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Les 4000 des Alpes selon Cat Villegas

35 x 4000 en un été

Elle n’avait au départ que l’idée de traverser les Alpes de Zermatt à Ailefroide en passant par les sommets. Mais la collection de 4000 s’est étoffée au fil de l’aventure. Parmi les 82 x 4000 popularisés entre autres par Liv Sansoz, la franco-colombienne Cat Villegas a coché 35 sommets en un seul été, avec pour viatique son âme d’enfant turbulent, dit-elle. Une belle moisson racontée ici.

A

ussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu cette attirance un peu inexplicable pour les montagnes. Comme la grande majorité des personnes arpentant les montagnes, je trouve là-haut mon havre de paix, l’environnement où je peux me mettre des défis mais aussi celui qui me permet de m’évader du poids de la vallée. Fin 2017, j’ai ressenti le besoin de couper avec mon quotidien et de m’évader dans la montagne encore plus que d’habitude.. J’ai pris la carte et j’ai commencé à lister les sommets des alpes que je voudrais atteindre un jour dans ma vie. On fait tous ça, non ? Faire la liste de nos rêves. Les réaliser, au moins en partie, c’est une chance. Les partager avec des gens incroyables, c’est un privilège. Continuer à rêver encore, n’est ce pas le propre des adultes avec une éternelle âme d’enfant ? Beaucoup de gens restent assis sur leur liste et laissent le temps leur filer entre les doigts. Et j’ai réalisé que je faisais partie de ces gens! C’est en partant de ce constat que mon âme d’enfant turbulent et moi-même avons décidé que cette situation avait assez duré et qu’il était temps de prendre une pause professionnelle et de vivre une belle aventure en montagne.

J’ai réalisé que je faisais partie des gens qui laissent le temps leur filer entre les doigts.

J’ai toujours travaillé dans l’aide humanitaire et la santé publique internationale. Je passe une bonne partie de mon temps à voyager dans des pays à ressources dites limitées et je travaille avec des personnes de profils et d’origines divers et variés. Je réalise sans problème la chance que j’ai de pouvoir obtenir un congé sabbatique pour aller crapahuter dans les montagnes ! Mais aussi, inévitablement, je suis touchée par les crises humanitaires actuelles : crise des migrants, conflits, épidémies, recul de l’accès aux soins …Tout ça m’a logiquement fait voir mon projet et organiser mon aventure d’une façon différente. Impossible pour moi d’oublier mes convictions personnelles et d’arrêter de soutenir les causes qui me tiennent à cœur. Mon objectif ? Réussir à réunir passions et convictions. Pleins de gens courent des marathons pour soutenir des associations. J’ai simplement transposé cette idée à l’alpinisme et j’ai décidé de soutenir une ONG : Médecins Sans Frontières. Alors la trame du projet s’est imposée comme une évidence : une traversée des Alpes Occidentales le long des frontières, de Zermatt à Ailefroide, 60.000m de dénivelé positif cumulé, une liste initiale de 39 sommets à plus de 4000m, à pied et à vélo, chaque point d’arrivée étant le point de départ suivant.

Soutien à MSF

Via mon blog, montagnessansfrontieres.com, juste en quelques clics et avec une carte bancaire, toute personne a pu faire un don pour MSF en soutenant mon projet. Un don étant synonyme d’une assistance médicale d’urgence aux enfants, femmes et hommes en détresse partout dans le monde lors de catastrophes humanitaires et de crises oubliées indépendamment des États et lobbys. MSF est une organisation internationale, avec des centaines de projets dans plus de 60 pays pour soigner les victimes de guerres, de catastrophes et d’épidémies. Pour réaliser sa mission, MSF prend soin d’être totalement indépendant de toute règle politique, économique, militaire ou religieuse. Son financement provient à 95% de particuliers, de cette manière MSF peut décider quelle aide elle veut accorder dans le un seul intérêt des victimes.

Débuts en fanfare dans le Valais.

