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Els 2900 | Plongée dans un trail hors-norme

"Plus qu'une course"

La course de trail Els 2900 s’est imposée comme un rendez-vous inédit dans le monde de la course en montagne. Se déroulant sans balisage, par équipes de deux et dans un environnement alpin nécessitant parfois le baudrier, cette course andorrane a remis le trail au milieu de la montagne, voire tout en haut.
Récit de l’édition de cet automne, à travers le regard de l’un de ses participants, Martin Schøber, qui a eu la force de franchir la ligne d’arrivée. 

M

es Que Una Cursa est la devise de ce qui pourrait être la course de trail la plus folle d’Europe, ce qui n’est pas peu dire. L’expression catalane signifie « Plus qu’un parcours » et décrit parfaitement la course à travers les sept plus hauts sommets du petit pays pyrénéen d’Andorre. Il ne s’agit pas tant d’un compte-rendu de course que d’une journée d’aventure en haute montagne. 

Comme son nom l’indique, l’ELS 2900 n’est pas seulement un énième ultra-marathon ou une quelconque course de montagne. C’est un terrain complètement différent, même si c’est tout de même un ultra, une course et dans un terrain montagne. Pour rappeler l’histoire de l’ELS 2900 (souvenez-vous de notre article l’année passée), il faut se souvenir que ses organisateurs, Matthieu Lefort et Carles Rossell, voulaient créer une mini Nolan (Nolan’s 14, USA) en Andorre. C’est ainsi qu’ils ont eu l’idée de relier entre eux les 7 plus hauts sommets d’Andorre, qui culminent tous au-dessus de 2900 mètres. Après avoir eux-mêmes parcouru et terminé le parcours en 20h40, ils voulaient que d’autres personnes vivent une expérience similaire, et ils ont ainsi lancé l’ELS 2900.

 

ses organisateurs, Matthieu Lefort & Carles Rossell,
voulaient faire un mini Nolan

© Pierre Vignaux

© David Ariño

© David Ariño

des gens plein d’histoires de montagne à raconter
et venus du monde entier

C’est une « course » qui ne comporte que des limites de temps et des checkpoints. Il n’y a pas de balisage du parcours, presque pas d’équipement obligatoire (seuls le casque et le baudrier sont requis pour la dernière partie de la course pour des raisons de sécurité) et si vous le souhaitez, vous pouvez entrer dans trois pays en cours de route. Elle est extrêmement autonome avec seulement deux postes de secours sur le parcours. La plupart des finishers sont en montagne pendant plus de 18 heures. Ceci, combiné à la technicité et à la difficulté du parcours, oblige les organisateurs à être très sélectifs, avec seulement 25 équipes de deux. C’est une course très difficile. Il ne suffit pas d’être un bon coureur. Il faut aussi être alpiniste.

Rando d’échauffement

Comme il ne s’agit pas d’une course ordinaire, elle ne débute pas de manière ordinaire. Le départ a lieu dans le petit Refugi dels Estanys de la Pera, qui ne se situe qu’à une randonnée de 2h30 avec 1400 mètres de dénivelé, moins de 12 heures avant le départ, à minuit. Outre le fait qu’il se trouve dans un magnifique cadre haute montagne, le Refugi offre des repas copieux et des lits semi-confortables pour se préparer et se reposer avant le départ. La randonnée nous a donné l’occasion de faire connaissance avec les autres coureurs, des gens plein d’histoires de montagne à raconter et venus du monde entier.

