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Maurice Wilson | Solo mystique à l’Everest

Il s’appelait Maurice Wilson, il venait de traverser une période difficile de laquelle il était sorti  grâce au jeûne et à la prière, et il voulait démontrer au monde entier l’efficacité de la méthode. Il décida donc, en 1934, de gravir l’Everest en solitaire avec pour toute expérience de la montagne, quelques randonnées dans le Lake District. Bilan : un mort.

Comme beaucoup d’hommes de sa génération, Maurice Wilson eut beaucoup de mal à se remettre des horreurs de la guerre des tranchées. Après avoir été sérieusement blessé en 1918, il passa plusieurs années à trainer son mal-être par monts et par vaux, avant de revenir en Angleterre au début des années 30 pour recevoir un traitement miracle. Trente cinq jours de jeûne et de prière suffirent à le sortir de sa torpeur et lui donnèrent une seconde vie qu’il allait consacrer à promouvoir les bienfaits de son traitement. Il en était là, lorsque tomba entre ses mains le récit de l’expédition de 1924 à l’Everest…

L’idée fit rapidement son chemin dans son cerveau régénéré : il allait gravir l’Everest en solitaire et le Monde entier, ébahi par son exploit, allait lui aussi se mettre à jeûner et à prier pour aller mieux. L’idée était astucieuse et le plan d’action encore plus. Pour se rapprocher le plus possible du sommet, Wilson décida de s’acheter un avion avec lequel il projetait de s’écraser sur les pentes inférieures de l’Everest et, de là, il n’aurait plus qu’à finir à pied. Pas con. Pour les notions de pilotage et les rudiments d’alpinisme, on verrait plus tard.

Wilson décida de s’acheter un avion avec lequel il projetait de s’écraser sur les pentes inférieures de l’Everest et, de là, il n’aurait plus qu’à finir à pied.

C’est ainsi qu’au mois de mai 1933, Maurice Wilson décolla d’Angleterre en direction de l’Himalaya avec son petit biplan judicieusement baptisé Ever Wrest. Contre toute attente, il réussit à voler jusqu’en Inde où, après bien des péripéties, il décida finalement de vendre son avion et de continuer à pied. Après quelques moi passés à Darjeeling où il embaucha trois sherpas, il entreprit de se rendre clandestinement au Tibet en se faisant passer pour un moine sourd et muet. Au mois d’avril 1934, enfin, il atteignit le glacier du Rongbuk d’où il put lancer son ascension.

Son corps fut retrouvé l’année suivante, non loin du Col Nord, par l’expédition de reconnaissance d’Eric Shipton. Dans le journal de bord retrouvé aux côtés de l’aventurier farfelu, on put lire qu’il avait fait deux tentatives pour atteindre le camp III (environ 7 000 mètres). La première, en solitaire, se solda par un échec cuisant, mais lors de la deuxième, un mois plus tard, il réussit finalement à atteindre le camp accompagné de deux sherpas. Après plusieurs jours bloqués par le mauvais temps, les sherpas décidèrent de redescendre mais Wilson resta pour essayer d’aller plus haut. Son journal se termine le 31 mai par ces mots pleins d’enthousiasme : « Je repars, magnifique journée. »

Allez, ciao Maurice ! © DR

Il est difficile d’évoquer le cas Wilson sans se montrer un brin sarcastique. La foi permet peut-être de déplacer les montagnes mais elle n’a jamais permis de les gravir. L’Everest en solitaire et sans expérience… en 1933… soyons sérieux… A bien y regarder pourtant, n’y a-t-il pas, dans cette tentative à la hussarde perdue au beau milieu des lourdes conquêtes nationales, une authenticité, une audace et un courage tout à fait respectables ? L’affaire était certes un peu ambitieuse mais il vaut avouer qu’elle ne manquait pas de panache. Il parait même que Messner en a pris de la graine.

Pour en savoir plus, nous vous conseillons le roman de cette aventure loufoque Voler l’Everest de Ruth Hanson, chez Les éditions du Mont-Blanc (2012).