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Jeux d’hiver, jeux d’hier ou de demain ?

C‘est fou, ce manque d’enthousiasme. Les gens sont des rageux, des peine-à-jouir ! Les Jeux Olympiques d’hiver en 2030 dans les Alpes ? La belle affaire ! Mais c’en est une, Mesdames et Messieurs. Vu des Alpes, du bon et bel argent qui va forcément ruisseler, guidé par la main d’Adam Smith et la volonté de nos deux présidents de région, Renaud Muselier (Provence-Alpes-Côte-d’Azur), et Laurent Wauquiez (Auvergne-Rhône-Alpes), lui qui en un temps pas si lointain avait laissé les clefs de son hôtel de région au syndicat des remontées mécaniques. C’est dire s’il s’y connaît !

On ne peut pas se plaindre que les rois du pétrole organisent des compétitions d’escalade internationale, et des Jeux Asiatiques d’hiver (en 2029) en plein désert arabique, et ne pas vouloir que les JO d’hiver, dont les premiers ont quand même eu lieu à Chamonix, ne se déroulent pas dans les Alpes, chez nous !

Jamais contents, les gens. Prenez Jean-Claude Killy, le vainqueur des petits événements de 1968, il ne comprend pas pourquoi les JO ne s’arrêteront pas à Val d’Isère, sa station fétiche, contrairement à ce que la candidature française avait prévu. « Pour des raisons de regroupement d’épreuves » dit le CIO, qui veut mettre tout le ski alpin à Courchevel. Prenez Jean-Pierre Barbier, président du département de l’Isère, qui se plaint qu’aucune ville ou station de l’Isère ne soit retenue par la candidature bâtie par le duo Wauquiez-Muselier (1). Le CIO est nul en géographie, mais nos deux grands présidents auraient pu lui dire que l’Isère était au milieu des Alpes, tout de même.

Si vous croyez que ce sont les habitants ou les élus des villes concernés, alors la Suisse ou la Suède seraient toujours dans la course. Les Suisses ont conditionné leur participation au projet olympique à une votation – un référendum, ce qui a donné des boutons au CIO. Exit la Suisse (2), qui candidate sans succès… depuis 1948. Il n’y a qu’en France qu’on se réjouit de gagner une candidature à laquelle d’autres pays ont posé des conditions, qui leur vaut d’en être exclu. D’être seul sur un podium, certains trouveraient ça suspect, mais nous on est content.

Illustration du tweet d’Emmanuel Macron sur X. La neige garantie en 2030 au sommet du mont Blanc, ouf.

Sur le parvis de la gare de Grenoble, la semaine dernière. ©JC

Alors oui, les JO c’est joli, c’est spectaculaire. On supporte l’équipe de France, on rêve devant la technicité de Clément Noël (médaille d’or en slalom à Pékin) ou la créativité de Tess Ledeux (médaille d’argent en big air). On préfère voir un skieur de descente à Bellevarde ou à Kitzbühel qu’un sauteur à skis dans la banlieue industrielle de Pékin.

Mais faut-il préférer être sourd plutôt que d’entendre M. la Ministre dire « ce ne sont pas les JO d’hiver qui vont aggraver [les problèmes climatiques], au contraire ils peuvent nous aider à innover et à mieux traiter ces enjeux à l’avenir » (sic). On dirait du George Orwell (1984), au premier degré. Ne faut-il pas regretter cette forme de verticalité dans l’excercice du pouvoir dans le pays, qui fait qu’une fois encore, des élus s’emparent d’un totem qui engage les finances publiques sans l’avoir inclus dans leur programme, et sans le soumettre au débat public ?

Tout porte à croire que les JO vont entrenir le modèle économique actuel en montagne, le veau d’or de l’hiver, et ses mamelles que sont la construction de nouveaux lits (froids) et la production de neige artificielle. (3)

Allez, les jeux sont faits. Les JO, c’est beau. Mais fallait-il vraiment aller jusqu’à Nice pour trouver de la glace et patiner ?

Notes

(1) Selon le président du département JP Barbier, « l’Isère a encore ses chances », et « peut encore jouer sa partie, forte de ses montagnes et de ses infrastructures » (lire le communiqué).

(2) Selon le journal suisse Le Temps, « le CIO lui offre les JO de 2038 si elle lève les doutes sur les risques de référendum d’ici à fin 2027. »

(3) À écouter, les remarques de Valérie Paumier de Résilience Montagne sur France Inter. À lire, le champion olympique Franck Piccard, sur Lyon Capitale, qui se dit plutôt heureux des JO mais prévient  : « Je ne veux pas que l’on grignote plus notre montagne qu’elle ne l’est aujourd’hui », ajoutant que les JO peuvent profiter au développement des territoires de montagne sous condition : « sans faire de lits nouveaux, sans recréer du domaine skiable et sans puiser dans les ressources pour fabriquer de la neige artificielle »