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Test Photo : 6 mois avec le Sony A7 III partie 2

Le Sony A7 III. ©Jocelyn Chavy.

Voici la suite de notre test terrain du Sony Alpha 7 troisième du nom. L’A7 III s’est imposé comme le boîtier actuel le plus complet, polyvalent en photo comme vidéo. Six mois de photos avec l’A7 III nous ont permis d’apprécier cet hybride pointu mais exigeant. Modes et zones autofocus, fonctions vidéo, et conclusion.

Prise de vues

Si l’A7II était pour moi une façon de réinventer ma façon de photographier, en revenant aussi vers des optiques manuelles, le Sony A7III m’a remis dans le chemin de l’efficacité – et de ce qu’il faut bien appeler la productivité. Et on le verra, produire des images avec cet appareil n’est pas si simple. Le Sony A7III délivre comme ses aînés des photos équilibrées, contrastées mais pas trop, et des cieux bleus enfin bleus (quand on vient de chez Nikon, ça compte), et une netteté de bon aloi, ce qui ne gâche rien. Le nouveau capteur CMOS a la bonne idée d’afficher toujours 24 Mp (6000 x 4000 p), ce qui après 7 ans de capteurs modernes (dont le D800 de 36 Mp circa 2012…) me fait affirmer sans sourciller que le capteur 24 Mp est vraiment la bonne taille ! Suffisant pour recadrer, suffisant pour imprimer, et suffisant pour tolérer, aussi, des objectifs (un peu) moins parfaits. Mais des fichiers moins gros, des cartes et des disques qui se remplissent (un peu) moins vite au milieu d’une vie numérique où tout concourt, année après année, à accumuler toujours plus de données. En reportage l’A7III est confortable, à condition de choisir et/ou de personnaliser l’affichage, qui peut devenir, y compris dans le viseur, envahissant. L’écran n’est tactile que pour le collimateur autofocus, et même comme cela, on peut se retrouver avec une boîtier déréglé rapidement, cette fois en raison de la touche Fn centrale bien sensible qui rend accessible les principaux paramètres de prise de vue (Iso, rafale… ou retardateur soudainement enclenché par erreur). Alors certes, tout le monde ne glisse pas un boîtier à 2300 euros dans sa Gore-tex entre deux photos, mais vous voilà prévenus. 

Nicholas Wolken, Autriche. ©Jocelyn Chavy. Focale : 35mm. 1/640ème de seconde, f/4,5. ISO : 100

Deux roues crantées permettent de régler ouverture et vitesse (ce qui est l’apanage des full frame chez Sony, puisque les APS-C n’ont qu’une seule roue). L’écran est orientable vers le haut (à 107°) et vers le bas (à 41°) ce qui est pratique dans certains cas. La connectique est complète avec une prise micro-HMDI (HDMI « D » à ne pas confondre avec le mini HDMI) qui permet de relier l’A7III à un écran externe (sur le boîtier, pour la vidéo), ou votre TV. Au chapitre agacements, on ajoutera la molette de correction d’exposition hélas impossible à bloquer (système existant chez Nikon entre autres) : celle-ci a tendance à tourner quand on porte l’A7III sous une veste – et il en résulte des images à un ou deux diaphs d’erreur. Côté rafale par contre on est servi. Décliné en plusieurs vitesses (Lo, Mid, Hi et Hi+) à choisir selon le type de sujet et de résultat envisagé, le mode rafale permet de shooter à une cadence impressionnante : 8,4 i/s en mode Hi (en gardant le sujet visible dans le viseur), voire 10 i/s en mode Hi+ (sans la vue « réelle »). Il bat sans coup férir des reflex au même tarif, et se permet aussi d’en rabattre aux petits nouveaux hybrides Nikon (5.5 i/s) et Canon (5 i/s) à la rafale anémique.

Sensibilité

De ce côté, l’A7III annonce une plage allant de 100 à 204800 iso… c’est surtout 3 diaphs (ou IL, indice de lumination) de plus que le prédécesseur A7II. Dans la réalité, des images shootées quand même à 2500 voire 3200 iso paraissent peu ou pas bruitées, du moins le bruit est traitable, et le lissage contenu jusqu’à 6400 iso. En outre, l’A7III, comme son prédécesseur, offre une stabilisation interne : cela permet de shooter stable à des vitesses comme le 1/10ème de seconde, voire moins en ultra grand angle (la vitesse possiblement basse dépendant aussi et bien sûr de la focale utilisée). Une bonne nouvelle pour ceux qui prennent des images en basse lumière, mais aussi ceux qui utilisent des optiques manuelles et non stabilisées, récentes ou anciennes. Dans mon parc optique j’utilise un Voigtlander Heliar 15mm Super Wide en monture Sony E, dont l’ouverture limitée à f4,5 est « rattrapée » par la stabilisation des A7II et A7III, permettant des vitesses plus basses qu’à l’accoutumée. Ou encore, quand j’utilise des antiquités aux résultats vintage et appréciables comme les Minolta Rokkor voire les Jupiter soviétiques avec bagues d’adaptation : la stab interne est aussi un vrai plus pour utiliser ces optiques exotiques… ou leurs « copies » chinoises en monture E qui ont inondé le marché ces deux dernières années (Kamlan, Meike, 7 Artisans, etc, souvent testées sur l’excellent site de Marc Alhadeff).

