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Paul Bonhomme, ultra montagnard

Bob's tribute, 277km à travers les Alpes

Pas encore en bas mais très haut, au sommet des Agneaux, Paul Bonhomme.

Skieur de pente raide, mais surtout spécialiste de l’ultra endurance : Paul Bonhomme vient d’en faire la preuve avec son Bob’s Tribute, une traversée partielle des Alpes en 277 kms et 18000 m de dénivelé en six jours. Interview posée et inventaire du sac pour ce (beau) voyage par dessus l’Alpe. En bonus, sa vidéo.

Le Bob’s Tribute ? « C’est simple. Bob Bobrowicz m’a dit un jour, pourquoi tu ne vas pas chez tes potes à Serre-Chevalier (chez lui aussi NDLR) en partant de chez toi à skis ? » explique Paul Bonhomme. Précision : Paul habite Cercier, dans les collines haut-savoyardes, mais a longtemps vécu en Briançonnais. Disparu en 2018, Bob Bobrowicz était le « shapeur » de génie du ski, quelqu’un qui avait importé dans le ski ce qui marchait dans le snowboard des années 90, étant à l’origine du fameux Scratch, le ski bispatulé de freestyle de Rossignol. Avant de créer ses propres marques de ski : Ride Doctor puis White Doctor, à Serre-Chevalier. Paul Bonhomme a commencé à s’intéresser aux petites productions de Bob : « J’achetais mes paires de ski chez lui, car ces skis-là me faisaient plusieurs saisons. Ils tenaient mieux que d’autres, sans parler de leur polyvalence freeride et rando. Voilà pourquoi ils me plaisaient. » Les deux hommes se rencontrent en 2016, après le tour du Queyras version trail running de Paul, qui levait des fonds pour la Croix-Rouge.

Une traversée de six jours et 277 kms

« Le courant est bien passé, et Bob a commencé à me donner des paires de ski White Doctor. Son truc, c’était de faire des skis pour un large public, mais des skis tout-terrain, solides et ludiques. Bref, j’ai voulu lui rendre hommage en le prenant au mot. Voilà pourquoi au mois d’avril je me suis retrouvé à fermer ma porte, à Cercier en Haute-Savoie, avec comme objectif Serre-Chevalier, moins d’une semaine plus tard. » En l’occurrence Paul Bonhomme, désormais connu pour ses descentes extrêmes dans le massif du mont Blanc ou dans les Aravis, a passé dix ans à préparer sa liste de courses dans les Hautes-Alpes, où il garde des amis et de la famille, puisque ses parents habitent au Ponteil, falaise ensoleillée de la région. « Inspiré par Rancho, l’idée était d’aller voir mes potes là-bas en en profitant pour faire une belle traversée en ski-alpinisme et trail running, tout en filmant. Bon, faire un film pose des contraintes (en termes de temps) qui n’étaient pas vraiment compatibles avec mon projet, donc celui-ci est resté au premier plan, tandis que je me suis filmé avec une GoPro uniquement. » En termes de performances, Paul Bonhomme a réussit à boucler sa traversée en six jours en passant par la montagne, mais en devant couper forcément par les (grandes) vallées, dont la Maurienne. Les chiffres sont éloquents pour ne pas dire effrayants : 277 kilomètres et 18000 mètres de dénivelée ont été avalés. Soit une moyenne de 46km par jour et 3000m de dénivelé avec un gros sac. Vous avez dit mutant ?

Paul Bonhomme au départ de Cercier, avant l’aube. ©Philippe Romand

Stakhanoviste ?

Au delà des aptitudes du Bonhomme (il fallait la faire une fois), il y a bien un secret, très simple. C’est l’entraînement. Un poil stakhanoviste ! Paul commence par des séances orientées cardio à l’automne, commence son hiver en n’hésitant pas à pousser le bouchon côté pente raide (comme son ouverture à la Dent Blanche en février) histoire de se remettre dans le bain. Mais surtout, en tant que guide, Paul ne s’arrête jamais (c’est le cas de le dire) et n’attend pas la fin de saison, fatigué, pour s’y mettre. Il profite de chaque créneau, autrement dit après midi pour s’entraîner même quand il a des clients. « Sur Chamonix Zermatt, une fois monté en refuge avec eux, je repars l’après-midi, avec l’accord des clients, pour faire du dénivelé. Par exemple, à la cabane des Dix, je suis remonté trois fois sur un petit sommet pour ajouter 2000 mètres de dénivelé à la matinée » explique Paul, qui confesse que, parfois, « les collègues hallucinent ». Voilà comment tout en faisant le guide Paul Bonhomme arrive en fin de printemps affûté comme une carre de ski de géant.

AVANT LE BOB’s TRIBUTE, QUAND J’etais Sur Chamonix Zermatt, une fois arrivé en refuge, je reparTAIs m’entraîner l’après midi. Paul Bonhomme.

Traversée du pont de la Caille en mode running (à gauche) © Ph. Romand et en mode Canada dry avec Xavier Cailhol (à droite).