© Jordi Saragossa

© David Ariño

On est pas là pour le spectacle

Loin des départs pompeux et bruyants, accompagnés de musique, de commentateurs et de nombreux spectateurs, l’ELS 2900 commence de manière plus humble. À minuit, Matt compte à rebours à partir de 10, crie simplement un joyeux « Yeeeeah  » et ainsi débute la course. Les coureurs visent tout droit la montagne vers le premier sommet. À l’exception des équipes les plus rapides (c’est-à-dire Nick Elson et Dakota Jones), les équipes sont quelque peu rassemblées vers le premier sommet, le Pic de La Portelleta.
Après ce premier sommet coché et la descente technique de l’autre côté, les équipes commencent à se séparer. Certaines vont à gauche, d’autres à droite. Tout est permis et vous mènera aux mêmes sommets, mais selon un itinéraire au choix. Nous choisissons d’aller à gauche et de suivre le chemin de référence (une trace GPS proposée par l’organisation). Même avec un ciel dégagé, la nuit est sombre. Mon partenaire Christian est en charge de la navigation, et je le suis sans réfléchir, ce qui me permet de faire connaissance de façon très intime avec ses chaussures et ses mollets.

Courir dans la nuit

Sans balisage du parcours, la course dans l’obscurité devient vraiment excitante. Surtout autour de la petite ville de Canillo où nous nous dirigeons hors du chemin de référence (comme sur un parcours de la Via Ferrata). La montée que nous trouvons est raide, sombre et impressionnante. Au fur et à mesure que nous nous élevons, nous ne voyons que quelques phares bien en dessous de nous. Nous nous laissons emporter par le sommet devant nous et essayons de prendre un raccourci vers la ligne de crête que nous allons suivre vers le sommet. Au lieu de trouver un chemin facile pour monter, nous nous retrouvons sur un chemin escarpé, peu sûr et incertain, vers la ligne de crête. Jusqu’à la toute dernière minute, nous ne savons pas du tout si cela fonctionnera vraiment. Heureusement si ! Et nous atteignons finalement la ligne de crête. Une p*** de longue ligne de crête. Absolument incroyable. Elle n’est ni particulièrement dangereuse ou difficile, mais vraiment exposée. Il n’y a pas de droit à l’erreur. Même si elle est relativement plate, on ne peut pas raisonnablement y courir.

© Jordi Saragossa

© Jordi Saragossa

© Pierre Vignaux

© Jordi Saragossa

© Jordi Saragossa

Des lignes de crête sans fin

 

Après avoir coché notre deuxième sommet, le Pic de l’Estanyó, nous descendons un champ d’éboulis glacé, où notre rythme déjà lent est réduit à un degré quasi rampant. Heureusement, le champ d’éboulis mène de l’autre côté de la pente jusqu’à une autre ligne de crête technique, vers le Pic de Serrera tout proche, d’où nous profitons d’un magnifique lever de soleil rouge et orange avec vue sur Andorre, l’Espagne et la France.
Au premier poste de ravitaillement, nous avons pu savourer des sushis, du chocolat et de la soupe tout en étant servis par des membres de l’organisation souriants. Après un regain d’énergie grâce au lever du soleil, nous nous dirigeons vers le prochain sommet, le Pic de Font Blanca. Là la course prend tout son sens. C’est le seul sommet où il y a une montée obligatoire : le couloir SE escarpé, instable et caché.

 

Est-ce une compétition ?

 Au sommet de la Font Blanca, nous avons deux choix : suivre la chemin de référence ou faire demi-tour pour prendre le même chemin que celui que nous avons emprunté. Vu le contexte, presque perdus au milieu de la nuit, nous avons choisi d’assurer et de suivre la trace GPS de référence, le long de la ligne de crête. C’est époustouflant, c’est technique, c’est amusant, mais ce n’est pas du tout rapide. Christian et moi ne sommes pas des athlètes de haut niveau. Nous aimons courir, grimper et être dehors. Nous n’avons donc jamais visé un quelconque classement durant cette course. Mais lorsqu’on nous annonce au poste de secours que nous sommes sixièmes, une étincelle s’allume en nous. Mais ces idées de classement s’évanouissent dans la nuit après notre aventure sur la crête. Le but est à nouveau de finir avant la tombée de la nuit.
Quel que soit l’itinéraire que vous envisagez d’emprunter sur l’ELS 2900, le parcours sera un véritable cauchemar pour vos pieds. Les montées sont raides, les descentes sont probablement encore plus raides et le terrain est généralement lâche, rocheux ou glissant. Sans compter qu’un manque de concentration peut avoir de graves conséquences.

