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À l’autre bout de la corde | La claque du Explos Film Festival !

Une claque venu du pays basque ! Le festival Explos d’Ax-les-Thermes a dévoilé le film « À l’autre bout de la corde » lors de sa soirée de clôture et c’est un événement en soi. Non seulement car les films d’escalade d’une heure sont rares, mais parce que celui-ci expose l’engouement pour l’escalade trad dans les Pyrénées et l’ouverture de voies de haut niveau du bas. Rencontre avec Arkaitz Yurrita, à l’origine de ce film, avec le teaser en prime.

Arkaitz, vous avez grimpé neuf grandes voies pour ce film, des Aiguilles d’Ansabère à Ordesa. Combien de temps a t-il fallu pour mener à terme ce projet ? 

Le projet nous a pris trois ans au total. Le réalisateur du film, Javier Valero, m’avait proposé de faire un film ensemble sur les grandes parois des Pyrénées. Rapidement j’ai pensé à Ordesa, Ansabère, le Pic du Midi d’Ossau, la Pena Montanesa, mais aussi le Vignemale ou les tours du Marboré… parce que ce soint des endroits où j’aime grimper. Aussi je connaissais des ouvreurs de certaines voies, la plupart du temps parce que ce sont des amis, avec qui je partage leur vision de l’escalade, la façon dont ils ont choisi d’ouvrir de nouvelles voies, du bas et avec le minimum de moyens. Ce pourquoi je les admire. À la fin nous n’avons pu filmer toutes les parois, parce qu’on aurait jamais fini ou rendu fou Javier Valero.

Quels sont les points communs de ces neuf voies ?

Ces voies permettent d’aller à la rencontre de leurs ouvreurs, depuis les frères Ravier jusqu’à aujourd’hui, et montrent une certaine tradition pyrénéenne en escalade quant aux moyens envisagés : ce sont des voies ouvertes du bas, même celles en huitième degré. En ouverture, il s’agit d’essayer de se passer de spits quand c’est possible, par exemple. Les Pyrénées sont une source perpétuelle d’inspiration.

En haut, Arkaitz dans Borrokan Aske à Ansabère ©Leo Sans Sebastian. En bas : Eneko Cesar à l’ouverture de Piztu da Piztia à la Peña Montañesa, l’une des voies (et voix) du film. ©Javier Valero.

Techniquement il était difficile de placer les cordes fixes dans ce genre de paroi pour que Javier puisse filmer.

Dans le film on voit des moments terribles où le grimpeur place une protection à la limite de ses possibilités, ou encore quelques chutes mémorables. Quels ont été les meilleurs moments lors du tournage, ou les plus compliqués ?  

Pour moi l’un des grands moments a été de passer une journée entière avec Jean et Pierre Ravier. Quand j’ai vu qu’ils partageaient ce qu’ils voyaient à l’écran en leur montrant le film, la complicité avec notre message quant à une certaine éthique, l’idée que l’escalade peut rester une aventure. Et aussi Christian Ravier nous a donné les images vidéos (au début du film, ndlr) de son père et de son oncle, que l’on voit grimper dans le cinquième degré et plus avec un bout de corde en chanvre et pas grand chose d’autre… Javier Valero et moi étions très contents qu’ils puissent partager ces images avec nous, pour la valeur historique indéniable de ces images. Quant au tournage, le plus difficile était de ne pas savoir quand ce projet se terminerait ! Nous avons eu une petite aide économique de Totem, mais pour tout le reste nous avons dû financer le film. d’un autre côté, avoir la confiance et l’aide de tant d’amis dans ce projet a été crucial. Techniquement, il était toutefois difficile de trouver les bons angles pour placer les cordes fixes afin que Javier puisse filmer en plein vide.

L’une des voies du film, Borrokan Aske à Ansabère, avec son ouvreur Ekaitz Maiz en aquarelle. ©DR

Pensez-vous que les grimpeurs pyrénéens accordent une plus grande importance à l’éthique en matière d’ouverture, ou de répétition que ce qui est pratiqué dans les Alpes ? 

Je n’aime pas les comparaisons. Je pense qu’il y a toutes sortes de tendances en escalade dans les Pyrénées, mais qu’il y a des montagnes ou secteurs comme Ordesa, Montrebei ou le Pic du Midi d’Ossau où la communauté des grimpeurs a intégré le fait qu’il fallait être le plus « clean » possible lors qu’on ouvre des voies, en laissant le minimum de points en place. Je ne pense pas et je ne me permettrai pas de dire que l’éthique dans les Pyrénées est meilleure que celle pratiquée dans les Alpes. Mais j’attire l’attention sur le fait qu’aujourd’hui, dans les Pyrénées, oeuvrent des grimpeurs de grand talent à l’éthique sans concession dans l’ouvertures de nouvelles voies. C’est cela que Javier Valero et moi avons voulu montrer dans le film À l’autre bout de la corde. Grimper à nos limites dans ce genre de terrain conduit éventuellement à la chute. La question est de savoir quand vous pouvez tomber, ou bien quand une chute aurait des conséquences fatales.

