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Matterhorn Ultraks : divin Cervin

Trail au pays du Toblerone

Matterhorn Ultraks ©Alexis Berg

Le Mattherhorn Ultraks, c’est courir au pays du Cervin. La pyramide est partout, affiché sur les boîtes de chocolat et planqué dans tous les angles du paysage, ce qui fait de ce trail une course à part. Le roi Cervin est le maître des horloges, qui égrène heures et glaciers au rythme des pas. Récit in vivo par notre trailer maison, et en images, d’une épreuve déjà mythique.

L

a carte postale m’a toujours fait rêver. Recto ET verso. Côté pile, la Course du Cervin, 30 ans d’existence en 2012. Côté face, les Forsberg/Jornet qui trottent sur fond de Matterhorn – façon skyrunning et record. Matterhorn Ultraks, née en 2013 et fille bien née de la légendaire trentenaire. Zermatt, Valais, Suisse, centre du Monde-du-24-aout.
Il était donc question de Suisse, d’Alpes et de trail. Six ans que je visais une course de rêve, un paradis pour skyrunner. Le menu ? Divin pour l’œil, explosif pour les jarrets. Formule 3 plats, fromage et dessert, cigare et livre d’or : MATTERHORN. D’ailleurs, il faudrait inventer une classification à part. « Courses Spectacles » ou « Compéts Calendriers PTT ». Glaciers, altitude, minéral et un Cervin qui sourit de géométrie. Chocolat Toblerone pour grands enfants en shorts, ou randonneurs worldwide en gros souliers Meindl.
Euphorie courant juillet, lorsque le dossard jaillit dans une boite aux lettres. Fuite de joie à travers le scaphandre. Et évidence de l’amoureux des cimes, qui ressusciterait le skyrunner blasé. Autant dire : le bonheur se shake avec l’envie, et l’impatience atteint un seuil lactique. Zermatt, sehr wunderbar, azimut.

Saint Tropez est Suisse, discrète et trail : Zermatt.

©David Carlier

©Alexis Berg

©David Carlier

Les Alpes en cinémascope. 2700 traileurs en sont convaincus.

Expérience aux manettes, Sponsor rôdé au D+

Thierry Gasser est Guide de Haute Montagne. Michel Hodara et Michel Bonnefous maitrisent l’extrême, version embruns. Simon Anthamatten est skieur-alpi et guide, et membre d’une fratrie-légende*. Rien que ça pour constituer un comité de pilotes capés, lançant un Matterhorn Ultraks en 2013 placé sous le zodiaque montagne. Mais qui de montagnard pour patronner la course ? Scott Running connait la chose au quotidien, et un certain Martin G. en particulier. Le Team Scott truste les podiums UTWT depuis plus de 4 saisons, et les noirs et jaunes frappent sur n’importe quel format. Bref, on sait de quoi on parle. Mais à une différence près : Saint Patron de l’évènement ou quidam, espoir ou V2, c’est l’envie qui transpire à J-2. Purisme capable de réunir la foule trail ?
Pur dans l’idée, dont acte. 5 parcours en du D+ et panoramas : Vertical (2.3K/650+), Active (19K/1150+), Mountain (32K/2000+), Sky (49K/3700+), et un tout nouvel Extrême en 2019 (24K/2800+) ou…25% du parcours à +3000m. La messe est dite : vous veniez chercher une Alpe, vous recevez des Alpes. Et les traces parlent d’elles-mêmes. Zermatt et Matterhorn, ça cause skyrunning et pas ultra. Montée brulante, points de vue à sécher le plexus, redescentes à bloc. Et en bonus, du chemin fait pour battre les records. Ô descendeur terrifié, rassure-toi : sur la trace herbeuse et ocre de Schwarzsee, appuyer de tout ton saoul tu pourras. Surprise de taille, là où l’on aurait craint des marches hautes comme des guéridons. On est dans les Alpes non ? Oui, et en cinémascope. 2700 coureurs en sont convaincus.

©David Carlier

©Alexis Berg

Panorama et poésie : clichés et vérités

Vous avez bien lu. Clichés qui débarquent un beau matin. Le choc se fait sans prévenir, un 24 aout à Zermatt. Et c’est une valse viennoise pour le bizut de service – le bleu, le touriste trailer, c’est moi. 6:30 AM et je suis un tube cathodique. Technicolor ET sépia, Super8 ET 24×36, le lexique je m’en balance, pendant que l’on me bombarde d’électrons clichetons.

Gastronomiques. Toponymiques. Topographiques, colorimétriques. Culture et préjugés, nature et révélations : j’ai une Suisse et un Cervin en live, et je comprends mon passif. Milka, Kinder, Victorinox et du fromage – non. Culottes de peau, chapeau de feutre, croix rouge chants tradis – non. Sunrise, le Matterhorn salue la foule, et moi je nageais dans l’erreur. Trop de télé, de 80’s et de mauvaise pub. Alors la magie opère : les sommets connus et les bleds chantants me surgissent dans l’œil en reliefs qu’ils sont. Il y avait la carte et je viens de plonger dans le territoire. Ces Sunnegga ou Riffelalp se font désormais courbes ; et je les cours et les retrotte. Ne retenir qu’une sensation ? C’est un parcours Sky 49K qui nous projette direct à +1600m d’écart – Willkommen im Gornergrat, 3135 m. Ma Suisse de chocolat fait pschitt, à l’instant où je réalise l’avoir construite. Les chalets sont bien là, les alpages verts comme le train rouge. Le décorum est bien celui de mon almanach 1986, mais il explose de vérité autre.

