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Histoires vécues au Marathon des Sables

Récit croisé dans les dunes

Erik Sampers

Le Marathon des Sables (MDS) déroule ses 250 km de course en plein désert. En autosuffisance alimentaire, chacun doit porter de quoi manger et dormir pendant les 6 étapes de l’épreuve. Pour cette 34e édition, Terres d’Aventures a monté une équipe de 44 participants pour se mesurer au désert, à ses charmes et ses pièges. Une échappée belle racontée par ceux qui l’ont courue.

Courir le Marathon des Sables (MDS pour les initiés), c’est se confronter à ses limites. Une course en milieu sauvage et engagée, puisque chaque concurrent court pendant une semaine en autonomie en portant sa nourriture. Créée en 1986, c’est désormais la quatrième des dix étapes de l’Ultra-Trail World Tour. Si le MDS attire les foules en tant qu’une des courses les plus délicates au monde, on y vient aussi pour l’ambiance dégagée par le souffle du désert. Pour cette 34e édition, les températures sont toujours aussi extrêmes pour une course d’une intensité hors-norme où le coureur se fait stratège pour gérer son effort sur la durée. Six étapes à travers dunes, ergs et oueds asséchés, dont une étape marathon de 42 km et une d’environ 80 km en partie de nuit : c’est ce qui attendait les 44 membres de l’équipe Terres d’Aventures. Récit(s).

 

Le Marathon des Sables, une affaire d’équipée

 « Avec des copains et collègues, on est des coureurs passionnés de trail et d’ultra-trail. On s’entraîne ensemble, on participe à des courses ensemble. En plus de l’énorme défi physique et mental que le MDS représente, on avait envie de partager cette épreuve collective ensemble. Dans le monde de la course à pied, on dit qu’il y a un « avant » et un « après » Marathon des Sables, on avait envie de voir ça » raconte Thomas.  Et si la course en elle-même est déjà exigeante, décider de se lancer dans l’aventure constitue  aussi une épreuve en soi comme l’a expérimenté Guillaume : « Longtemps, le Marathon des Sables m’est apparu comme une chimère insaisissable, une forteresse imprenable. Et puis, porté par l’engouement d’une inscription en équipe, l’esprit se libère et accepte l’idée du dépassement de soi. Un projet un peu fou : parcourir 250 kilomètres en autonomie dans le désert. Sans trop hésiter je boucle mon inscription, l’appel de l’inconnu est trop fort.» Pour Lionel, président de Terre d‘Aventures, c’était « l’occasion de remettre ça après deux premières participations, accompagné cette fois d’une équipe de 44 coureurs », la plus importante jamais constituée dans cette épreuve.

Les dunes, innombrables dénivelés. ©Erik Sampers

Le désert s’ouvre devant moi, vierge. Plus une trace de pas sur le sable.

Chaleur, portage, ampoules  

Le MDS, une course mythique de par les contraintes qui l’environnent. « Pour moi, la plus grosse inquiétude, c’est la chaleur », déclare Thomas. J’ai l’habitude de courir de longues distances en montagne, mais je n’ai jamais couru avec des températures supérieures à 40°. Il faut savoir s’hydrater, s’alimenter et se protéger du soleil, souvent aux heures les plus chaudes de la journée. C’était une première pour moi, donc il y avait une petite crainte, c’est certain. L’autosuffisance représente également un véritable défi. Nous sommes partis avec tout le matériel nécessaire et obligatoire, ainsi qu’avec pas loin de 4 kg de nourriture lyophilisée et barres énergétiques qui ont été notre seule source de ravitaillement pendant une semaine. En gros, un sac de 8 à 9 kg au départ et qui s’allège au fur et à mesure de l’avancée des étapes. » Un effort à gérer sur la durée, où la clé se trouve bien souvent dans la connaissance de son corps et ses limites. « Au vu de mes deux précédentes expériences, je dirais que le plus dur reste la gestion des ampoules. C’est simple, à la fin de l’épreuve, j’en étais perclus. Mes pieds étaient recouverts de pansements. Un vrai défi à la douleur, mais finalement supportable. Et puis on l’oublie vite, la preuve j’y suis retourné ! »

L’équipe Terres d’Aventures. © Erik Sampers

L’instinct de course

Pour Thomas, « difficile d’envisager ce genre de course sans une préparation très spécifique. Depuis le mois de janvier, on s’entraînait en équipe en moyenne 5 à 6 fois par semaine, avec quelques week-ends « choc » pendant lesquels on faisait plus de 100 km, comme on a pu le faire à Arcachon en février. On a également dû apprendre à courir avec un sac chargé pour habituer notre corps à ces kilos supplémentaires. Mais la préparation ne se limite pas au physique : on a aussi passé beaucoup de temps à échanger sur le matériel adapté qu’on allait apporter et sur la constitution de nos menus avec le meilleur apport calorique et énergétique. » Au final , même avec de l’entraînement, la course réserve quelques surprises. Pour Gabriel, « les étapes s’enchaînent aussi vite que les bobos s’accumulent : ampoules sur les pieds, douleurs aux genoux, entorse à la cheville… Mais chaque jour il faut repartir, dans des paysages grandioses, l’immensité du désert ! »

