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Journal d’un team

Virée glacée avec Black Diamond

C’est la fête chez Black Diamond ! La marque américaine sort deux nouveaux produits phare pour la glace, à savoir piolets et broches ultra-légères. Pour l’occasion, Alpine Mag était invité à tester de ses mains gantées ces nouveaux outils, sur les cascades de Pitztal, en Autriche. Tout cela aux côtés des alpinistes du team BD, venus des quatre coins d’Europe avec chacun leur histoire et leurs spécialités. Journal de bord de la virée.

L

a très longue vallée de Pitztal se déroule sous les roues du van bourré de matos. En Autriche, le coin est réputé pour être la Mecque de la cascade de glace. Les lieux sont aussi connus pour être bien fournis en neige lorsqu’ailleurs c’est sec. Méfiance cependant, car les hauts versants sont striés d’une multitude de couloirs avalancheux, et les cascades y sont souvent exposées. A l’arrière du Mercedes 7 places, c’est le voyage de classe. Même s’ils ne se connaissent pas tous personnellement, les athlètes Black Diamond s’apprécient et savent que pendant 3 jours, ils vont avoir pour unique tâche de grimper. Autant dire que les esprits sont détendus, même en présence du boss, Kolin Powick, directeur du pôle escalade chez BD, à Salt Lake City, qui vante les qualités de ses bébés, le piolet Reactor et les broches Ultralight Ice Screws, à grands coups d’adjectifs flatteurs. Nous, tout ce qu’on veut, c’est allez voir ça sur la glace…

Trêve de politesse surranée. Les dames d’abord c’est dépassé. Mais ce matin, elle est bien la première attablée. « G‘morning ! » Au petit déj’ de l’auberge familiale de Pitztal, Ines Papert est déjà là pour remplir le thermos. L’allemande a derrière elle une longue carrière de grimpeuse de compétition d’abord, puis d’alpiniste de haut niveau ensuite, dans les coins les plus reculés de la planète. Autant dire que les barbus, il y a longtemps qu’elle en mange à tous les repas. Après avoir écumé les glaces du monde entier, bien loin de la compétition qui l’a révélée (un titre de championne du monde en 2006), Ines a toujours une foule de projets en tête, dont la plupart sont gardés secrets. Pour l’heure, c’est en Himalaya qu’elle vivra sa prochaine aventure. Elle partira au printemps au Shishapangma. Pour quelle voie ? Une ouverture ? Elle en a déjà trop dit, mais il y a fort à parier que les objectifs seront ambitieux. Avec son compagnon de cordée, le slovène Luka Lindic, ils formeront une équipe solide pour affronter le géant chinois de 8 013 m. Affaire à suivre…

De tous les accents anglais du monde, celui des anglais d’Angleterre est sans doute le plus élégant. Celui de Jon Bracey n’échappe pas à la règle. En discussion avec le confrère écossais de l’excellent UKclimbing.com, on se croirait un instant dans le Lake District ou quelque part en face nord du Ben Nevis… En plus de ça, Bracey est humble, sympathique, et plutôt doué. Enervant. De quoi passer un bon moment et faire passer la pilule lorsqu’après une longueur, on s’aperçoit que la deuxième est à nos pieds, écroulée. Frustration, réflexion, blagues de décompression et finalement retour à la case départ comme des c.. (pour la rime). Mais l’english man de Chamonix ne peut en rester là. C’est qu’il est du genre déterminé, comme le montre le film Citadel, dans lequel on le voit en Alaska avec Matt Helliker. Ici, sans autre option alentour, on passe en mode entraînement dans une première longueur qui devient notre couenne du jour. Parfait pour chauffer les avant-bras et tester les joujoux.

la première sensation est surprenante, car le poids-plume modifie quelque peu la prise en main

Et ces piolets me direz-vous ? Et ces broches ? Hé bien les piolets Reactor font le job, et nous ont bien aidé pour monter. Quant aux broches, personne n’a volé, mais personne ne s’est fumé les bras non plus à l’amorce ou en brochant. On rentre un peu plus dans les détails dans les fiches de test respectives des deux produits, mais globalement, les piolets prolongent bien le ressenti des Fuel, en apportant un manche plat qui tiendra entre les dents des grimpeurs les plus féroces, lors de changements de pioches. Les lames ont également été revues et affinées. Surtout, ces nouveaux Reactor ont maintenant la possibilité de recevoir un marteau, pratique en mixte lorsqu’un piton demande à être retapé. Enfin, la poignée est munie de deux inserts au choix qui modifient l’espace en poignée et conviendront à toutes les tailles de main. Pour ce qui est des Ultra Light Ice Screws, la première sensation est surprenante car le poids-plume modifie quelque peu la prise en main. Avec un corps en aluminium et un trépan en acier, l’amorce est facile. Alors bien sûr, on se demande si cela va tenir en cas de chute, si les tests ont bien été faits en labo, etc. Il semblerait quand même que la certification ait une valeur supérieure à nos craintes infondées. Reste tout de même à voir dans le temps, notamment en termes d’usure des filetages, moins à cause du vissage qu’à cause des frottements et chocs au baudrier. Kolin Powick conseille d’ailleurs de les vider sans les taper sur la glace. Il rappelle également que « le matériel léger est forcément moins résistant sur le long terme. Les gens aujourd’hui se plaignent souvent que leur nouveau matériel s’use plus vite que leurs vieilles broches d’il y a 15 ans, ou leurs chaussures en cuir d’il y a 20 ans…Mais il faut se souvenir que tout ça pesait deux fois plus lourd ! »

Avec de tels jouets, difficile de s’en tenir à la glace. Korra Pesce est plutôt adepte du mixte et un spécialiste des voies très difficiles, dans le Mont-Blanc et en Patagonie notamment. L’italien est aussi un fort grimpeur en dry-tooling et Pitztal offre quelques sites mixtes très intéressants. En binôme avec Klemen Premerl, on assiste à un festival de mouvements durs et les lames crissent sur le rocher. Quand il ne grimpe pas un iceberg au Groenland, Klemen fait parler de lui sur la glace vaporisée d’Helmcken Falls, au Canada : Wolverine (WI11), Spray On…Top (WI10, M9+ 240 m), Spray On (WI10), Overhead Hazard (M12). Solide.
Si le Slovène a le bagou et le verbe haut, Korra est plus réservé. Mais son regard balaye, scrute, analyse, et quand il ouvre la bouche, il met souvent dans le mille. Dans une précédente interview, à la question « Quels sont tes talents cachés ? », il répond : « Demande à ta mère »… CQFD.

Les conditions se dégradent, la glace s’affine et la neige se remet à tomber. Il est temps de plier bagage. Pitztal aura été une parenthèse dans la saison d’athlètes pressés, entre deux expés ou trip glacés. Le Shisha pour Ines, l’Islande pour Klemen, la Norvège pour Korra, les Lofoten pour Jon… Une équipe d’alpinistes sponsorisés reste l’addition de personnalités et caractères singuliers. Un dénominateur commun ? La passion de la montagne certainement… et des broches et piolets tout de vert colorés…