François Kern, running nocturne à la Bastille, Grenoble. ©Jocelyn Chavy. Focale : 50mm. 1/200ème de seconde, f/2,8. ISO : 6400 (!)

Modes Autofocus

Il faudrait une demi-bible pour décrire les différents modes Autofocus du Sony A7III. Manuel, AF-S, AF-Auto et AF-Continu, assorti à différentes possibilités de collimateurs AF. Si ce boîtier a fait parler de lui, c’est qu’à l’instar du flagship A9 il bénéficie de la dernière avancée de Sony en matière d’autofocus : l’Eye AF. Mais avant cela, voyons le reste. Même en mode Manuel, Sony propose des modes …pas tout à fait manuels. Ainsi le mode Manuel est quand même assisté : dans ce mode, en cherchant la mise au point on obtient un grossissement de la zone de netteté fort appréciable pour caler celle-ci. Un autre mode Manuel est encore plus précis : le Direct Manuel Focus (DMF), qui permet d’affiner le point une fois la mise au point faite. Passons au plat de résistance : les modes AF et leurs différentes zones. En mode AF-S (single shot ou ponctuel) l’appareil garde la mise au point jusqu’à ce qu’une nouvelle pression lui fasse choisir un autre sujet cible. En photo d’action, particulièrement en ski ou même trail, le mode AF-C (Continu) est préférable, car tant que vous appuyez sur le déclencheur, même à mi-course, l’appareil continue à rechercher le focus. Évidemment, dès que le sujet bouge beaucoup, il faut réajuster le cadrage… ou la zone dans laquelle les collimateurs AF travaillent. Et c’est là que ça se corse… ou pas. Sony a fait de sa maîtrise de l’AF l’un de ses arguments marketing avec l’Eye AF. Mais il y a déjà du boulot pour comprendre le reste, que ni les menus certes améliorés mais un peu abscons ni le mode d’emploi succinct ne permettent d’éclairer vraiment. Une fois lu cet article, il vous faudra se plonger dans les menus pour tester vraiment, ou en attendant votre A7III, vous en remettre aux milliards de tutoriaux sur Youtube, de qualité inégale.

Chez Sony, même le mode manuel… n’est pas forcément manuel.

Pour son système autofocus, Sony ajoute à la détection de contraste (utilisée sur les hybrides depuis leur invention) la corrélation de phase (traditionnellement implantée sur les reflex) qui vient épauler la première, histoire de booster des modes autofocus. Entre l’A7II et l’A7III, on est passé de 117 points de détection de phase à 693 points, et de 25 « carrés » de détection de contraste à 425 points, c’est dire si Sony a gonflé les capacités AF de son boîtier. Qu’en est-il dans les faits ? Et bien il s’agit de déterminer quelles zones AF  vous souhaitez utiliser.

Zones Autofocus

Maintenant, il s’agit de distinguer les modes AF et les zones AF. Toutes les zones ne sont pas accessibles en mode AF-S : il faut être en AF-C pour utiliser 100% des possibilités. La zone Large est un système AF dans lequel les collimateurs AF (693 donc sur l’A7III) travaillent de concert sans direction de votre part, c’est donc un mode très simple d’utilisation mais sans une large profondeur de champ le résultat sera lui aussi basiquement aléatoire. Sans parler de l’effet sapin de Noël dans le viseur. Si vous avez plusieurs sujets dans le viseur ce mode est inutilisable. Le système zone baptisée …Zone (qui est en fait la version affinée du mode Large) n’apporte pas grand-chose à mes yeux : des zones de « recherche » du focus sont choisies pour aider l’appareil à faire le focus. Dans la liste des zones autofocus vient ensuite le mode Centre : comme son nom l’indique il permet de faire le point sur le centre du cadre. Peut être utile dans une situation où votre sujet ne bouge pas (paysage lointain au zoom) ou se déplace à équidistance de vous-même, et où le centrer ne sera pas un problème (quitte à cropper ensuite). Et à titre personnel ? J’utilise le système zone appelé Flexible Spot, décliné lui-même en 3 tailles (Small, Medium, large). Il s’agit d’une mesure spot mais pour l’autofocus : un carré que l’on déplace grâce au joystick vanté en début d’article pour faire le point sur une zone bien particulière de l’image. Vraiment très utile, et contrairement à l’A7II, où cette fonction existait mais était dépendante de la roue codée, le Flexible Spot est facile à l’usage sur l’A7III avec le joystick. Curieusement, et c’est un regret, Sony a gardé une touche qui bloque l’exposition sur le point, la touche AEL (Auto Exposure Lock) mais pour l’AFL, Auto Focus Lock, il faut l’assigner à une touche personnalisable puisqu’il n’y a pas de touche dédiée. 

