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Kilimandjaro, sur le toit de l’Afrique

Trek sur la voie Machame

Kilimanjaro, Machame Route, Tanzania. Copyright Jocelyn Chavy - Alpine Mag.

À 5895 mètres, le Kilimandjaro est le point culminant de l’Afrique, et l’un des « Seven summits » parmi les plus abordables. Son ascension au fil de la voie Machame, un trek d’une semaine avec l’agence Allibert Trekking, permet de s’acclimater tout en profitant de l’extraordinaire variété des lieux. Le sommet, d’une grande beauté, n’est pas à prendre à la légère. Reportage.

Le vent fait claquer la toile depuis un moment. Les neiges du Kilimandjaro fouettent la tente. Il est tout juste vingt-trois heures, le réveil vient de sonner. Veille d’ascension, veille de course. Il a neigé une bonne partie de la soirée, d’abord le grésil, puis les flocons. Impossible qu’on se lève pour partir tenter l’ascension du plus haut sommet d’Afrique par un temps pareil. C’est mal connaître l’optimisme, et la grande expérience des guides tanzaniens. Nous nous levons, les chaussures crissent sur l’épaisse couche de gel et de neige vitrifiée par le vent. Ce n’est pas l’heure du petit-déjeuner, mais il faut avaler quelque chose, même si le précédent repas ne date que de quelques heures. À minuit, nous partons, dans les bourrasques qui soulèvent les flocons.

Machame gate, point de départ du trek ©Jocelyn Chavy

Le Kilimandjaro, vu de Shira ©Jocelyn Chavy

« Le Kilimandjaro est une montagne couverte de neige », écrivait Ernest Hemingway, « haute de 6021 mètres », croyait-on alors, quand il écrivit la nouvelle éponyme en 1946. « Une carcasse de léopard ornait le sommet ouest. Personne ne savait ce que l’animal était venu faire si haut ». Si haut que le sommet du Kilimandjaro est la plus haute montagne d’Afrique. Situé dans le Nord-Est de la Tanzanie le Kilimandjaro est en fait constitué de trois volcans : le Shira à l’ouest, culminant à 3 962 mètres d’altitude, le Mawenzi à l’est, s’élevant à 5 149 mètres d’altitude, et le Kibo, le plus récent géologiquement (un demi-million d’années !), situé entre les deux autres et dont le pic Uhuru à 5 895 mètres d’altitude constitue le point culminant du continent.

Le Kilimandjaro est en fait constitué de trois volcans

D’un pas lent et régulier, nous nous élevons sur le sentier. Je bute sur une caillasse plus grosse que les autres et lève la tête : nous traversons Barafu Camp, 4650 mètres, quelques minutes plus haut que notre camp de la soirée. Le fameux dernier camp : imaginez un village de tentes, sur une crête assez étroite, bordée d’un côté par des champs de cailloux, de l’autre par une falaise abrupte de plusieurs dizaines de mètres, le tout autour de la cabane des park rangers.

Il reste quasiment mille trois cent mètres de dénivelé pour atteindre le sommet du Kilimandjaro. Ajoutez le vent et le froid, ça fait beaucoup. La montée est rude, la sente effacée par la neige, le sol est dur, gelé. Les nuées enveloppent les pentes, qui se perdent dans l’obscurité. Malgré les sous-vêtements chauds, la doudoune, le froid est intense. La nuit est longue tandis que s’égrènent les innombrables lacets alternativement avec des mini-pauses régulières pour s’hydrater avec du thé chaud. Le froid mord les doigts à travers les gants, et même en cascade de glace, je n’ai pas eu aussi froid que pendant cette ascension.

Rando avec en toile de fond la pyramide du Meru, 4565 mètres ©Jocelyn Chavy

Kilimandjaro, voie Machame

L’aube point peu à peu. Plus quelques dizaines de mètres, et nous atteignons Stella Point, 5756 mètres, le rebord du cratère. Nous passons d’une nuit de doutes sur la tranche raide de la montagne, à l’aurore de la félicité sur l’échine ronde du sommet. À main gauche, une langue de sérac bleue semble posée en équilibre sur le rebord du monde. Encore quelques minutes qui s’étirent en dizaines de minutes : le temps passe différemment sur les sommets, et le Kilimandjaro n’échappe pas à la règle. À main droite, le sémaphore des glaces émerge de la fosse des cendres, ou Ash Pit, le cratère glacé du Kilimandjaro. Iréelle, l’aurore teinte les cieux de orange, de carmin et de pourpre. Une mer de nuages infinie nous entoure et roule sur l’horizon : l’immense sommet du Kilimandjaro est une île au milieu de l’océan africain. Ce spectacle vaut le voyage. Un voyage rendu possible par les porteurs et les guides tanzaniens.

