fbpx

Cerro Hornos, exploration en Patagonie

Cap au sud pour les Bourses Expé

Sommets vierges, jungle taillée à coups de machette et séracs bruyants : pas de quoi faire reculer l’équipe de la Huella del Puma. Les lauréats des Bourses Expés 2018 sont allés au Chili défricher un bout de Patagonie. Une expédition réussie avec la première du Cerro Hornos. Récit. 

« Mais qu’est ce qu’on fait là ? Elle était belle d’en bas cette montagne… c’est un enfer cette forêt ! ». Le râle d’Antonin se fait entendre. Voilà déjà 5h que l’on tente de se frayer un chemin ascendant à travers troncs, fougères et quilas (bambous local), et la lisière de la jungle n’est toujours pas visible. A la place, un nouveau mur de mousse nous fait face, qu’il faut encore franchir. Le profil à venir ne semble pas pencher vers plus d’horizontalité, il reste nonchalamment incliné, l’ascension de ce flanc est loin d’être terminée…

Première étape après avoir été déposé en bateau sur un bord de l’énorme rio Yelcho : remonter un ruisseau repéré sur google Earth. 

Approcher pour éventuellement atteindre

Nous sommes partis ce matin de Puerto Cadenas, au kilomètre 246 de la Carretera Austral. Ce petit « pueblo » est installé sur les rives de l’immense lac Yelcho, coincé entre la Cordillère des Andes et l’Océan Pacifique, dans une région de Patagonie restée très sauvage. La forêt qui recouvre tous les flancs de montagne ne laisse effectivement pas beaucoup de place à l’Homme. Seuls les sentiers du parc Pumalin offrent quelques possibilités très localisées, mais ne permettent pour autant pas d’accéder aux grands sommets de la région. Pourtant, l’endroit regorge de pépites plus ou moins camouflées : des vallées perdues dominées par des falaises, lacs et glaciers impressionnants. La nature est tout simplement puissante et belle. Essayer de percer cette carapace végétale pour découvrir ces paysages préservés est bien l’un des objectifs de notre projet « La huella del Puma ». Plus globalement l’idée est de tenter d’initier la pratique de l’alpinisme, ou plutôt de l’Andinisme, autour de Chaitén. De découvrir le potentiel de ces lieux en le partageant avec les locaux.

Remontée de jungle verticale. En contrebas le Rio Yelcho (à droite) sur lequel nous nous sommes fait déposés.

La silhouette élégante du Corcovado, depuis le Cerro Hornos.

Hornos

L’« Hornos » ou « Trono », est une de ces montagnes qui attire inévitablement le regard de tout montagnard qui remonte la célèbre Ruta 7. Une façade plutôt austère, alliage de falaises tranchantes et de séracs suspendus… en bref un micmac qui fait transpirer les mains au premier coup d’oeil. Selon les locaux, cette montagne n’aurait jamais été gravie. Et pour cause! Choisir par quel côté l’aborder est un véritable casse-tête. Mais l’opportunité de se confronter à un sommet encore vierge ne se présente pas tous les jours. Depuis notre arrivée, nos petits cerveaux bien irrigués par la pluviométrie rentrent en ébullition à chaque repérage ! Les différents points de vues sur les faces Nord et Est ne font qu’accentuer notre migraine. « C’est sur le même plan ou il y a une vallée entre les deux ? Du coup, le glacier commence entre ces deux éperons ? C’est celui-ci le sommet alors ? ». Flou peu artistique. Même notre fidèle allié en ces contrées lointaines, ici nommé Google Earth, nous illumine très peu en dévoilant un plateau à 1200 mètre d’altitude, là où on était persuadé situer le sommet… Confusion totale. Après de nombreuses prises de tête, décision est faite. L’itinéraire choisi suivra un ruisseau qui s’écoule en face Est. Nous contournerions ensuite les séracs en remontant sur une épaule qui semblerait mener au vrai sommet!

