine

Nicolas Perrier, dossard 258

Nicolas Perrier est entraineur de ski de fond sur le domaine de Chamrousse. Décrété comme l’un des favoris dès le début de la course, il est entouré d’une troupe de supporters enthousiastes. Nicolas est grand sportif de montagne et adepte du trail il n’avait pourtant jamais parcouru d’aussi longues distances avant de se lancer dans le défi de l’ultra trail : « je me jette un peu dans l’inconnu », admet-il, « je suis rapide sur les trails courts, 30, 40 voire 50 bornes, mais sur le 160 c’est complètement différent ». Nicolas a l’avantage de maitriser le relief des massifs grenoblois, il est natif de St Martin d’Uriage et entraîne plusieurs clubs de ski de fond dans le massif de Belledonne. La course représente un défi personnel encore jamais réalisé – son but, « s’arracher le meilleur chrono possible même si c’est un peu délicat parce qu’il faut partir vite mais sans craquer ». C’est un calcul à faire, un équilibre à adopter, mais pour ce qui est du travail mental, Nicolas accompli chaque chose en son temps : « on verra bien pendant la course ». Avant le départ, on ressent un certain empressement, « ça fait quelques jours que je pense beaucoup à la course, je suis impatient qu’on soit lâché…dans notre bulle ». Nicolas est bien entouré, nous retrouvons sa famille et ses amis à différents points de ravitaillement. Il arrive 8ème en 29 heures et 59 minutes.

Nicolas Perrier à quelques minutes du départ. © Nina Kropotkine

Alexandre Boucheix, dossard 120

Alexandre, surnommé « casquette verte » suite à son profil Instagram, est un jeune coureur parisien. Au départ de la course, il bouillonne d’impatience et de nervosité. Il décrit l’idée du trail des 169km comme une bêtise : « c’est une bêtise surtout quand c’est la deuxième fois et que tu sais très bien ce qu’il va t’arriver, ce qu’il peut t’arriver…mais elle est essentielle cette bêtise ! ». Alexandre, téméraire et habitué, a déjà parcouru de longues distances en course à pied, 165km étant son maximum : « je sais un petit peu ce que ça va être…mais c’est important d’être imprudent ».

Pour ce qui est de la communauté de trailer à Paris, Alexandre pense que « les gens veulent s’évader vers autre chose que la routine métro-boulot-dodo ». On parle même d’un phénomène de société – des parisiens qui partent vers l’aventure et l’évasion, cherchant à se délocaliser vers des paysages sauvages. Alexandre nous l’accorde, « le seul lieu qui reste vraiment sauvage de nos jours, c’est les montagnes ». Le jeune homme favorise la course de 169km plutôt que le challenge UT4M quatre jours quatre massif et il se justifie en ironisant : « là on part d’une traite, pas besoin de se réveiller tous les matins ». L’idéal pour lui, serait de terminer la course en moins de 37 heures, « je veux aller au bout ça c’est certain, je veux partir fort ; être quelques heures derrière les premiers, ça j’aimerais bien ». Alexandre termine la course en un peu plus de 32h, il a réussi au-delà de ses attentes, « j’y suis allé avec les tripes ! ».

Alexandre à quelques minutes du départ. © Nina Kropotkine

Les vainqueurs

Le vainqueur Lucien Leroy, qui a oscillé entre premier et deuxième tout au long du trail, est arrivé en tête après 27 heures et 18 minutes de course à pieds à travers les massifs isérois. La première femme à l’arrivée était Isabelle Lambert, qui a parcouru les 169km en 34 heures 40 minutes. Le dernier classé, Benoît Maignien, a franchi la ligne d’arrivée en 52 heures et 50 minutes.

Tous les résultats sont sur le site de l’UT4M.

Reportage : Nina Kropoktine-Watson

à G, Isabelle Lambert, à D. Lucien Boyer © UT4M

Du côté de Chamrousse, dimanche 26 août. Il reste encore le massif de Belledonne à traverser, et la Chartreuse. © Nacho Grez

Grenoble, que certains coureurs ont retrouvé dans la nuit de samedi à dimanche. © Nacho Grez