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Pourquoi nous aimons gravir les montagnes # 2

Abécédaire de l'alpinisme

Avec Pourquoi nous aimons gravir les montagnes, Marco Troussier revient sur les motivations des alpinistes, au-delà de la fameuse réplique de Mallory, parce qu’elles sont là. Paru aux éditions du Mont Blanc, ce livre a pris la forme d’un abécédaire forcément non exhaustif, qui dessine la carte générale et parfois intime d’une passion pour l’alpinisme. Second extrait.

Pourquoi nous aimons gravir les montagnes, Marco Troussier, éditions du Mont-Blanc, 224 p, 14,90 €

Magie (Spectre de Brocken)

 

 

 

Parfois, même les journées les plus maussades sont récompensées par un cadeau des dieux. L’apparition d’un spectre de Brocken au sommet d’une montagne fait partie de ces instants inoubliables. La première fois que cela se produit, on en reste hypnotisé. Moment de grâce, étonnement, fascina- tion pour un phénomène incompréhensible mais terriblement poétique.

Juché sur un sommet modeste mais pointu, une mer de nuage me bouche la vue vers la vallée, je suis dans les aiguilles Rouges au sommet du Pouce. Nous avons pris le risque de rejoindre le pied de la face alors que les nuages nous enveloppent depuis que nous avons passé le col.

Notre persévérance ne nous semble pas dangereuse, on devine la face à portée de main. Nous progressons dans un brouillard londonien, puis nous prenons pied sur les dalles de notre voie. Les prises sont un peu poisseuses, nous ne quittons pas la surveste et nous avons la désagréable sensation qu’une fine pellicule d’eau se dépose partout et sur tout. Le brouillard est toujours là et semble vouloir nous isoler du monde, curieuse sensation. Nous découvrons les pitons grâce à notre flair et finalement nous atteignons le sommet sans avoir vu ce qui nous entoure.

Je suis au centre d’une image pieuse, d’une icone, representation d’un saint fait homme.

Le temps d’une pause, les nuages se déplacent derrière nous, perdent de leur consistance, forment une mer agitée d’une houle. Le soleil est dans notre dos. Alors que je me lève et me tourne vers mon compagnon, je vois ma silhouette auréolée, projetée sur un mur de vapeur, et mon double qui agite les bras. Pendant un moment je fais des mouvements de sémaphore amusé et fasciné. Je suis au centre d’une image pieuse, d’une icône, représentation d’un saint fait homme. Puis la lumière se fait plus forte et les courants d’air chaud dissipent l’écran de gouttelettes qui a permis l’apparition de mon double. Le spectre de Brocken disparaît comme les nuages, notre descente se révèle à nos yeux. L’appareil photo est bien entendu resté sous la tente, nous avons une fois de plus été économes et nous avons pesé chaque objet pour ne garder que l’essentiel, les souvenirs.

 

Pourquoi nous aimons gravir les montagnes de Marco Troussier, éditions du Mont-Blanc, 224 p, 14,90 €

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