VOUS SUIVEZ TOUJOURS ? 

Je devine déjà de l’impatience chez certains lecteurs : oui, quelque soit le mode AF, la technologie made in Sony est quand même bluffante ; l’intelligence artificielle a fait des progrès fulgurants. En effet, non seulement la détection de visage (que l’on peut désactiver, particulièrement sur un mass-start de trail pour ne citer qu’un exemple) permet aux collimateurs de cadrer et suivre un visage dans la composition de l’image et d’y garder le point, mais il est désormais possible avec l’A7III d’affiner la mise au point avec le Eye AF, l’autofocus sur l’œil. Et comme souvent chez Sony, cette superbe innovation est relativement bien cachée : une fois le visage cadré et reconnu par l’intelligence artificielle, avec un appui à mi-course sur le déclencheur, il faut appuyer sur le bouton au centre de la roue codeuse pour déclencher une mise au point directement sur l’œil. Finie la MAP ratée (sur le nez ou l’oreille) qui gâche un portrait à grande ouverture (f<4) ! C’est une petite mais vraie révolution qui a fait de l’œil à tous les photographes non Sony. De facto, la reconnaissance de visage (dont dépend d’ailleurs l’Eye AF) peut être pénible à gérer dès qu’il y a un deuxième visage dans le champ. Mais avec l’Eye AF, la possibilité d’obtenir des regards nets en travaillant à f2 par exemple me plaît beaucoup. Avec même le choix de choisir œil droit ou œil gauche dans le Menu. Prochaine étape attendue dans les prochaines mises à jour Sony : l’Eye AF version continue, pour la vidéo. Nous allons y venir. Reste que les modes et zones AF Sony, avec leurs spécificités et leur complexité, nécessitent de creuser et de travailler pour en tirer la substantificque moelle : l’A7III est un gun qui fait transpirer le photographe avant même sa première photo. Même si ensuite le résultat est là.

Bivouac au coeur des Écrins en hiver, une belle aventure.
Focale : 15mm, limitée à f/4,5 ! Vitesse : 30 secondes. ISO 4000. ©Jocelyn Chavy

 

Optiques, etc

La vie du photographe n’est décidément pas simple. Si vous rencontrez un photographe heureux, c’est qu’il a gagné au loto. les autres jours, il est forcément déçu par ses images, la météo, ou ce fichu nouveau boîtier qui ferait passer le codage pour une activité parfaite pour les 6-8 ans. Pour autant la qualité des images est, on l’a dit, au rendez-vous. La réalité, c’est que « direct du boîtier », le Sony A7 III produit d’excellents résultats. Mais pour pouvoir en tirer le maximum, il va falloir plancher. Si vous bossez en manuel, ou en vidéo, vous bénéficierez des zebras (attention haute-lumière) et surtout du focus peaking, qui permet de souligner en couleur les zones nettes de l’image. Attention, avec une profondeur de champ réduite, l’erreur est vite possible. Avec l’A7II j’avais fini par acheter le zoom transtandard Sony Zeiss 24-70mm f:4, compact et aux résultats très satisfaisants. Depuis, le 50mm f:1.8 et le zoom 70-200mm f:4 ont rejoint le sac. Ce zoom est une optique qui donne vraiment son potentiel avec l’A7III réglé en mode rafale. Par contre le moteur poussif de l’AF du 50mm f:1.8 FE n’est pas agréable sur un boîtier si véloce. A contrario, l’ultra grand angle Sony 12-24mm f:4 me donne depuis quelque temps des images étonnantes, car sans déformation. Avec Canon et son 11-24mm, Sony est le seul manufacturier à produire un zoom si grand angle et pourtant « droit » (non fish eye), bien équilibré sur l’A7III. De manière générale, je suis parfois déçu par la mesure d’exposition, qui est souvent en-deçà de ce qu’il faudrait : cette tendance à la sous-exposition est sans doute liée à la production d’images sur neige, où il est bien connu qu’il faut surexposer pour retrouver les éléments non neigeux. 