Une aventure à la maison

« J’ai adoré ce parcours, tu es à côté de la maison, tu pars de chez toi – et d’ailleurs je suis rentré en train et en Blablacar – en même temps tu es dans un truc surdimensionné, un aventure à la maison qui marche parce que tu as vingt ans d’expérience ». Là où il ne faut pas hésiter, entre une crête à gauche ou une combe à droite, estimer en fonctions des conditions de glisse ce qui va être le plus rapide – ou le moins lent. Les massifs du Parmelan (J1), des arêtes de Cotagne (J2), celui des aiguilles d’Arves… jusqu’aux Écrins, les surprises n’ont pas manqué. Côté Albiez, avant de basculer versant Hautes-Alpes, Paul Bonhomme a eu une galère dans le versant nord du col de l’Épaisseur. « Tu perds du temps », et vu les journées qu’il s’enquille, ce n’est pas possible de multiplier les erreurs – ou les « mauvais pas ». L’accumulation des grosses journées, en distance et en dénivelé, fut aussi pas simple à gérer, quand on fait le funambule sur les arêtes du Grand Arc par exemple, en Lauzière. Mais le moral fut bon tout le long de ces six jours de traversée des Alpes, du nord au sud.

Cercier-Serre Chevalier, c’est les vacances de Paul Bonhomme : « le dimanche précédent je revenais de raid en Vanoise, le lundi suivant je repartais avec des clients ». Le skieur-alpiniste et traileur n’est pas parti léger : le sac est d’autant plus lourd qu’il prévoit une certaine autonomie, déjà en matériel, avec une vraie corde et deux piolets, plus les crampons bien sûr. Si les chaussures F1 de Scarpa sont bien sûr du dernier modèle, Paul Bonhomme a voulu prendre les skis de Bob, des White Doctor de 3,85kg, pour lui rendre hommage – Paul est depuis cette saison soutenu par Völkl. Autant dire que Paul n’était pas en mode petit sac de trail.

Garder le moral quand il faut remettre les baskets (à gauche) © Ph. Romand et avec Nicolas Brun en en descendant des Agneaux le dernier jour (à droite.)

Avec Bob Bobrowicz, en 2016, après le tour du Queyras.

Sa démarche

« Ma démarche est simple : j’essaye de ne pas tricher ». Que ce soit dans ses expéditions lointaines à ski (au Népal avec Benjamin Ribeyre) ou auparavant avec Jean-Noël Urban, Paul Bonhomme est sur une ligne claire, pour ne pas dire puriste : pas de sherpa ni porteur, pas de corde fixe. Et pour les projets à la maison comme le Bob’s Tribute, le renfort de Xavier Cailhol pour une tranche d’arête haut-savoyarde, quelques amis le soir, point à la ligne. Le sac reste lourd. Mais le cœur léger, quand du sommet des Agneaux, Paul Bonhomme sait qu’il va réussir son pari. Serre Chevalier et le village de Mônetier-les-Bains ne sont pas loin. Il lui reste un beau morceau de pente raide devant lui, la directe nord-ouest des Agneaux, une pente au départ bien délicat, et dans des conditions que Paul jugera « moyennes » et que le quidam skieur jugera pourries : neige cartonnée, irrégulière et parfois dure. Quelques heures plus tard, c’est la joie qui s’impose et la fatigue qui s’efface devant l’envie de continuer, de ne pas s’arrêter, de filer toujours par-dessus crêtes et vallées, enneigées ou non. Continuer à faire de la montagne, tout simplement, quelque soit le moyen.

Le matériel de Paul Bonhomme

« Au départ du trip mon sac fait 19kg tout compris, avec les skis et les chaussures. Côté matériel technique, je n’ai pas lésiné. J’avais une corde, quelques coinceurs pour les traversées d’arêtes, une paire de crampons, une paire de piolets Cassin X-Alp, un DVA. Avec moi, j’ai toujours un sac mixte secours et bricolage, en fond de sac. Avec côté pharma, un kit pour soigner les ampoules, et l’indispensable crème Nok. Dès que je m’arrête, je fais sécher mes pieds (et mes chaussons intérieurs) puis les recouvre de crème Nok. D’ailleurs, j’ai emporté avec moi pas moins de quatre paires de chaussettes ! Côté bricolage, j’avais un couteau-suisse, et du fart standard avec lequel je farte aussi bien les skis que les peaux. Bien sûr, j’avais une paire de chaussures de trail running Scarpa Spin RS pour les transitions à pied.« 

Mes chaussures Scarpa F1

Paul :  » j’ai confiance dans ces chaussures que je porte à longueur de saison. Que ce soit pour le ski ou les passages d’alpinisme, car elles ont un bon débattement. L’hybridation des Scarpa F1 est étonnant : on peut faire de la goulotte avec, il m’arrive même de faire des pas de 4 en rocher avec. Et en même temps avec les F1 je suis capable de tailler des grandes courbes, ou bien sûr de m’engager en pente raide. Ce que j’aime particulièrement sur cette version c’est le serrage BOA en lieu et place des crochets d’avant-pied. Le BOA est tellement plus efficace, c’est aussi un gain de temps. Côté fit, j’ai pris l’habitude de prendre une pointure au-dessus pour plus de confort et surtout plus de chaleur, j’ajoute une semelle isolante et le tour est joué » .

Poids : 1710g. Flex : 110. Largeur métatarse : 102mm.

Ma doudoune Karpos 

Paul :  » Je l’ai portée pendant tout le Bob’s Tribute : la Karpos Performance Light Down Jacket. Une doudoune vraiment light, et très compactable. Après, il faut prendre soin de ces doudounes hyper légères, qui n’aime pas évidemment les pointes de crampons ou les renfougnes en rocher ! En plus dans mon sac j’avais une veste coupe-vent plutôt typée trail. Disons que j’avais plus investi sur les chaussettes que sur la veste Gore Tex, vu la période et les températures plutôt clémentes. »

Extérieur en Pertex Quantum. Garniture Duvet d’oie 850 cuin.