l’immense sommet du Kilimandjaro est une île au milieu de l’océan africain

Un massif plutôt qu’une montagne

Ils sont nombreux, environ trois porteurs pour un voyageur. Le premier jour l’effervescence agite Machame Gate, qui, à 1830 mètres, est le point de départ du trek par la voie éponyme, Machame route. Chaque charge est identifiée, pesée. Chaque voyageur peut emmener douze kilos. Les porteurs emmènent également les tentes, la nourriture, la cuisine dont les réchauds et les bonbonnes de gaz de plusieurs kilos. Souvent, ils portent leur charge en équilibre sur leur tête, quand bien même il s’agit d’un imposant sac. D’une main ils gardent l’équilibre, de l’autre, un bâton. Hakuna matata !  s’exclament les porteurs quand nous les croisons, ou plutôt, comme c’est souvent le cas, quand ils nous doublent. « Sans souci » en swahili. Les guides tanzaniens, eux, n’ont pas de grosses charges mais un bon sac malgré tout. Et la responsabilité, énorme, de guider des occidentaux vivant au niveau de la mer à presque six mille mètres en six jours.

Rien n’est d’ailleurs laissé au hasard ici : notre saturation en oxygène et notre rythme cardiaque est testé matin et soir. Certains guides enchaînent les rotations au fil des semaines. Un rythme infernal qui fait sourire Marcus, l’un de nos guides, qui dit aimer son métier plus que tout. Il faut de la patience en tous cas : depuis Machame gate, 1830 m, le premier jour permet d’atteindre Machame Hut, le premier camp, qui est encore dans la forêt à plus de 3000 mètres. La végétation luxuriante s’arrête à Shira Camp, 3840 m, atteint le deuxième jour de trek. Les nuées enveloppent tout, jusqu’à la nuit, où, en se déchirant, elles dévoilent le Kilimandjaro depuis l’ouest. Tabulaire, la montagne paraît énorme : elle l’est. C’est un massif plutôt, dont les neiges luisent dans la nuit.

Breach Wall, la face impressionnante gravie par Messner en 1978

Le Breach Wall du Kilimandjaro, depuis Barranco ©JC

Le Kili by night, Karanga Camp, 4030 m. ©Jocelyn Chavy

Il y a des journées plus faciles que celle-ci : de Shira Camp le sentier décrit un grand arc-de-cercle sur les hauts flancs du massif, le passage à Lava Tower est un rite : première fois à 4600 mètres pour certains d’entre nous, la tête qui cogne et ce foutu brouillard qui se transforme en pluie à l’approche de Barranco Camp, le camp du canyon.

Miracle, les nuages s’écartent pour laisser apparaître le Breach Wall, la fameuse face gravie par Reinhold Messner et Konrad Renzler en 1978, ascension durant laquelle ils ont gravi l’énorme coulée de glace suspendue en plein milieu de la face. Plus raisonnable, un autre itinéraire, le Breach Wall depuis le camp Arrow est une voie classique, cairnée, avec quelques pas d’escalade facile, à gauche du Breach Wall Icicle. Le brouillard referme l’impressionnant Breach Wall, et le paysage se peuple de fantomatiques et bizarres formes géantes. Ce sont les sénéçons du Kilimandjaro : des extraterrestres pouvant atteindre plus de six à huit mètres, dont la forme des têtes questionnent sur l’équilibre général. Pourtant, certains sont plus vieux que moi, paraît-il.

Sans doute l’étrangeté des lieux a étonné les premiers ascensionnistes en 1889 : Hans Meyer et Ludwig Purtscheller. Figure de l’alpinisme sans guide, l’autrichien Purtscheller a réalisé cinq ans plus tôt la première traversée des arêtes de la Meije dans le sens est-ouest (du Doigt de Dieu au Grand Pic) avec les frères Otto et Emil Zsigmondy. Il est mort en 1900 des suites d’une chute en crevasse au retour des Drus, et a donné son nom à une aiguille proche de l’Aiguille du Tour, qu’il a gravi en solo. Nul doute qu’en 1889, le Kilimandjaro était complètement recouvert de glaciers, tandis que ceux-ci subissent une fonte accélérée depuis les années 1990, en raison du réchauffement climatique mais aussi de la déforestation des alentours.