Avec le guide Stéphane Vrinat. © Cat Villegas

Se lancer dans le bain

Au début, je n’avais franchement aucune idée de l’ampleur du projet, de ce que pouvait représenter 60.000m de dénivelé ou d’enchainer 39 4000 sur un été et surtout aucune idée de si j’en étais capable ! C’était les montagnes russes dans ma tête pendant des mois ! Difficile de faire la part des choses quand on se fait répéter que « c’est tout de même bien ambitieux comme projet » que je traduisais par «choupette, tu t’es sûre de vouloir te mettre dans ce chantier ? ». Heureusement j’ai plutôt choisi d’écouter les gens qui croyaient en moi par ce que, je ne le savais pas encore, mais je m’apprêtais à vivre une des expériences les plus intenses de ma courte vie de montagnarde. Imaginer et surtout organiser un tel voyage n’est pas une mince affaire. Surtout sans aide logistique particulière ! Il y a un nombre important d’incertitudes avec lesquelles il faut apprendre à composer. Est ce que les conditions vont être bonnes à un endroit donné au moment où j’ai prévu d’y passer ? Est ce que la météo va être clémente ? Est ce que je vais avoir mes partenaires de cordées disponibles quand les créneaux se présenteront ? Est ce que mon corps va tenir ? Est ce que ma tête va tenir ? Est ce que ce n’est pas tout simplement trop ambitieux de se lancer la dedans alors que je ne suis pas du tout une professionnelle de la montagne ?

Est-ce que mon corps va tenir ? Est-ce que ma tête va tenir ? 

Faut-il l’avouer ? Je ne baigne dans le milieu de la haute montagne que depuis peu de temps quand je débute l’entreprise. J’ai eu la chance de faire des rencontres incroyables ces dernières années, des guides, des aspis, des copains qui ont pris le temps de me former et j’ai assez rapidement progressé techniquement. La technique c’est une chose importante en montagne, sans technique, on ne va pas très loin ! Mais l’expérience, c’est au moins aussi important, voir plus – et elle ne s’acquiert qu’avec la pratique, et le temps. C’est elle qui donne de l’assurance et qui permet d’évoluer de façon plus sûre. Pour ma traversée, c’est certain, je manquais d’expérience pour certaines courses. Pour pallier à ça, pour les courses les plus engagées, je ne pouvais pas partir avec quelqu’un d’autre que Ti Steph (Stéphane Vrinat) qui m’a initié à l’alpinisme et qui est guide à la compagnie de Saint Gervais. On se connaît très bien, il sait de quoi je suis capable, on se fait confiance et il a une grosse expérience. Combo gagnant ! Pour les autres courses, celles que je me sens de mener sans problème, je partirai avec des copains amateurs comme moi.

Premier sommet, la Pointe Dufour. © Collection Cat Villegas..

Premier sommet, la Pointe Dufour

La première partie de ma traversée consistait à traverser le massif du Mont Rose. Un peu comme le traditionnel spaghetti tour mais dans une version sport renommée le «spicy noodle tour» : 5 jours en montagne, 16 sommets au-dessus de 4000m et 7000m de dénivelé positif. Cinq jours avant le départ, mon partenaire de cordée se désiste, finalement il ne se sentait plus de venir. Je n’étais pas partie qu’il fallait déjà trouver un plan B au pied levé. Trouver un partenaire de cordée, disponible pour 5 jours, dans 5 jours … Ce n’était pas évident vu le programme ! Alors comme d’habitude, mon plan B c’est avéré être un plan Steph ! Le 20 juin, Steph et moi partons, excités comme des gamins le matin de Noël, avec en prime, un petit bonus : grand beau et météo stable tous les jours. Il n’y a plus qu’à faire chauffer les cuisses, sortir les mollets et monter ces montagnes. D’ici, on peut voir une bonne partie des sommets du Valais et bien au delà. J’ai du mal à me dire que ça y est, j’y suis ! Le défi paraît immense !J’appréhende. Mais bon, il paraît que quand les objectifs sont trop faciles à atteindre, ils ont souvent moins d’intérêt. C’est ce que je vais me répéter sans cesse pendant des semaines.

Les objectifs faciles n’ont que peu d’intérêt, contrairement à ceux difficiles. Du moins j’essaie de m’en convaincre. 

Après une courte nuit confortable au refuge d’hiver de la cabane du Mont Rose, on prend le chemin de la Pointe Dufour. Le regel est médiocre, il fait déjà chaud alors qu’il n’est même pas 3h du matin. Il n’y a aucune trace, la neige croutée ne porte pas et on s’enfonce jusqu’au genou presque à chaque pas. Pas évident comme conditions, mais ça pourrait être pire… il pourrait pleuvoir ! Rapidement, je me dis « aller Cat, fais pas ta petite nature, ce n’est que le début ». C’est au lever du jour, avec la vue à couper le souffle que je réalise la chance que nous avons d’être là ! Premier lever de soleil en altitude… premier d’une longue série que je vais savourer à chaque fois.  On continue à monter et à partir de 4500m, je regarde l’altimètre de ma montre un peu trop régulièrement ! Encore 90m, 70, 50, 30 et enfin, le sommet ! Génial ! Le premier ! Émotions fortes ! Le temps est clair, on voit loin … Et tout au fond, bien loin, on distingue le massif des écrins. Steph me regarde avec un sourire en coin et me dit « c’est pas la porte à coté hein ?! ». Clairement pas ! Mais, il le sait, il me connaît, je suis lancée et sauf cas de force majeure, j’irai jusqu’à là-bas, portée et motivée par les dons pour MSF qui commencent affluer.