Autoportrait à la Pierra Menta. L’A7III n’est pas tropicalisé, mais tient l’humidité !
Focale : 15mm (Voigtländer Super Wide Heliar 15mm f4.5). Ouverture : 8. Vitesse : 1/1250ème. Iso : 1000

Vidéo

Le Sony A7III est capable de filmer en 4K (3840 x 2160) en 25p seulement. Utile si vous pensez recadrage, mais consommateur d’énergie. Autant filmer en Full HD (1920p) en 100p pour pouvoir faire de beaux ralentis par exemple. À noter que tous les articles sur le Sony A7III parlant de ralentis à 120 images par seconde n’ont jamais mis le nez dans l’affaire, puisque ce mode n’est activable qu’en format NTSC. Or votre boîtier acheté en Europe fonctionne sous le format PAL, et même s’il est possible de le passer en NTSC la bascule n’est pas pratique du tout (il faut formater la carte pour se faire !). Bref, 100p c’est suffisant pour faire du beau ralenti. D’expérience, il est sage de filmer en manuel pour pouvoir ajuster le focus et le garder sans justement avoir de phénomène de back/front focus. Si vous voulez l’utiliser avec un écran externe de 5,7 pouces en HDMI, il faut d’ailleurs investir dans un câble micro HDMI (HDMI « D ») – HDMI, et de fait, si vous voulez garder une prise micro il faudra investir dans une cage. Enfin, l’utilisation avec une stabilisation externe (Ronin S et Moza Air) nécessite un équilibrage fin et un objectif pas trop imposant : en l’occurrence l’immersif quoique compact Voigtlander 15mm fonctionne bien. Le vrai problème en vidéo, et c’est probablement le seul véritable défaut du Sony A7III, c’est sa sensibilité aux poussières. Un problème pénible en photo, mais lourd en vidéo. Après quelques jours d’utilisation on en hérite rapidement suffisamment pour devoir passer à la case nettoyage. Et pas celle proposée par le boîtier, insuffisante : merci à l’ami Yannick qui à la Pierra Menta m’a nettoyé le capteur semé de minuscules gouttelettes d’eau séchées, grâce à son kit dédié. Un vrai regret quand on voit que le nouveau rival Canon R, non exempt de défauts, a lui un rideau protecteur du capteur : une idée simple mais efficace à laquelle Sony aurait dû vraiment penser.

Le bilan

Un tel concentré de technologies ne se laisse pas apprivoiser facilement. L’A7III est un excellent boîtier qui concentre à la fois un savoir-faire en photo à la pointe de ce qui existe avec l’Eye-AF, et des possibilités vraiment larges en vidéo. Comme je l’ai expliqué dans la première partie de ce Test Photo complet de l’A7 III, il reste des détails matériels agaçants (œilleton), et un viseur amélioré mais perfectible et forcément sciemment downsizé par rapport à ceux de la gamme supérieure. L’A7III bénéficie aussi d’une autonomie à la hauteur d’une telle machine. Mais si l’A7III est capable de sortir de belles images, il nécessite un vrai apprentissage si l’on veut sortir du mode automatique en ce qui concerne l’autofocus. Son autonomie et l’apparition du joystick (pour utiliser l’autofocus en Flexible Spot) sont également de grosses améliorations, qui font que l’A7III est plus un nouveau boîtier qui a hérité de certaines fonctions de ses aînés, plutôt qu’un successeur du plus modeste A7II. Ses images sont nettes et précises. Clairement, son positionnement tarifaire le maintient à la pointe face aux nouveaux hybrides lancés par Canon et Nikon, positionnés un peu en-dessous mais qui ne bénéficient ni des fonctions AF poussées de Sony, ni d’une gamme optique devenue conséquente chez Sony (il faut par exemple une bague pour adapter des optiques Nikon F sur le Z6). Le Sony A7III apparaît comme un outil capable de faire tout photo et vidéo, et plutôt mieux que les autres. Un boîtier pointu, exigeant, dont on découvre au fil du temps passé les très grandes possibilités.

Caractéristiques

Capteur CMOS Exmor R 24,2 Mpx
Photos 6000×4000 pixels

Vidéo : 4K XAVC S 3860 x 2160 (25p/100Mpx)

Stabilisation 5 axes – Monture E
Sensibilité 100 – 51200 Iso

Ecran Diag. 7.5 cm, 921600 points – Viseur électronique
Poids 650 g avec batterie

Prix : 2300 € environ (nu)

+

Polyvalence
Qualité des images
Ergonomie et autonomie en net progrès

Pas de rideau anti-poussière
Viseur encore perfectible