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Ski d’enfer aux Saints Pères !

Veste Synth'x Millet

La première sortie à skis est toujours un moment délicat en début de saison. Entre l’impatience qui peut coûter cher (aux skis) et le bon flair qui peut vous rassasier d’emblée (en sensations), il faut savoir doser et surtout, bien cibler les lieux de la tentative précoce. Ce jour là aux Saint Pères, en Vanoise, ce n’était pas bon pour un début de saison. C’était juste l’une des meilleures sorties de ces dernières années. Retour sur cette première de l’hiver, sourire aux lèvres et poudreuse jusqu’aux oreilles.  

Chaque début de saison, c’est la même chanson. Le temps passé sur les sites météo devient indécent. Préférence clairement donnée aux nivo-optimistes. C’est que les skis cailloux c’est bien, mais avec un peu de glisse quand même. Alors on sonde les copains : 20cm dans le Beaufortain selon Pinpin, 40 dans le Mont-Blanc selon Fanfan et seulement 10 en Vercors selon Totor. Pas folichon tout ça. À défaut de changer de potos, l’idée nous est venue de changer de massif. Vanoise. Val Tho. Vamos.

Vanoise.
Val Tho.
Vamos.

Les skis cailloux c’est bien,
mais faut que ça glisse quand même !

© Ulysse Lefebvre pour Millet / Expé

Couloir, espoir

En cette fin novembre, outre la neige, il faut aussi jouer avec la météo. Si quelques éclaircies sont possibles au-delà de 2200m, la probabilité d’une couverture nuageuse montante est forte. Alors quoi ? Qui regarde trop la météo, reste au bistrot dit l’adage. Sauf que nous, on veut surtout sortir au plus large, tant en largeur de patin qu’en amplitude de virages. Skier sur des œufs et tourner serré, c’est pas notre tasse de thé. Alors viser un couloir, c’est la garantie d’y voir clair entre deux « rives » de rocher, ne pas se perdre cause itinéraire obligé (droit dans l’pentu) et trouver de la pente pour quand même un peu frissonner.

du raide comme remède

Les aiguilles des Saints Pères offrent ce qu’il faut pour s’amuser et pour tous les niveaux. À ma gauche, le poids plume des couloirs (4.2), plus à l’ouest que nous, malgré la reprise, il bénéficie d’une pente modérée (40° max) et d’une largeur permettant encore les grands virages à vitesse soutenue. À ma droite, toujours à l’ouest lui aussi, le poids lourd du secteur, celui qui nous offre du raide comme remède (5.1, 50° max), de la pente attrayante, une ligne de fuite verticale pour skieurs à fond d’balle.

Du haut de leurs 3 369m, les aiguilles s’ouvrent aux visiteurs depuis leurs cols, à 3330m environ, atteints de préférence par les couloirs eux-mêmes. En plein hiver, cela permet de repérer les passages en neige dure, voire glacée. En ce début de saison, cela permet de repérer les cailloux, rocher et autres requins vicieux cachés sous l’apparente bonne neige.
En ce 26 novembre, nous pouvons y aller les yeux fermés et les skis bien fartés.

© Ulysse Lefebvre pour Millet / Expé

26 novembre. Un mètre de poudreuse.

On l’a tous entendu, ce copain fanfaron, annoncer le fameux mètre de poudreuse, comme une mesure-étalon qui permettrait de confirmer, de manière plus ou moins véridique, la qualité exceptionnelle d’une sortie ski. Cette fois, ce n’est pas exagéré et la neige que l’on brasse jusqu’aux hanches confirme l’épaisseur jouissive dans le couloir. Passée l’euphorie, Symon Welfringer, skieur et météorologue chez Météo France, prend le temps de jeter un œil aux couches constituant le manteau neigeux que nous sommes en train de labourer à l’instant, pour mieux le skier dans un petit moment. À part une fine couche supérieure de 5cm environ, rien ne semble destiné à partir en masse. Au pire allons-nous purger la surface du couloir

 

À chaque pas, on monte de 60cm
pour redescendre illico de 50

Aujourd’hui, la neige est définitivement notre amie. Si la remontée de la branche de gauche (la plus facile pour ceux qui ne suivent déjà plus) s’avère assez rapide, celle de la branche de droite (la plus raide, oui, bien, vous suivez) est littéralement laborieuse. Au sens d’un travail de chaque pas, de longue haleine et de ténacité. Anaïs Verbrugge-Fuselier est littéralement guronzée. Il faut imaginer un ratrack de 45kg dans 50° de pente. Vous y êtes : c’est Anaïs dans le couloir de droite des Saints-Pères, déterminée à atteindre le sommet pour profiter au maximum de la section la plus raide, dans le haut.

À chaque pas, on monte de 60cm pour redescendre illico de 50. Les cuisses chauffent sous les appuis fuyants, le froid mordant nous rappelle à l’ordre. La neige tombe à l’horizontale, voire remonte tant le vent est ascendant dans le couloir. C’est lui aussi qui accumule la neige pour notre plus grand plaisir. Il règne une ambiance de plein hiver. Lui pourtant, n’arrive officiellement que dans un petit mois… Mais aujourd’hui, on y est déjà.

On l’a tous entendu, ce copain fanfaron,
annoncer un mètre de poudreuse,
comme une mesure-étalon

© Ulysse Lefebvre pour Millet / Expé

Le ski à l’état pur

La récompense est là. Après le brassage en règle, on explore les cols, on s’aventure sur les rives rocheuses, on jette un œil au sud, vers le parc national de la Vanoise. Puis il est temps de dépeauter, en se rappelant la meilleure technique pour replier les peaux en plein vent sans les plâtrer de neige, sans les coller à moitié, sans y laisser les gants, la polaire ou tout autre accessoire agissant comme un aimant sur le collant. On remet les gros gants, on laisse la doudoune K Synth’x Millet, fidèle au poste car assez légère pour monter et chaude pour descendre, on boit un coup, comme pour prolonger encore un peu ce moment de transition avant ce que l’on attend avec impatience : la descente ! Là où l’on s’apprêtait tous à skier sur des œufs, à être légers sur les appuis, voire à décomposer la descente pour préserve les semelles des skis, hé bien que nenni !

Dans les couloirs ça flotte, ça enfonce juste ce qu’il faut des spatules, la neige est pulvérisée en gerbes photogéniques. Et, Ô miracle, on peut même enchaîner les virages dans les 50° du couloir de droite et prendre de la vitesse un peu plus bas. D’un coup, nous vient l’impression de voler la cotation, cause bonne neige qui pardonne tout. Une bonne raison d’oublier les chiffres, ces permis à points, cinq point un, qui nous engluent dans ce que l’on croit faisable ou pas.

Aujourd’hui, pour une première de saison, certains auront skié le plus raide de leur vie de skieur. D’autres auront trouvé l’un des meilleurs terrains de jeu toutes saisons confondues. Et pour une première sortie, la neige en quantité et les deux couloirs de difficultés variées devraient donner des idées à pas mal d’impatients, tous niveaux confondus. Les flocons de ces derniers jours ne feront qu’en renforcer l’attrait. Quoi, vous n’êtes pas encore partis ?!

 

Article initialement publié sur Alpine Mag en novembre 20218.