Tout au fond, au loin, je distingue le massif des Écrins. Pas la porte à côté.

Ratissage en règle des 4000 du Mont Rose avant le Cervin en ligne de mire, . ©Coll. Cat Villegas

Le Cervin, le doute

Prendre un but en montagne, ne pas arriver à atteindre son objectif, quelle qu’en soit la raison, est quelque chose de difficile à gérer. Faire demi-tour quand il le faut, ça fait parti du jeu. Au Cervin, sur l’arête du Lion, le 30 juin, il a fallu rebrousser chemin. On était parti du local d’hiver du refuge d’Oriondé faute de pouvoir rejoindre le bivouac Carrel à cause du mauvais temps. En cette fin juin, il y avait encore énormément de neige et il faisait chaud. On avait bien progressé dans la montée mais presque sans quitter les crampons. Lorsqu’on est arrivé sur l’arête du pic Tyndall, tout s’est compliqué. C’était gavé de neige et il n’y avait que les traces de la cordée qui nous précédait de peu et la neige avait déjà transformé. Ces conditions rendaient la course plus difficile, plus engagée et surtout difficile à sécuriser. Malgré tout, on a continué à progresser lentement mais à 4255m, 200m sous le sommet, on a du prendre une décision. Continuer ou faire demi tour. L’autre cordée avait déjà pris la décision et amorcé la descente. Ça a nous crevé le cœur, mais on a du se résoudre à voir notre objectif nous filer entre les doigts. Avec un gros coup au moral, j’ai alors amorcé la descente. C’est bête, mais j’en avais presque les larmes aux yeux. J’étais crevée et déçue de moi même ! Si j’étais allée plus vite, on serait arrivés plus tôt, la neige aurait certainement été meilleure… Ou peut être pas ! Mais ce soir là, j’ai sérieusement commencé à douter ! Je me disais que finalement je n’étais peut être pas à la hauteur. Je voulais juste avoir chaud, ne plus avoir les pieds mouillés et disparaître sous des couvertures. Mais le lendemain matin, j’ai regardé ce qui m’entourait et j’étais encore émerveillée ! J’étais contente d’être là, à ce moment là. Définitivement, je n’étais pas prête à m’arrêter là ! Alors, j’ai finis par me dire que la montagne, c’est un peu comme l’alcool. Après une cuite, on dit toujours « Huh, je boirais plus jamais d’alcool de touuute ma vie ». Mais le lendemain, à l’apéro on répondra « Ok, mais je bois juste un verre

La montagne, c’est un peu comme l’alcool. Après une cuite (ou un but) on dit : plus jamais ! Avant de reprendre un apéro le lendemain.

Le but de cette traversée, n’était pas, au départ, d’enchaîner les 4000. C’était surtout de vivre une expérience unique en montagne, de parcourir des massifs différents, de partager des moments avec mes partenaires de cordée, avec des amis, de la famille, des inconnus et aussi de vivre des moments seule. C’est comme ça que j’ai remonté une partie de Cham-Zermatt, que je suis passée par le Pigne d’Arolla, le Mont Blanc de Cheilon, le Dolent ou bien encore l’Aiguille d’Argentière, que j’ai découvert que des gens pouvait amener une demi meule de raclette et les patates qui vont avec en bivouac, que j’ai développé sans le vouloir une aptitude à rester des heures à ne rien faire en mode contemplatif, que j’ai appris à apprécier les moments seule en montagne même si parfois je me suis demandé ce que je foutais là, que j’ai dormi dans le seul refuge qui fait des œufs brouillés au petit dej’, que j’ai ri presque à m’en pisser dessus, que j’ai eu des discussions étonnantes avec des personnes surprises de me voir débarquer toute seule en refuge ou encore curieuse de savoir pourquoi je portais des t-shirts MSF. Mais surtout que je me suis créé des souvenirs incroyables, j’ai pris un peu d’expérience et je me prends à imaginer de nouveau projets, de nouvelles traversées.

Le chantier de l’arête des Grands Montets à la Verte. 

Une arête aussi surnommée la tournée du facteur…. ©Cat Villegas

Moment exceptionnel sur la calotte de la Verte après un dur bivouac. © Cat Villegas.

