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Fabian Buhl, le mister combo des montagnes

Athlète Deuter

Dans le monde de l’alpinisme moderne, les combos grimpe et parapente ouvrent de nouvelles perspectives. Le jeune alpiniste allemand Fabian Buhl en est l’un des plus talentueux représentants, que ce soit dans les Alpes, en Himalaya ou en Patagonie. Il a aussi la particularité de ne pas vouloir réduire la montagne à une belle image façon Instagram. Rencontre avec un alpiniste volant clair-voyant.

On a réussi a intercepter le furtif Fabian Buhl entre deux entraînements, quelque part dans les Hautes-Alpes. Le jeune alpiniste allemand s’est pris d’amour pour les Ecrins et s’est même installé quelque part « dans le sud de la France ». Là-bas, il alterne séances de dénivelés intenses et ascensions plus techniques avec son copain Jonathan Joly, local de l’étape et adepte lui aussi des combos grimpe et parapente.
Mais Fabian tient aussi à rappeler que la montagne n’est pas une carte postale uniquement remplie de beaux paysages et de gens souriants. Ce début d’hiver le lui a durement rappelé.

Entraînement et volume au glacier Blanc, dans les Ecrins. ©Stefan Schlumpf/deuter

Alpine Mag : Comment s’est passé ton hiver Fabian ? 

Fabian Buhl : L’hiver a très mal commencé, avec l’accident d’un ami très cher et partenaire de combo Lorris Buniol. J’ai encore du mal à me remettre de ce coup du sort [NDLR : Lorris Buniol est décédé dans une avalanche en Ubaye. Il était originaire des Hautes-Alpes.)
Après ça, je suis allé au Chili pour voler. Je ne voulais plus voir de neige et je voulais juste être entouré d’amis.

C’est un hiver
que je ne suis pas près d’oublier

Alpine Mag : Tu as quand même fini par revenir dans les Alpes, dans les Hautes-Alpes plus précisément.

Fabian Buhl : Oui je me suis motivé pour un entraînement cardio. J’ai donc passé de longues et épuisantes journées à faire des randonnées à ski et beaucoup de dénivelé dans les Hautes Alpes. Ces longues journées m’ont occupé et je n’ai pas beaucoup réfléchi, ce qui m’a permis d’anticiper les projets que j’avais prévus pour l’hiver.

Ensuite le temps s’est réchauffé et avec Jonathan Joly, nous avons pu réaliser des combos parapente/escalade de glace autour de ma nouvelle maison dans le sud de la France. Malheureusement, au moment où je commençais à me sentir à nouveau en forme en escalade et en cardio, et que j’avais retrouvé la motivation, je me suis gravement blessé au genou en skiant.

Je suis donc de retour en Allemagne, où je dois suivre le long chemin de la guérison. C’est peut-être une bonne chose, car cela m’aide à digérer cet hiver triste et tragique. Un hiver que je ne suis pas près d’oublier.

©Stefan Schlumpf/deuter

Alpine Mag : On te voit évoluer un peu partout dans le monde, des Alpes à la Patagonie, mais une destination semble te tenir particulièrement à coeur : c’est le Pakistan. 

Fabian Buhl : Je vois un énorme potentiel dans des montagnes comme le Karakorum, et c’est ce qui me motive le plus en ce moment.
L’été dernier, nous avons pu réaliser une première ascension très belle avec Will Sim au Pakistan. Nous avons volé jusqu’au pied de la Gulmit Tower [NDLR : 5810m, dans la région de Hunza, à l’ouest du Karakoram] et nous y avons passé la nuit. Le lendemain nous avons fait la première ascension par une voie mixte, et le soir nous sommes rentrés en ville en volant.

Faire des sommets techniques dans ce style, c’est un grand plaisir et moins de pression que de rester dans un camp de base. En plus, tu sépares bien l’escalade et le vol et la partie escalade se fait de la même manière que si tu étais sur place.
Ce style ne convient pas à toutes les montagnes ni à tous les itinéraires. Là où ça a du sens, je pense que c’est l’une des façons les plus cool de se déplacer en montagne.

C’est l’une des façons les plus cool
de se déplacer en montagne

Tu penses à des sommets que l’on pourrait imaginer gravir à la journée ?

FB : La question est de savoir si tu veux atterrir quelque part en altitude et marcher jusqu’au sommet. Dans ce cas, le potentiel est inifini. Mais je préfère voler jusqu’au sommet, atterrir au pied et ensuite escalader une vraie montagne dans un style technique. En gros, tous les sommets qui ne sont pas à plus de 100 km du dernier village où tu séjournes peuvent être atteints en volant, et faire l’objet d’une ascension.

Pour être réaliste, il doit s’agir d’une voie qui peut être gravie en style alpin et avec peu de matériel. Et plus le village est proche, mieux c’est. Ainsi, tout ce qui se trouve autour de Karimabad, par exemple, conviendrait très bien. La Gulmit Tower est un très bon exemple, car l’approche du côté de Karimabad est très longue et dangereuse. Avec le parapente, on a pu voler jusqu’au pied de la montagne en une heure environ.

©Stefan Schlumpf/deuter

Le Français Antoine Girard s’est spécialisé dans ces approches en parapente en Himalaya et dans le Karakoram. Tu as partagé son expérience sur ce terrain ?

