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Le sauvage et la performance : maitres-mots du festival des Diablerets 2023

Il est de certains festivals comme des bons vins : ils bonifient avec le temps. Du haut de ses 54 éditions, le Festival international du film alpin des Diablerets, en Suisse, en est un bon exemple. Avec 60 films au programme, d’une rare diversité, et au moins autant de personnalités du milieu de l’aventure présentes sur place, le « FIFAD » pour les intimes est un passage obligé pour les amateurs de cinéma de montagne. Et de fondue suisse évidemment.

Le Français de passage pourrait presque s’y méprendre. Le grand cirque rocheux qui se déploie juste au-dessus du petit village des Diablerets rappelle, presque, celui de Gavarnie dans les Pyrénées. La cascade du Dar s’y écoule sur près de 1500m de dénivelé depuis le Sex Rouge (2972m) puis rejoint les pâturages vert pomme des Diablerets. Les clichés se vérifient : ici, tout est soigné. Les pelouses ressemblent à des terrains de golf et les chalets aux petits rideaux de dentelle semblent tout droit sortis d’une image d’Epinal. Et au milieu de ce décor bucolique se dresse une immense tente bouillonnante, celle du Festival international du film alpin des Diablerets. Des effluves de fromage fondu en tous genres s’en échappent (malakoffs frits, fondues « moitié-moitié », sérac poëlés…). Mais ceux qui s’y pressent respirent plutôt l’aventure en montagne.

Carte postale suisse : la cascade du Dar. ©Ulysse Lefebvre

Un doyen des festivals

« On est le deuxième plus vieux festival de films de montagne après Trento en Italie » explique Benoit Aymon, directeur artistique du festival des Diablerets. Vous avez peut-être vu son nom au générique de pas mal d’épisodes de Passe-moi les jumelles, série documentaire très populaire sur la chaine suisse RTS, émission qu’il a d’ailleurs créée et animée pendant de nombreuses années. Autant dire qu’il sait de quoi il parle en termes de réalisation et de production. Alors quand on cause cinéma de montagne avec Benoit, mieux vaut s’assoir et prendre son temps, pour qu’il nous parle de ce 54e festival dont il s’occupe depuis 2019, avec Solveig Sautier à la direction opérationnelle. 

60 films
La liste est longue et variée

Cette année, 60 films étaient à l’affiche. Ski, alpinisme, escalade, spéléologie, vélo, photographie, portraits, cinéma d’animation, ciné-concert, docus animaliers : la liste est longue et variée. Pour le plus grand plaisir des 15 000 spectateurs de la semaine, et le très gros travail du jury, dont faisait partie cette année l’autrice Virginie Troussier : « Soixante films c’est énorme, mais c’est passionnant de partager ce travail avec les autres membres du jury, tous très pointus dans le domaine du cinéma » explique t-elle entre deux projections (NDLR : Antoine Jaccoud, Véronica Duport Deliz, Stéphane Goël, Emmanuelle Nobécourt, les quatre autres membres du jury, sont tous monteurs ou réalisateurs.)

Le jury de la 54e édition du festival des Diablerets. ©FIFAD

Cette année, c’est Hamid Sardar-Afkhami qui décroche le Grand Prix du Festival avec Mongolie, la vallée des ours. Comme à son habitude (souvenez-vous du Cavalier Mongol), le réalisateur iranien livre 52mn d’images splendides illustrant une histoire et une réalisation aux frontières du documentaire et de la fiction.

Parmi les autres films primés, on peut noter le Diable d’or pour On a marché sous la terre avec un Cédric Lachat spéléologue, pour le prix « Exploration et aventure » ou encore Nuptse, l’inaccessible absolu primé dans la catégorie Vertical.

Mongolie, la vallée des ours. ©Sardar

La montagne incarnée

Spécificité du festival des Diablerets : le prix du « mérite alpin » qui honore les personnalités du monde de la montagne ayant marqué leur discipline. Cette année, le festival l’a decerné à deux alpinistes pour le moins opposés, à moins qu’ils ne soient complémentaires : Sophie Lavaud et Dani Arnold. Les deux alpinistes suisses sont montés sur scène lors d’une cérémonie officielle afin de recevoir ce prix. Ou comment réunir sur une même scène la détentrice des 14 sommets de 8000m gravis en 11 ans, avec celui qui gravit la face nord des Drus en 1h34. En d’autres lieux, l’idée même de coexistence entre ces deux pratiques fait grincer les dents les plus conservatrices. Ici, rien de plus normal. Vous avez dit ouverture d’esprit et écléctisme ? 

 

Dani Arnold et Sophie Lavaud reçoivent le prix du Mérite alpin aux Diablerets 2023. ©FIFAD

On ne le répetera jamais assez : les festivals, Diablerets en tête, sont l’occasion de réunir la très large famille de la montagne, dans toutes ses disciplines, sous toutes ses formes. On y voit aussi bien Benjamin Védrines discuter avec Sophie Lavaud (de leur Nanga Parbat respectifs ?), que Hélias Millerioux livrer les derniers potins du milieu à un journaliste attentif mais qui n’en fera pourtant rien. Cédric Gras y confie ses dernières impressions sur l’Ukraine entre deux dédicaces de ses Alpinistes de Mao tandis que François Damilano et le physicien-philosophe Etienne Klein tentent de se mettre d’accord sur leur prochaine expérience de psychisme ascensionnel

ic ça projette :
des films sur écran
ou des idées pour l’avenir

Dans la salle de projection ou sous la grande tente du festival des Diablerets, on est bien loin du pince-fesse convenu. C’est plutôt un grand repas de famille où l’on parle haut et fort. Ça cause, ça dit les choses, ça s’emballe et parfois ça s’engueule. Mais surtout ça projette : des films sur écran ou des idées pour l’avenir. Qui sait combien d’idées d’ascensions ou de films sont nés pendant des festivals justement ? Qui sait ce que deviendront les ados adeptes des reels sur Tiktok et qui ont eu la chance de recevoir les bons conseils du chevronné Pierre-Antoine Hiroz durant leur stage vidéo ? Qui sait combien de spectateurs trouveront dans l’un des films une bonne raison de suivre le chemin d’une aventure ? Une partie de la réponse sera à retrouver très probablement lors de la prochaine édition, 55e du nom. Nous y serons !