La Verte : l’accident

Comme la plupart des gens qui gravitent en montagne, je suis fascinée par l’Aiguille Verte. C’est un sommet mythique que je voulais absolument faire pendant cette traversée ! Vu la période, j’avais choisi de monter par l’arête des Grands Montets et de descendre par l’arête du Moine. Un joli voyage pour lequel on m’avait dit « L’arête des Grands Montets à l’aiguille Verte est une course sérieuse, sans grandes difficultés techniques, mais ou l’engagement n’est pas un vain mot et où, à partir d’un moment, le meilleur échappatoire passe par le sommet ». On profite d’un beau créneau de 2 jours pour partir à 3 cordées. C’est rassurant parfois d’être plusieurs. Enfin, au début. L’ascension se passe bien et j’en prends plein les yeux : vue imprenable sur le Nant-Blanc, le bassin d’Argentière, les Drus… Au pied de la Pointe de Segogne, les conditions sont moins accueillantes. On remonte une goulotte en mauvaises conditions. Un toboggan de pierres que j’arrive à esquiver plus ou moins brillamment. Puis on reprend le fil de l’arête avant de rebasculer du coté Argentière. Il nous reste une traversée et une soixantaine de mètres de grimpouille entre vires sableuses et rochers friables ou instables pour arriver au bivouac au col du Nant Blanc. A ce moment là, je suis en second et notre cordée est celle du milieu. Un « oh putain » crié derrière moi, me sors de ma bulle de concentration. Je me retourne et vois le leader de la dernière cordée partir en arrière avec un bloc. L’espace d’une seconde, je crois que je n’ai pas compris ce qu’il se passait. Puis tout s’accélère : se sécuriser, donner l’alerte, ne pas paniquer, retrouver le blesser, prévenir et organiser les secours. Puis la nuit tombe et le ciel se bouche. Finalement, vers 23h, le ciel se dégage et l’hélico du PGHM peut décoller. Dix minutes plus tard il est au dessus de nous. Après trois rotations, le secours se termine, le blessé et son partenaire ont été évacués. Je suis impressionnée par le boulot du PGHM, propre, efficace, et incroyable.

On a beau savoir que l’accident peut se produire, voire une chute comme celle-ci, ça marque.

Après ça, je suis un peu ailleurs et je réalise petit à petit ce qui vient de se passer. On sait que l’on s’expose à des dangers lorsqu’on part en montagne. Mais c’est différent lorsque ça se passe sous nos yeux. On a beau avoir entendu des tas d’histoires, voir une chute comme celle ci, ça marque. On n’est jamais 100% à l’abri. On ne peut que limiter le risque et réduire la probabilité d’un éventuel accident au minimum. Il est 1h30, quand je me faufile dans mon duvet et que je pose enfin ma tête sur mon sac à dos en refermant la capuche pour faire comme un cocon dans lequel je souffle de l’air chaud avec l’espoir que la chaleur reste à l’intérieur… l’espoir fait vivre. Il me faudra un peu de temps le lendemain pour me sentir à l’aise et avoir le pied sur mais on finira la course avec le sourire, sous un magnifique soleil.

Grand spectacle au sommet de la Dent du Géant, le 12 août.. © Cat Villegas.

La traversée des Jorasses mi-août dans un rocher trop réchauffé. © Cat Villegas.

Malléole customisée pour monter à Bionnassay.

Deux mois de froid, d’altitude, et de sourires, un rêve qui se réalise.. © Fred Bernard.

Les Grandes Jorasses, un rêve réalisé et un bras déformé

La traversée des Grandes Jorasses, c’est beau, c’est mythique. Mais c’est aussi long, haut et engagé avec de la neige, du rocher, du mixte ! C’est magique mais on passe un sacré bout de temps avec au minimum 1000m de vide à droite et à gauche. Pas vraiment d’échappatoires ou de redescente possible une fois engagés dans la traversée mais c’est ça qui fait la beauté et l’intérêt de la course ! Sept heures pour arriver à Canzio en partant de Torino, et après une pause encore 3h pour la pointe Young et arriver jusqu’au bivouac sous la pointe Marguerite. Une première journée longue et magnifique, avec un lever de soleil incroyable sur les arêtes de Rochefort, une belle grimpette avec du dénivelé et un soleil radieux. C’est le 58ème jour du projet ! Déjà… ou seulement ! A l’arrivée au bivouac, je ne sais plus trop quoi penser ! Je suis fatiguée mais l’endroit est scandaleusement beau ! Il y a quelques années, jamais je n’aurais imaginé avoir la chance d’être ici un jour. On s’installe pour la nuit, on s’autorise à décaler le réveil vers 5h et avant même le coucher du soleil, je dors ! Le lendemain, après la pointe Marguerite, j’ai l’impression que les passages aériens, vraiment très effilés pour certains, ne font que s’enchainer jusqu’à la point Croz. Je ressens alors mon manque d’expérience. Je suis à l’aise techniquement mais j’ai un peu de mal à gérer l’exposition. Et notre progression ralentit sensiblement. Je dois me ressaisir si on veut finir la course dans timing raisonnable. Après la Whymper, le terrain est moins exposé, et rapidement je me sens beaucoup mieux. En haut de la Walker, j’ai le sourire jusqu’au oreilles ! 32ème 4000 en deux mois, qui l’eut crû ?