Sunnegga, Gornergrat, Furi, Stafelalp, Trift, le diagnostic est clair : je viens de virer local et crise d’adolescence médiatique. Alors je gobe à plein. Ce sera une splendide oscillation entre 2000 et 3200 m, et ça se dit « Matterhorn Ultraks ».

©David Carlier

Voyeurisme 5 étoiles au Cervin

Et une pente école pour s’envoler vers les sommets tout près. Il y a ce Gornergrat ou Schwarzsee, qui cueillent le trailer oisif ou posent le compétiteur hargneux. Enzo Ferrari vient du Chili, pour 3 semaines de Zermatt/UTMB/Alpes. Et trépigne à l’arrivée « bon dieu, mais pourquoi on ne peut pas s’arrêter un peu plus longtemps ?! Vanité des vanités, tout n’est que… compétition désirée ». Ou faire 12000 km et tomber en pamoison tantrique. Tel est notre lot, bienheureux et coureurs en ce samedi 24 aout : frustrés volontaires et amoureux transis des glaciers. Tel un stop&start intempestif qu’on débrancherait si on le pouvait, mais derrière, ça pousse et le niveau explose. Alors on part vite, et il ne faut que 4K pour découvrir ce qui sera le cadre intégral des 6 prochaines heures. Cimes et horizons dentelés. Point barre. Grimper et accrocher cette crête qui mène au Gorner. Nous étions venus pour le défi, pour un parcours unique en Europe ou les 2 ? Même issue, la chute est inévitable en déboulant à 3135 m : génuflexion. À main gauche, un océan glacé et des bosses. Mont Rose, Breithorn, Cima di Jazzi. Puis en face et qui nous mirera tout du long, la géométrie alpine dans sa plus belle expression. Petit Larousse de géologie et abécédaire de photogénie. Cervin, alias le Matterhorn. Souffle coupé, beauté pure, et 2 jolies faces à dévoiler aux coureurs.

Le Cervin en ligne de mire ©David Carlier

Relief à perf ? Encéphalogramme énervé et allures folles

Que l’on soit KV, 30K ou autre, ce Matterhorn Ultraks s’affirme donc clairement comme un phare du skyrunning. Après le cours de géologie, la relecture de la géographique Valaisanne, voici qu’une course se fait remember de physique-chimie. Souvenez-vous, l’oscilloscope de classe de 1ère. Prenez la trace du Mountain, du Sky ou de l’Extrême, et observez le trait. Vous ne rêvez pas, c’est bien une bosse de 1500+ et la dégringolade qui suit. Confirmation, vous monterez bien tout en haut, pour lâcher les chevaux vers tout en bas. Et voilà que je retombe au lycée, face à des profils de course comme des ECG arythmiques – furieusement positifs.
Alors ils s’en donnent à cœur joie, pour un jour ou plusieurs : les Suisses imposent leur force et leur esprit alpestre, dans un carnaval de scores. Femmes ou hommes, les podiums ou Top 3 de cette édition 19 fleurissent de noms helvètes, et le speaker s’étouffe. Mathys, Anthamatten, Fux, Steindl, Kreuzer, Yerly, Dalcolmo, Walle, Pillet, Dufaux… mais de belles fusées étrangères à la Gerardi, Kemissa, Ait Malek, Antionoli ou Aström, qui impriment une Zermatt au grand soleil.

©Alexis Berg

©Alexis Berg

© David Carlier

Un évènement carrefour

La finish line a cédé la place aux Awards, et la minuterie continue de dérouler sa précision. Réglé et clair, on oserait dire millimétré. Entre deux bravos, on cause et l’on découvre des motivations secrètes. Japonais, Catalan ou Polonais, cette Matterhorn est le dernier check-up avant un ultra de fin aout. Gonflage ultime des quadris ou petit weekend d’intensif, entre un KV et un 30K. On joint le plaisir pur au training calculé et à pas mal de superstition de coureur. « J’aurais été 3 jours en altitude, que du bon pour ma Diag d’octobre ». Certes, c’est une optique. « J’aurais fait de l’intensif sur 40K, excellent pour mon UTMB ». Si tu le dis.
Puis on discute d’un peu plus près, et Jacques, Mauro ou Hans se confient. Didier y va de son mot idem – 52 ans et qui allumait comme un bachelier au K46. Tiens, c’est la 12e coureuse à nous le répéter. Tous Master 1 et 2, et un top 12 du 49K qui comprend 5 coureurs de +40 ans : une moyenne d’âge qui parle expérience, et à coup sûr, amour de la montagne. Et la sentence revient : « Le Scott Matterhorn ? déjà tu en rêves pendant quelques années. Obligatoire lorsque tu en vois les clichés, tu te dis que ça n’existe nulle part ailleurs. Puis te le poses comme l’objectif d’une saison. Nous sommes là pour ça. Et pour finir, tu doubles-craques : tu reviens l’année d’après. Et tu cours 2, voire 3 courses du weekend ». Je ne sais pas vous, mais moi…

« *Martin, Simon et Samuel Anthamatten sont skieurs-alpinistes, guides et grosso modo : champions réguliers du D+ très froid ou montagnard. Martin a notamment remporté 2 fois le Matterhorn Ultraks Sky (49K – 2015 & 2018), et s’impose en 2019 sur le Vertical…tout en finissant 4e de l’Extrême. + d’infos : Matterhorn Ultraks – Rendez vous en 2020 : les 21 et 22 août 2020 – http://matterhorn.ultraks.ch/fr/

Toblerone again. ©David Carlier – Ultraks