Il existe dans les Pyrénées des grimpeurs sans concession quant à l’éthique de l’ouverture en grande voie.

J’admire le fait que l’impossible devienne possible en escalade.

Est-ce que le film est un manifeste contre l’équipement à tout va ?

J’admire le fait que l’impossible devienne possible en escalade, et que les gens qui croient en leurs capacités essaient de donner le meilleur d’eux-mêmes pour y parvenir. J’ai ressenti cela en discutant avec Unai Mendia (auteur dans le film d’une répétition en libre sur coinceurs de Bischochito, 7c+, à Ordesa, NDLR). Il m’a dit que lorsqu’il imagine, ou rêve d’ouvrir une nouvelle grande voie dans une paroi difficile sans spits, cela lui demande un grand effort psychologique. Ouvrir des voies de haut niveau sans spits, je pense que c’est le nec plus ultra. Mais en même temps, en fonction du terrain, particulièrement dans des dalles lisses, l’utilisation réfléchie et mesurée des spits peut créer d’authentiques merveilles pleines d’aventures. La preuve avec Piztu da Piztia à la Pena Montanesa, une ouverture du bas que l’on a filmée avec Eneko Cesar (8b+, 200m, libérée avec Iker Pou ; la L5 en 7c+ ne compte que 2 spits pour 30m, NDLR), ou la voie Borrokan Aske à Ansabère, filmée avec Ekaitz Maiz (8a, 240m), mais c’est aussi le cas de centaines d’autres voies dans les Pyrénées.

Certains jeunes grimpeurs comme Eneko Cesar ou Unaï Mendia présents dans le film semblent être le fer de lance d’une nouvelle génération, sont-ils les meilleurs en Espagne voire au-delà dans ce style trad si particulier ?

SI je vous dis qu’ils sont les meilleurs ce ne serait pas vrai, certains sont sans doute parmi les meilleurs de ce côté ci des Pyrénées mais bien sûr ils ne voudraient pas que je dise cela ! Pour moi ce qui est important c’est la façon dont ils ouvrent des voies, la passion qu’ils mettent là dedans qui est admirable et c’est cela que j’ai voulu montré dans le film. J’ai le sentiment qu’une large part de la communauté soutient cette idée, après avoir montré le film dans différents coins des Pyrénées. Et bien sûr les Pyrénées sont un bel endroit pour pratiquer l’escalade trad.

En haut : l’incroyable pilier de de Borrokan Aske à Ansabère, avec Ekaitz Maiz et Arkaitz Yurrita © Leo San Sebastian. En bas : Javier Valero en train de filmer Eneko Cesar dans Piztu da Piztia. © DR.

Des parois comme la Pena Montanesa sont majeures. Pour autant, cela n’explique pas pourquoi ce spot est si peu connu en France, quelles voies conseillerez-vous à des grimpeurs tentés par l’aventure ?

Je dirais que des parois comme la Pena Montanesa sont assez « nouvelles » mais pas tant, grâce aux efforts d’ouvreurs comme Papila, Picazo, Rémi Thivel, Christian Ravier, Chemari… il y a quelques années. De mon point de vue la dernière décennie a vu un renouveau avec de vrais bijoux qui ont été ouverts en dalle, sur un excellent calcaire compact, où la difficulté ne descend que rarement en-dessous du septième degré. La Pena Montanesa n’offre que peu de voies accessibles, et pas de lignes logiques comme à Montrebei ou Ordesa. Pour ceux qui aiment les voies de haut niveau sans spits, Ver venir (7c+, 7b bl. 245 m) est exceptionnelle, probablement la plus exposée en trad (ouverte sur coinceurs et pitons par Iker Madoz, Toti Sole, Unai Mendia et Arkaitz Yurrita, NDLR). Dans le huitième degré Piztu da Piztia (8b+) est incontournable, tout comme Good Brothers ou Logica relativa. Dans le septième degré il y a des voies fantastiques comme Melons Obsession, ou Passe Murailles. Impossible de les citer toutes, mais il y a aussi Ordesa en Montanesa, Catalunya Ye Ye, Futuro Incierto, Lagrimas en la roca, Fantastichen… toutes offrent une escalade incroyable sur l’un des meilleurs rochers des Pyrénées.

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À l’autre bout de la corde, de Javier Valero, produit par Javier Valero et Arkaitz Yurrita. Un documentaire d’1h05 avec les frères Ravier, Christian Ravier, Ekaitz Maiz, Mikel Zabalza, Arkaitz Yurrita, Eneko César et Unai Mendia. Pour connaître les prochaines diffusions : https://es-es.facebook.com/escalada2017/posts