FB : Oui, en 2021 j’ai eu l’occasion de rejoindre Alexandre Jofresa, Sébastian Brugalla, Julien Dussere, François Ragolski, Guillaume Omont et Antoine Girard au Pakistan. Nous avons passé les quatre premières semaines à faire des combos de ski et quelques combos alpins, puis nous sommes allés voler sur le glacier du Baltoro. Je n’étais pas encore un assez bon pilote, mais ce voyage m’a ouvert l’esprit. J’ai soudain découvert toutes ces idées incroyables sur ce qu’il était possible de faire. Il me fallait juste devenir meilleur pilote.
Les combos qui ont été réalisés sont très faciles. En gros : atterrir et marcher jusqu’au sommet d’une montagne. Mais je suis avant tout un grimpeur, donc je souhaitais vraiment utiliser le parapente comme un hélicoptère et ensuite grimper quelque chose de technique.

©Stefan Schlumpf/deuter

As-tu trouvé ces objectifs techniques dont tu rêves ? 

FB : J’ai des projets pour cet été avec Antoine et Will, mais il faut voir ce que donne mon genou, car je me suis blessé en skiant en début de saison. Il faut que je me soigne.
J’ai aussi parlé brièvement avec Sam Anthamatten, car il semble aimer beaucoup les combos à ski aussi ! J’aime voir de plus en plus de gens se mettre au parapente et réaliser le potentiel qu’il offre pour l’alpinisme ou le ski.

©Stefan Schlumpf/deuter

Plus personnellement, on peut dire que tu entretiens une relation « prudente » avec les réseaux sociaux, que tu as bien expliquée dans une vidéo intitulée Se déconnecter pour se reconnecter. Peux-tu nous expliquer ta vision en quelques mots ?

FB : Les réseaux sociaux évoluent trop rapidement. La qualité n’a plus d’importance. Ce qui compte, c’est le battage médiatique ou la force avec laquelle on crie. Notre sport ne se résume pas à des likes. Les réseaux sociaux ne font que montrer le bon côté de la vie.

Mais je dois le faire et y être présent alors je le fais, mais à ma façon. Pour l’instant, je n’ai pas eu besoin de pousser les choses d’une manière qui ne me convient pas. Je compte surtout sur les films et les images de bonne qualité car ils resteront plus longtemps.

l’alpinisme ça ne peut pas toujours être reluisant et agréable

Selon toi, est-ce que cet essor de la communication est quelque chose de nouveau dans le mileu de la montagne ?

FB : Non, la plupart des alpinistes ou grimpeurs ont écrit des compte-rendus ou réalisé des films sur leurs exploits depuis toujours. Mais ils ont toujours pris le temps de réfléchir à ce qu’ils voulaient dire. Aujourd’hui, tout doit se faire en direct, rapidement et de la manière la plus agréable possible. Mais l’alpinisme ça ne peut pas toujours être reluisant et agréable.

©Stefan Schlumpf/deuter

Nous avons remodelé la série des sacs Deuter Guide

Ton sponsor pour les sacs à dos, la marque deuter, fête cette année les 25 ans de son sac emblématique : le Guide. Ce modèle a évolué et accompagné au moins deux générations d’alpinistes. Tu te souviens de ton premier sac à dos ? 

FB : Je travaille avec deuter depuis longtemps. A l’époque où j’ai commencé l’escalade, mes parents m’ont offert un vieux sac à dos Guide. Je l’ai toujours dans la cave. J’aime vraiment avoir des collaborations à long terme avec mes partenaires. Avec deuter, les choses ont évolué. Au début, je n’étais pas un athlète, je ne faisais que donner des recommandations pour la ligne Gravity et nous nous sommes rendus compte que les deux parties en profitaient. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à être sponsorisé.

Depuis, nous travaillons ensemble sur de nombreux projets très intéressants. Nous avons remodelé la série Guide, fabriqué des sacs à dos de course alpine comme le Vertrail et un sac à dos pour les combos. Nous avons également travaillé sur des prototypes de sacs de couchage très prometteurs qui, je l’espère, seront bientôt réalisés.

Le premier modèle de la gamme deuter Guide, en 1998.

Le modèle deuter Guide 2023, qui prolonge 25 ans d’histoire.

La proximité de la marque et ses engagements semblent également compter pour toi ? 

FB : deuter est une marque allemande avec une longue histoire et sa qualité est reconnue depuis longtemps. L’éthique et les conditions de travail dans l’usine sont également très élevées, ce que j’apprécie beaucoup et je pense qu’il devrait en être ainsi partout. Nous produisons du matériel pour nos loisirs, nous ne devrions donc pas le produire de manière contraire à l’éthique ou exploiter les gens, juste pour le rendre moins cher. deuter propose d’ailleurs un service de réparation à vie.

Un parapente rentre-t-il dans un deuter Guide ? Et est-ce qu’un deuter Guide peut voler sous un parapente ?!

FB : Bien sûr, les parapentes sont très petits de nos jours. Dans la Guide je peux même mettre mon aile combo. Les plus petits parapentes peuvent être mis dans un sac à dos de trail running de 7l. Ce qui laisse de la place !