fbpx

François D’Haene : la Pierra Menta en mode trail ?

Baskets ou spatules, pourquoi choisir

Pierra Menta 2019 day 1. Francois d'Haene.

Comme Ludovic Pommeret ou Xavier Thévenard, François D’Haene court. Ça, tout le monde le sait. Mais François D’Haene skie aussi, et plutôt bien ! Cette 34e édition est la 11e Pierra Menta pour le triple vainqueur et recordman de l’Ultra Trail du Mont Blanc (UTMB). Cette édition est l’occasion pour lui de faire son meilleur temps depuis qu’en hiver il troque ses baskets de trail contre des coques en plastique et des skis en forme d’allumettes. Alors, baskets ou spatules M. D’Haene ? 

Classement du deuxième jour : 5e, avec 3h40 pour venir à bout des 2700 mètres de dénivelé positifs de l’étape, la plus grosse étape de l’histoire de la Pierr’. Pour quelqu’un qui s’entraîne principalement à la course longue distance où plus il y a de distance, moins la foulée doit être rapide, il talonne pourtant le haut du podium. Et ce, à un rythme de quasi-sprinteur pour cet habitué des ultra-trails pour qui un entraînement sérieux descend rarement sous la barre des 4000 mètres de dénivelé positifs. L’effet coupe du monde en simultanée serait-il pour quelque chose à cette performance ? Organisés en Suisse à Villars-sur-Ollon par la International Ski Mountaineering Federation (ISMF), les mondiaux retiennent quelques grands habitués de la Pierra Menta, tant du côté italien que français, et laisseraient une chance à d’autres coureurs, moins habitués à mener la course. Une absence et un chevauchement des dates dommageable que beaucoup regrettent. Car si la coupe du monde est un rendez-vous important, qui propulse les futurs champions sur le devant de la scène à travers des épreuves spectaculaires (kilomètre vertical, relais, épreuves individuels), les grandes courses comme la Pierr’ sont des monuments de culture sportive, « des courses mythiques » selon les mots de François, avec de l’ampleur et qui dégagent une ambiance toute particulière. Cette année pourtant, si La Pierra Menta reste une course pour les skieurs, la réduction des écarts avec les (ultras)traileurs donne peut-être à voir la prochaine tendance dans le milieu. Quand les baskets empiètent sur les spatules.

François D’Haene et Alexis Traub dans la neige collante d’Arêches. ©Jocelyn Chavy

Une étape pour les traileurs

Mercredi 16 mars 2019, village d’Arêche : top départ ! À travers les petites rues François D’Haene mène le peloton à toute berzingue pour traverser le village sous les encouragements du public… et de ses enfants. « Je voulais leur faire plaisir » confie-t-il. « Je leur avais promis qu’ils me verraient et je devais me faire bien voir. » Depuis qu’il vit à Arêches quatre mois pendant l’hiver, François est un local, connu et reconnu par tous. Ce départ en trombe de François met un peu le sang dans la bouche de son coéquipier Alexis Traub, mais complémentaires et soudés, chacun supporte les coups de mou de l’autre sans broncher. Calés derrière Didier Blanc, vainqueur de la première étape, les deux acolytes en gardent un peu sous la spatule avant la dernière accélération qui les mènera à la 5e place pour cette étape. Une journée au parcours fait pour être gérée sur la longueur, comme l’aime François. La difficulté est toujours au rendez-vous malgré tout, même pour un ultra traileur multi étoilé. « Quand je fais une course de trail, je cours pendant 20h. Donc une étape de 4h est plus courte, oui, mais plus intense donc plus explosive. C’est moins dans mon habitude, même si je n’ai pas l’impression d’être totalement au max non plus. »

les trois premières semaines de reprises de la course à pied sont vraiment dures après une saison de ski.

François D’Haene

Ambiance pluie et neige lourde pour les coureurs. ©Jocelyn Chavy

Le ski-alpinisme, opportunité pour traileur ?

Sans être de la récupération hivernale pour autant, l’effort demandé par le ski reste intéressant, assure François. « Le ski me permet de faire travailler le physique différemment, en actionnant le haut du corps. Les jambes aussi sont sollicitées, sans que ce soit les mêmes sensations par rapport à la course. D’ailleurs, les trois premières semaines de reprises de la course à pied sont vraiment dures après une saison de ski. » Une saison d’hiver que François voit comme une aération mentale et un bon entraînement complémentaire, mais qu’il ne serait pas prêt à étendre plus longtemps. « La Patrouille des Glaciers ? Non, trop avancé dans la saison de trail, qui reste ma priorité » confirme-t-il. « Je fais déjà une croix sur beaucoup d’ultra-trail qui ont lieu en hiver autour du monde. » Un choix que font aussi d’autres, traileurs et coureurs de la Pierr’ comme lui, jusqu’à se faire petite notoriété dans le monde du ski-alpinisme. Néanmoins, pour François, ce sont deux sports bien différents. S’il est heureux de pouvoir concurrencer les premiers à la Pierr’, il a conscience de lutter à armes inégales. « Je manque encore d’intensité. Quand je m’entraîne avec les coureurs de ski-alpinisme en fractionné sur des distances et dénivelés plutôt courts, je sors d’une longue journée, avec un très gros dénivelé. Ce n’est pas le même effort ni la même récup’ ».

Malgré ses allumettes aux pieds et une neige lourde, François D’Haene descend en mode ballistique, lors de la 3ème étape de la Pierra Menta, ce 15 mars. © Yannick Ardouin.

Retraite estivale ?

Un constat qui ne l’empêche pas pour autant de viser un podium à la Pierr’, un jour peut-être. Pour l’instant, ce sont plutôt le calendrier des trails estivaux qui attire son attention. Et le programme est chargé ! Quelques gros rendez-vous avec Madère d’abord, en avril. Puis la Maxi Race en Mai, enchaînée avec la Hard Rock aux USA mi-juillet et enfin, la fameuse Echappée Belle près de Grenoble fin Août. Une fois tous ces kilomètres avalés, ce qui fait briller l’œil de François d’Haene ressemble à un parcours type John Muir Trail, à la sauce D’Haene. Histoire à suivre …

 

Propos recueillis par Jocelyn Chavy.