Depuis Puerto Cadenas, nous avons donc descendu le rio Yelcho dans la barque de Patricio, guide de pêche local. L’objectif était de débarquer à l’embouchure de l’affluent que l’on souhaitait remonter. Première erreur d’aiguillage, ce n’est pas le bon… Heureusement, notre sens aigu de l’orientation par montre GPS nous a permis de retrouver le cours d’eau prévu. Malheureusement après quelques heures le ruisseau tranquille s’est mué en un torrent enclavé aux cascades infranchissables. Et nous voilà donc maintenant en mode Jungle, maniant la machette à tour de rôle, visant 5 mètres devant nous à travers ce voile de végétation opaque. Nous sommes maintenant déjà bien loin de l’itinéraire enregistré sur la montre.

Finalement,  après une journée assez éprouvante, on se résout à installer un bivouac de fortune au milieu de la pente, à quelques lieux de toute vague notion de confort. Et surprise, notre progression rapide nous permet d’accéder de bonne heure à la zone neigeuse, au deuxième jour. Finie la mélasse sylvestre.

Après la touffeur de la jungle, place aux grands espaces immaculés.

Perchés entre ciel et terre.

Bivouac nez au vent, la tête dans les nuages.

Enfin l’altitude

Nous voilà dans un nouvel univers, tout de roc et de glace. Le campement installé semble tranquillement flotter au dessus de la forêt. Le sommet ne semble plus si inaccessible, un doux manteau neigeux parait se dérouler sous nos crampons. Après plusieurs tentatives infructueuses, une communication radio est même établie avec l’ami Patricio : caviar-surprise en cet endroit isolé de tout. On obtient ainsi des prévisions météo pour le lendemain, c’était au-delà de toute espérance… Anto se confectionne un repas 5 étoiles à partir de nos denrées basiques. Matthieu a droit à son brin de toilette montagnarde dans la flaque qui nous sert de robinet. Baptiste se remémore des citations de Zizou en momifiant ses pieds sensibles dans du strap. Chacun son truc, les batteries sont rechargées. Dodo temprano…

Jour de sommet : ascension nocturne, éclairée par la lune et les premières lueurs patagoniennes.

…« 1997, 1998, 1999, 2000 !! Yihouuu ». La barre des 2000 mètres serait dépassée selon le GPS. Il est 6h10. Nous attaquons les derniers mètres de cette pointe sommitale, sur une étroite pente de neige raide. Encore quelques pas d’arête, et c’est l’explosion de joie. Moment peu palpable, réalisation d’un rêve de longue date pour Matthieu. Paysage incroyable, aux délicieuses couleurs Patagones. Un pur falafel sauce émotion/joie. La mission topographique est un succès, nous perçons enfin les mystères physiologiques de ce massif… « Oh les tocards, dire qu’au début on voulait monter par cette arrête ignooooble », « Pouah l’agressivité de ces falaises, ça plonge ! ». Il semble que l’épaule choisie suivie lors de ce voyage fut une sorte de ligne immaculée se faufilant subtilement au milieu d’un chaos d’une rare violence. Cerise sur le Macdo, un hasardeux « est-ce qu’on ferait pas le deuxième ? » échappé presque en plaisantant par Antonin, vient nous titiller. Un coup d’œil à la montre, on est large ! Nous voilà repartis, traversant des dunes de glace en direction de la pointe jumelle. Cette fois-ci, nous nous lançons à l’assaut d’un bastion rocheux, qui nous imposera trois petite longueurs de grimpe, avant de se terminer par une nouvelle arrête neigeuse. Ouf, les friends n’ont pas été portés pour rien !

Coinceurs dégainés, l’assaut est lancé sur le second sommet du jour!

« En 2015, les selfies ont fait plus de morts que les attaques de requin ». On a bien faillit finir dans les statistiques.

Le pepito de cette aventure c’est aussi d’avoir eu suffisamment de temps pour réaliser pleinement ce que nous venions de réaliser et profiter de ce lieu. N’ayant incroyablement rencontré aucune bavure, il y avait du rab de temps à la cantine, et nous nous sommes délectés de la combinaison paysage et météo si précieux ici. Cela arrive malheureusement trop rarement en haute montagne. Et ça rend la claque encore plus appréciable…