Un permis de chasse pour randonneurs !

Oh mais je suis pas anti-chasse ! J’ai même un ami chasseur ! 
Bon, c’est vrai qu’il est un peu tristounet en ce moment le pauvre. Il ne se reconnait plus ni dans les discours des chasseurs, ni dans ceux des anti-chasse. Un petit trouble existentiel passager ? 

Pas tant. Ça dure au moins depuis que Willy Schraen, président de la Fédération nationale de chasse (FNC), a mis un coup de pied dans la fourmilière en déclarant en 2021 avec beaucoup d’honnêteté (et sans langue de bois, c’est le moins qu’on puisse dire) : « Moi, mon métier, c’est pas chasseur, j’en ai rien à foutre de réguler. »

Pas très green pour ceux qui se disent « premiers écologistes de France ». Alors mon pote franc-tireur se sent un peu mal. Il aimerait montrer la bonne foi du chasseur, sa profonde conscience écologiste. Mais ses représentants ont tout fait foirer. 

Pire : lui qui est très chanson française, il ne peut même plus s’écouter un petit classique de Véronique. Les chasseurs se sont même mis à dos Sanson, très remontée dans une récente pétition anti-chasse à courre.
« Rien que de l’eau, de l’eau de pluie, de l’eau de là-haut… »  disait Véro. C’est justement ce qui a été présenté ce matin même* dans le plan chasse du gouvernement, avec l’instauration d’un délit et d’une contravention pour « pratique de la chasse sous l’emprise de l’alcool et de stupéfiants » (oui, c’était encore possible sans problème jusqu’à présent)… Tout fout l’camp poto. 

Alors il continue à se sentir isolé mon ami chasseur. Je lui remonte le moral en lui disant que son lobby reste très puissant, que les chasseurs ont toujours des oreilles très attentives sous les ors de l’Elysée ou du Parlement. La preuve, il continuera à chasser tranquillement le dimanche (toujours selon le plan du gouvernement dévoilé ce matin), étant donné que le jour sans chasse n’a pas été adopté.
Il espérait tellement se rabibocher avec les amateurs de nature sans fusil et partager l’espace dans le temps. Le voilà à nouveau stigmatisé. Complexe de privilégié ? 

Et lui de continuer à se promener avec son fusil dans une coexistence bancale et inégale. Alors ça lui pèse cette situation. Surmenage. Burn-out. Il a en plein la cartouche.

Soudain, dans un élan d’universalisme, magnanime et plein d’empathie, l’ami-chasseur me propose une idée : et si les randonneurs passaient leur permis de chasse ? Ils pourraient se sentir mieux en forêt les dimanches ? Mieux armés contre les risques de la chasse ? Après tout, mieux vaut être du côté du chasseur que du gibier non ?

Dès lors, finies les étiquettes, les gens dans des cases et les stéréotypes ! Bienvenue au randonneur-chasseur, au vététiste avec porte-fusil sur le guidon, au traileur-sniper, au cavalier-cow-boy ! Que de perspectives pour brouiller les clichés ! Les fabricants de matériel rivaliseront d’ingéniosité pour faciliter ces nouvelles pratiques hybrides ! Et pourquoi pas bientôt la chasse électrique ? Le biathlon trail-prélèvement ? L’affût d’orientation ? L’utra-battue ? Le challenge Strava « 30 jours / 30 sangliers » !

Le pote chasseur retrouve le sourire. Pour ma part je reste incrédule. Une dernière info concernant le plan chasse vient de tomber : bientôt, le fichier des personnes interdites de détention d’armes sera croisé avec celui des fédérations de chasse. Ce qui signifie que jusqu’à présent, il ne l’est pas.
Vive la République. Vive la France.

* Le gouvernement par la voix de la secrétaire d’Etat à l’écologie, Bérangère Couillard, a annoncé ce lundi 9 janvier 2023 son plan chasse, concernant notamment le très attendu mais non retenu « jour sans chasse ». Ce plan sera voté par le Sénat à la mi-2023.