La face nord du Changabang, 6864 mètres vient d’être répétée par le GMHM dans un style alpin ultra-rapide. Caché dans un coin de l’Himalaya indien proche de la Nanda Devi, le Changabang a vu passer le gotha de l’alpinisme. Une histoire fascinante, parfois tragique, souvent flamboyante.
Le Changabang a vu défiler le gotha de l’alpinisme britannique, et mondial. En 1976, les Japonais emmenés par Naoki Toda ouvrent l’arête sud-ouest en 33 jours tandis que Peter Boardman et Joe Tasker, deux des plus brillants alpinistes anglais, ouvrent en face ouest, ce qui ressemble à un bigwall. La voie leur a pris 25 jours, et elle est d’un niveau jamais vu en Himalaya. Ils surnomment le Changabang the Shining Mountain, et ce surnom va lui rester. Pour autant ce fut une dure expérience : le duo récupère la seule survivante de l’expé US voisine au Dunagiri, qui a vu la chute des quatres membres de l’expé, dont son mari, et qui a passé deux jours seule à 6000 mètres avant d’être secourue par des Italiens. Eux ne veulent pas récupérer les corps, et c’est Boardman et Tasker qui oublient rapidement l’euphorie du Changabang en se chargeant du job.
La face nord
En 1996 le couple britannique Roger Payne – Julie Ann Clyma se lance dans une ligne de goulottes mixtes en plein centre de la face nord, restée vierge jusque là, mais sont contraints de faire demi-tour après avoir atteint la mi-paroi. L’année suivante, ils sont de retour avec quatre autres britanniques : la cordée Mick Fowler – Steve Sustad, et celle formée par Brendan Murphy et Andy Cave, chaque cordée grimpant indépendamment des autres. Cette année 1997 Murphy et Cave vont atteindre le sommet du Changabang par une voie audacieuse, extrêmement difficile et engagée pour deux grimpeurs seulement. La face nord du Changabang est gravie en style alpin, d’autant plus dépouillé que la cordée a perdu une partie de ses broches à glace, obligeant le leader à grimper des longueurs de glace sans protection. Les sections centrales en glace moins raide mais dure, casse-mollets, sont franchies au moral. Le couple Payne-Clyma est bloqué au milieu de la face sous les spindrifts provoqués par des chutes de neige tous les après-midi, avant de décider de redescendre sans encombres. Alors que la cordée Murphy-Cave redescend du sommet, celle de Mick Fowler-Steve Sustad qui suivait, décalée, parvient sur l’arête sommitale, mais Sustad glisse et la cordée tombe versant sud avant de s’arrêter miraculeusement une cinquantaine de mètres plus bas. Ils renoncent au sommet et font équipe avec Murphy et Cave. Brendan Murphy, décordé, est en train d’équiper un rappel en haut de la face quand une avalanche le balaye, son corps ne sera jamais retrouvé. Le trio survivant ramène des images époustouflantes de langues de glace bleutée posés sur un granite clair très compact, et l’ascension est perçue comme futuriste. Fowler écrira un article titré « A touch too much » pour décrire cette expérience borderline qui les aura fait passer dix jours sur la montagne.