La montée à Barafu camp, au-dessus de 4000 mètres ©JC

Entre Stella Point et le sommet, l’aube magnifique, vers 5800 mètres ©Jocelyn Chavy

Ash Pits, la fosse aux cendres d’où émergent les glaces ©JC

Yves à droite et ma pomme ©JC

Barranco Wall

Le lendemain, la journée démarre par l’ascension de Barranco Wall. De loin, il ressemble à une paroi noire et verticale. De près, l’ensemble est raide, et nécessite régulièrement l’aide des mains, mais la progression sur le rocher, truffé de trous, est ludique. Le tout est vite avalé – à moins que ce soit l’acclimatation qui progresse, et on atteint Karanga Camp, vers 4000 mètres. Vaste, le camp un port qui flotte à la lisière des nuages : la mer des nuées va et vient, nous engloutissant avant de découvrir le vaste sommet du Kilimandjaro et son glacier Heim. Si loin, si proche : encore une demi-journée pour atteindre le camp de base, Barafu, à 4650 mètres. Depuis Barranco, et encore plus maintenant, nous avons rejoint la foule, et ici la voie normale du Kilimandjaro, que certains font de refuge en refuge. 

un sommet magnifique, la lumière qui renverse tout, les larmes des uns et des autres, la joie ineffable d’être monté là-haut

Barafu camp. Quinze heures : l’heure de la sieste, et celle de certains retardataires, qui redescendent en titubant du sommet. Question qui se pose : est-ce bien raisonnable ? Seize heures : l’heure de faire le sac. Deux doudounes ne seront pas de trop, comme l’expérience le montrera. Dix-sept heures, la Cène. Dernier repas consistant. S’empiffrer par peur de manquer ? Les cuisiniers tanzaniens ont l’habitude, ils ont prévu la dose. Dix-huit heures : les nuages roulent devant le soleil, joue à cache-cache avec le Meru, 4565 mètres, grand cône voisin devenu égal. Nous volons à quinze mille pieds, personne d’autre dans le ciel encore clair. Sauf le Kilimandjaro, qui s’embrase au couchant. Vingt-trois heures : l’heure de se lever, au milieu des bourrasques. Ciel bouché. Froid polaire.

Au bout : un sommet magnifique, la lumière qui renverse tout, les larmes des uns et des autres, et la joie ineffable d’être monté là-haut. 

Comment gravir le Kilimandjaro ? 

Nous avons réalisé l’ascension du Kilimandjaro et le trek de la voie Machame avec l’agence Allibert Trekking.

Le voyage est proposé en dix jours, dont sept jours de trek : au départ de Machame gate, 1830 m. le sommet est atteint le sixième jour, le septième jour complétant la descente pour atteindre Mweka Gate, 1640 mètres. Nuits sous tente.

L’itinéraire de la voie Machame permet une meilleure acclimatation. Allibert fournit sur place un caisson hyperbare et des bouteilles d’oxygène en cas de MAM, ainsi qu’une liaison radio téléphone avec un médecin spécialiste de l’Ifremmont en cas d’urgence. C’est sans doute un ensemble de précautions essentielles dans un projet tel que le Kilimandjaro.

Si l’ascension l’avant-dernier jour, et la descente, ne proposent pas de passage technique particulier, l’altitude, elle, peut se faire sentir, à des degrés divers selon les personnes. Partir avec des guides Allibert spécialement formés aux questions d’altitude est un gage de sûreté. De manière générale, les guides et l’organisation Allibert sur place est très professionnelle : tout est calé et pensé pour réussir le sommet dans les meilleures conditions.

Toutes les infos : Allibert Trekking voie Machame

Conseils pour une bonne ascension

Ne négligez pas le repos, autant que l’entraînement, dans les semaines précédant le voyage. Durant les premiers jours de trek, buvez beaucoup. Marchez lentement, en suivant les conseils des guides qui répètent « Pole, pole » (doucement, doucement) à l’envi. Le jour du sommet, si vous subissez des symptômes de MAM (maux de tête, vomissements) qui ne cèdent pas malgré la prise d’aspirine par exemple, renoncez et redescendez.

Le groupe de guides Allibert est dimensionné afin que le jour de l’ascension, un éventuel malade puisse être accompagné vers le bas tandis que les autres poursuivent vers le sommet. Dans notre groupe de douze personnes, deux ont dû faire demi-tour, plusieurs ont eu des symptômes de MAM, mais dix ont fait le sommet, ce qui est un excellent ratio.

Le jour du sommet, nous étions de retour à dix heures du matin à Barafu, puis, après un repos, nous sommes redescendus à Mweka Camp, 3100 mètres, dans la foulée.

À savoir, pour de meilleures chances de succès, et pour le plaisir bien sûr, Allibert Trekking propose d’effectuer, en option, l’ascension du Meru 4565 mètres avant celle du Kilimandjaro. Un trek Meru-Kilimandjaro de 14 jours au total à considérer pour une meilleure acclimatation et pour celles et ceux qui veulent optimiser leurs chances de bien-être en altitude : les quatre participants qui avaient fait le Meru avant ont tous réussi le sommet du Kili ensuite.

Enfin, pour une plus grande découverte de la Tanzanie, l’ascension du Kili est aussi un prétexte pour prolonger le voyage sur place avec un combo trek et safari dans les parcs de Manyara, du Tarangire et dans l’impressionnant cratère du Ngorongoro, patrimoine mondial de l’Unesco, et pourquoi pas, jusqu’aux plaines du Serengeti