 

© David Ariño

© David Ariño

© Pierre Vignaux

Se perdre sur une face nord effrayante

Au deuxième (et dernier !) poste de secours, nous avons enfilé le baudrier et le casque pour aborder les 10 derniers kilomètres, qui sont les plus techniques, les plus difficiles et les plus lents. Ces 10 km de montées, de descentes, de grimpe et d’escalade sur trois cols et trois sommets nous prennent 6 heures. Dans la dernière partie de la course, nous avons été littéralement cuits au soleil, en essayant d’escalader des champs d’éboulis escarpés vers le Pic de Medacorba, et en nous perdant sur la face nord de la Roca Entravessada. Nous étions dans de bonnes conditions avec de la roche sèche, mais c’était quand même impressionnant et exigeait une grande concentration. Nous avons fait équipe avec deux Slovènes pour que tout le monde puisse arriver au sommet en toute sécurité.

Le joyau de la course est la crête technique du Malhivern, à laquelle il y a une limite de temps très stricte. Après nos petites mésaventures sur la Roca Entrevessada, nous manquons de peu le temps imparti. Au lieu de cela, nous devons faire une nouvelle descente et remonter vers le plus haut sommet d’Andorre, le Pic de Coma Pedrosa, qui marque pour nous la fin de la course. Même avec notre corps meurtri, notre esprit épuisé, nous réussissons à profiter de la vue et de la sensation d’avoir terminé à temps l’un des parcours les plus exigeants de notre carrière de trailers.
Nous entamons la descente en traînant les pieds, avant d’être accueillis par Matt et Carles. Les coureurs qui ont déjà terminé et les coureurs qui n’ont pas terminé se retrouvent au refuge pour fêter ça, près de la ligne d’arrivée. La camaraderie à l’ELS 2900 est incroyable. Tout le monde a le sentiment de faire partie de quelque chose de spécial.

© David Ariño

© Jordi Saragossa

Réflexions d’après coup

Pour moi, cette course peut se résumer en quelques mots : la meilleure course de tous les temps. Je recommanderais à toute personne ayant une expérience significative de s’inscrire à la course. Elle n’est pas faite pour les timorés, mais elle est absolument incroyable. L’ambiance avant, pendant et après la course est détendue et c’est la première fois que j’ai l’impression de me faire des potes sur un tel évènement. 
L’ELS 2900 est plus qu’une course. C’est une aventure pour les nouveaux et les anciens amis. Je reviendrai, s’ils me laissent y participer. Merci à Matt et Carles d’avoir eu les c***s de faire de l’ELS 2900 une réalité.

Cette course 
n’est pas faite
pour les timorés

© Pierre Vignaux

© David Ariño

© Pierre Vignaux

ELS 2900, millésime 2018 (6-7 octobre)

7 sommets autour de 2900m : Pic de Coma Pedrosa (2 944m), Roca Entravessada (2 928m), Pic de l’Estanyó (2 915m), Pic de Medacorba (2 913m), Pic de la Serrera (2 912m), Pic de la Portelleta (2 905m) et Pic de Font Blanca (2 904m).
70km sur le fil d’une arête
+7000m de dénivelé positif. 
27 équipes de deux sélectionnées sur dossier
15 équipes ont terminé cette édition
Les résultats de la course au lien suivant

Notez que les pré-inscriptions pour l’édition 2019 ouvriront le 1er janvier 2019. Avis aux amateurs ! 

L’auteur

Pour l’ELS 2900, Martin Schøber a fait équipe avec son compatriote danois Christian Borgbo, coureur et alpiniste expérimenté. Ils ont terminé la course à la 7ème place, en 18h46 + 45 minutes de pénalité pour avoir manqué la crête de Malhivern.

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