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Les huit montagnes

Paolo Cognetti parle d’une montagne indissociable des hommes qui l’habitent, avec un talent pour la description, tant du paysage que de l’action. Et grâce à lui, un livre de montagne reçoit le prestigieux prix Strega, Goncourt italien.

Pietro vit à Milan, c’est un enfant des années 70. Ses vacances, il les passe dans les vallées du Mont Rose, dont son papa est amoureux. Celui-ci les parcourt en tous sens, à grand pas. Sa maman préfère la montagne des hommes : celle des alpages, des forêts, des fleurs aux teintes éclatantes et des fermes. Elle va trouver là-bas une maison qui devient un point d’ancrage de la famille. Pietro, devenu un habitué du village, fait la connaissance de Bruno, un petit montagnard qui ne va pas à l’école, il est déjà berger. Pietro, à travers Bruno, rencontre une autre montagne, celle des paysans. Leurs jeux les mènent dans les torrents ou les alpages en ruine. L’amitié naît au fil de ces vacances, indéfectible. Mais aussi, pour Pietro, un attachement profond à la montagne. On suit les deux amis, leur jeunesse, leur entrée dans la vie d’adulte. Pietro quitte Milan, s’éloigne un temps de la montagne, de son père trop occupé à courir seul la montagne. Mais la vie se charge des retrouvailles.

Les huit montagnes, Paolo Cognetti, Stock, 2017.

Ses quelques phrases sur une marche dans un chaos de blocs distillent un pur moment de bonheur.

Cette histoire est l’occasion pour Paolo Cognetti de nous parler des montagnes, des hommes qui les habitent depuis des temps immémoriaux, inventant là-haut un art de vivre dicté par la rudesse du milieu. On y retrouve l’évocation magnifique des paysages. On ressent l’ombre et le froid, la dureté des pierriers, la lumière qui gagne, d’abord les hauteurs, pour enfin baigner les vallons et devenir une source de vie. Paolo sait exprimer des émotions que nous avons tous éprouvées, sans jamais trouver les mots pour les raconter. Il excelle aussi dans ses descriptions de l’action. Ses quelques phrases sur une marche dans un chaos de blocs distillent un pur moment de bonheur.
Avec Bruno, devenu maçon de talent, Pietro reconstruit un alpage légué par son père. Les deux amis trouvent inconsciemment dans ce travail une mission, celle de faire revivre le temps des alpages. Mais le monde a changé. Le paradis alpin réalisé là-haut par Bruno n’est pas viable…

Tout en nous racontant une histoire universelle, celle de l’amitié, de la famille, ce livre nous promène dans ce monde rêvé, qui toujours nous appelle quand nous en sommes éloignés. Il évoque ce lien profond qui unit les montagnards à leurs cimes aimées. Il parlera à tous ceux qui un soir d’automne ont contemplé d’un œil émerveillé cet univers perché, alors que les hommes, les bêtes et le son des clarines ont regagné la vallée. Le paysage désormais silencieux attend l’hiver dans une sérénité lumineuse. Le jour va tomber, toujours plus tôt. Le montagnard doit quitter la cime, à regret. La vie est en bas, mais, comme l’écrit superbement Paolo Cognetti, « Quel que soit notre destin, il habite les montagnes au-dessus de nos têtes ».