32ème 4000 en deux mois. Mais on est loin d’être redescendus.

Sans trop s’attarder, on repart pour 2630m de descente au son des éboulements dans la face sud et des chutes de pierres ça et là. RAS jusqu’au pied des rochers du Reposoir. Je suis en train de désescalader quand un bloc d’un demi mètre cube décide de lentement mais surement basculer sur ma cheville la bloquant nette. Je hurle de douleur. Pourtant pas douillette je sens des grosses larmes couler et je commence à paniquer. Je suis tétanisée. A chaque fois que Steph essaye de bouger le bloc, je sens la pression qui s’accentue. Super vite, il me crie de bouger mon autre jambe et réussit, je ne sais pas comment, à faire basculer le bloc dans le vide. Ma cheville est libérée mais mon bras a chargé lorsque le bloc a chaviré dans le vide. Je mets du temps à reprendre mes esprits. Ma cheville est super douloureuse mais a priori pas cassée. Mon bras, par contre, est bien amoché. Je finirai la longue descente en boitant, un bras collé contre mon ventre. Après douze bonnes heures en montagne, au parking, je ferai le bilan : juste des gros hématomes, des égratignures et une sacré peur ! Comme quoi, partir en montagne avec quelqu’un en qui on a confiance, c’est essentiel.

Cat en mode traversée des Écrins express ! © Cat Villegas.

La Barre des Écrins : un (provisoire) dernier sommet

On est le 5 septembre et voilà, je suis arrivée à La Grave. Initialement, le plan était de traverser la Meije pour rejoindre le refuge des Ecrins. L’éboulement du mois d’août sur le glacier Carré a rendu ce plan impossible. Je voulais boucler ce périple avec Steph et on se retrouve en terrasse pour réfléchir un plan B autour d’un petit verre. En discutant avec des guides de La Grave, ils nous disent que le meilleur chemin et le plus direct c’est « tout droit » par les Enfetchores, la brèche de la Meije, le refuge du Châtelleret, le vallon de Bonne Pierre et le Col des Ecrins. D’après eux, ça ferait « une bonne journée avec dans les 3000m de dénivelé ». On est donc partis par là. Pour info, si jamais un des guides que l’on a croisé me lit, ça fait plus une journée autour des 4000m de dénivelé ! Le lendemain, Steph me laisse mener toute la course. Au sommet de la Barre des Ecrins, on s’assoit, tout sourire et on regarde au loin. Et tout au fond, bien loin, on distingue le massif du Mont Rose. Je ressens un mélange d’émotions bizarres là-haut. Je suis super contente du chemin parcouru, j’ai traversé les Alpes Occidentales et j’ai adoré ça ! Assise ici, j’ai l’impression que le temps est passé très vite, et je suis triste que ça soit déjà la fin de cette aventure. Alors je dis à Steph « Je crois que j’ai une idée… J’y pense depuis quelques jours, mais je voudrais ton avis. Je me disais que je pouvais finir les 47 « 4000 » qu’il me manque… maintenant que j’en ai fait 35. Non ? » . Il me regarde mort de rire et me répond « Ahahah, j’étais sûr que ça allait finir par arriver ! ». Bon, voilà, je crois que j’ai une suite pour mon aventure…

B I L A N   D E  L ‘ É T É

46  jours en montagne répartis sur 85 jours
725  km parcourus
57400 m de dénivelé positif cumulé
35  sommets de plus de 4000m
4892  euros récoltés pour MSF

 

BONUS DE L’AUTOMNE 

Lagginhorn et Weissmies, soit un total de 37 sommets sur les 82 x 4000.

Cat Villegas est soutenue par BLUE ICE.

 

Lire notre dossier sur l’alpinisme au féminin.