Au bout du chemin, une réussite commune car « vécue à 44 » raconte Lionel. « La cerise sur le gâteau, c’est qu’on a réussi une vraie performance sportive, puisqu’on a installé 8 coureurs dans les 50 premiers. Je suis aussi très heureux d’avoir pu contribuer à rendre cette 3ème édition 100% carbone neutre, pour la première fois de son histoire : nous allons compenser la totalité du carbone émis durant le Marathon des Sables par les participants, leurs accompagnants et l’équipe organisatrice. »

Au milieu des rares habitations. ©Erik Sampers

Le désert pour univers

 Quentin, arrivé 34ème au classement général a pu savourer toute l’immensité du désert. Un souvenir puissant qui le fait encore vibrer. « Pour moi, les 76 km de l’étape longue ont été les meilleurs. Sur cette étape, les 50 coureurs les plus rapides sur les 3 premières étapes partent 3 heures après les autres. Cette particularité permet à des coureurs lambda comme moi de se retrouver catapultés aux avant-postes, car on part dans la première vague. Une opportunité comme celle-là n’arrive jamais dans une course, et j’ai eu la chance d’en profiter. Je suis parti dans les 5 premiers, et j’ai tenu le rythme jusqu’à me retrouver totalement seul, en tête de course, à partir du 50e kilomètre. Improbable. Le désert s’ouvre devant moi, vierge. Plus une trace de pas sur le sable. Si le MDS procure un immense sentiment de liberté, ouvrir la voie pour les autres le décuple. Après un dernier col, mes jambes retrouvent toute leur légèreté à la vue du dernier check-point (CP). Plus que quelques kilomètres. Je vois maintenant l’arche de l’arrivée. Je regarde par-dessus mon épaule, anxieux. Pas envie d’être doublé maintenant ! Un dernier effort et j’arrive premier au campement. Mes jambes se dérobent presque sous moi, comme pour me montrer que la ligne étant franchie, elles en avaient assez. Le temps d’un après-midi, le désert était à moi ! »

Le désert réserve aussi quelques passages délicats. ©Erik Sampers

Pour Thomas aussi, qui a fait le meilleur temps de l’équipe Terres d’Aventures, l’étape longue est la plus belle. «  Comme je suis dans les 50 premiers, je pars à 11h15, en pleine chaleur. La majorité de l’équipe Terdav est partie 3h plus tôt, je sais que j’aurai du soutien sur le parcours, ça m’aidera à me relancer. Arrivée au CP2, km25, Antoine est là. Il m’aide dans mon ravitaillement et je repars. Une tempête de sable balaie le CP, j’en profite pour faire un arrêt plus long que prévu. Au moment de repartir et d’entamer les 26 derniers kilomètres, je me sens bien, le soleil se couche, les températures baissent, et je repars avec Mohammed, notre cuisiner de l’Atlas. Nous avançons à un rythme soutenu, les couleurs sur les montagnes sont incroyables. Puis la magie de la nuit commence : un long serpent de lumière scintille entre les derniers reliefs de l’étape. Je remonte sur la tête de course et double 3 coureurs qui étaient devant moi au classement général, je sais à ce moment précis que je suis bien placé. Demain c’est repos alors je lâche les chevaux sur les derniers kilomètres. La ligne d’arrivée est maintenant en point de mire, l’adrénaline monte, le plus difficile est derrière moi ! Je franchis la ligne d’arrivée en 15ème position, juste derrière la première féminine. Je suis scotché, hagard, je pense à tous les membres de l’équipe qui risquent de passer une bonne partie de la nuit à courir et à marcher. Je rejoins ma tente, Gabriel et Quentin sont là, partis plus tôt et logiquement arrivés avant moi. On est épuisé après plus de 9h d’efforts, mais heureux d’être ensemble. »

L’équipe Terdav’ au classement

Thomas Callens : dossard 78, 16ème au classement

Quentin Gaudillière : dossard 110, 34ème au classement

Gabriel Clair : dossard 87, 68ème au classement

Guillaume Cuenin : dossard 106, 164ème au classement

Antoine Brasseur : dossard 118, 411ème au classement

Lionel Habasque : dossard 111, 613ème au classement

Le Marocain, Rachid El Morabity remporte l’épreuve en 18h31 devant son frère. C’est sa septième victoire au MDS. Le premier Français Mérile Robert termine 6ème. Chez les femmes, la championne du mon de trail 2018 Ragna Debats a remporté cette 34ème édition.